Si l’horreur au cinéma ou dans le monde vidéoludique est un genre toujours plus efficace lorsqu’il reste un plaisir purement solitaire, depuis plusieurs années, on voit une « nouvelle » vague de jeux qui adoptent une philosophie totalement inverse. On parle des productions horrifiques asymétriques dans lesquelles les joueurs s’affrontent en incarnant le clan du bien ou du mal. L’un des porte-étendards de ce style de ces dernières années est Dead By Daylight. Un ambassadeur encore très joué aujourd’hui, sept ans après sa sortie, et qui est suivi de près par ses développeurs. Vous pouvez ajouter l'adaptation de Massacre à la tronçonneuse alias The Texas Chain Saw Massacre.
Bien que Dead by Daylight soit l’un des jeux d’horreur asymétriques les plus appréciés, il n’aurait peut-être pas vu le jour sans le cultissime Left 4 Dead. L’un des titres coopératifs les plus iconiques de tous les temps qui demande à une escouade de survivants de s’allier pour exterminer des monstres de toutes sortes. Mais il était également possible, et ça l’est toujours d’ailleurs, de lancer un mode pour que des joueurs prennent le contrôle des bestioles pour tenter de décimer des rescapés aussi incarnés par de vraies personnes et non une IA. C’est finalement le principe de Dead By Daylight qui, dans le fond, revendique sa filiation avec la pépite de Valve et l’a démontré en intégrant William « Bill » Overbeck dans ses personnages jouables.
Mais très vite, le jeu d’horreur s’est distingué en invitant des figures mythiques du cinéma et du jeu vidéo d’horreur telles que The Shape alias Michael Myers et sa soeur Laurie Strode (Halloween), Le Cauchemar (Freddy Krueger - Les Griffes de la Nuit), Le Cochon (Amanda Young de Saw), Pyramid Head (Silent Hill), Ghostface (Scream) ou encore le Cannibale alias Leatherface (Massacre à la tronçonneuse) qui vole aujourd’hui de ses propres ailes. Après Friday the 13th Game ou Evil Dead The Game, voici The Texas Chain Saw Massacre. Un nouveau venu capable de rivaliser avec le leader du genre ? On a assassiné des vacanciers dans Massacre à la tronçonneuse, le jeu vidéo pour le savoir.
Massacre à la tronçonneuse comme si vous étiez
Comme le cultissime film de Tobe Hooper, The Texas Chain Saw Massacre s’ouvre sur ce générique jaune, brut, vieillot et reconnaissable entre mille qui annonce la couleur. Avril 1973, Ana Flores se rend avec des amis dans la petite ville perdue de Newt, au Texas, pour retrouver sa sœur cadette Maria portée disparue. Face à l’absence de preuves tangibles de sa présence là-bas, l’enquête policière sur sa disparition n’avance pas, d’où sa décision d’aller sur place. Mais la jeune femme et ses camarades ne s’imaginaient pas vivre un véritable cauchemar. Une boucherie incommensurable connue sous le nom de Massacre à la tronçonneuse. En plus du générique, le jeu rend donc hommage à cette œuvre mythique du cinéma d'horreur jusque dans son histoire qui fait intervenir une nouvelle brochette de jeunes adultes. Des proies qui, évidemment, finiront par se faire découper en petits morceaux pour les plus malheureux d’entre eux, et à s’échapper pour les plus chanceux. C’est un slasher et les codes doivent être respectés.
Au-delà du scénario très similaire, qui ne sert qu’à offrir un contexte narratif puisqu’il n’y a pas de campagne solo, on retrouve également les lieux iconiques de Massacre à la tronçonneuse comme la station-service, l’abattoir et bien entendu la maison présumée abandonnée où gisent les os restants des précédentes victimes de la famille Sawyer. Dans ce domaine, le jeu excelle et parvient à reproduire avec exactitude les décors que l’on a vus et revus en tant que spectateur. La bicoque comprend par exemple l’antre de Leatherface avec ce couloir rouge orné de trophées de chasse, séparée du reste de l’habitation par une énorme porte en ferraille pour dissimuler les odeurs et les bruits, ou encore la fameuse pièce à manger et sa lampe squelette. Un souci du détail hautement appréciable, même si l’on regrette beaucoup que les développeurs n’aient pas proposé une ambiance plus anxiogène et plus crade.
Plutôt que d’avoir un titre très propre graphiquement pour le genre et l’ampleur de la production, qui tourne au poil en mode Résolution, on aurait voulu que les équipes salissent davantage l’image. Au moins à travers un filtre pellicule optionnel. C’est partiellement le cas, mais uniquement du côté des victimes malheureusement et seulement lorsque celles-ci sont proches d’un membre de la Famille. D’un côté, cela permet d’avoir un soft lisible en toutes circonstances, excepté de nuit où on ne voit de toute façon pas grand-chose, mais de l’autre, ça l’empêche d’avoir une identité visuelle plus marquée. Il y avait quelque chose à faire et c’est raté !
Si, si la famille
L'adaptation de Massacre à la tronçonneuse prend à contre-pied les autres jeux asymétriques comme Dead By Daylight. En temps normal, on a généralement un Tueur contre plusieurs Survivants, peu importe le nombre. Ici, c’est différent. On a des parties à quatre Victimes contre trois membres de la Famille, ce qui change la donne en termes de possibilités étant donné que chacun des personnages a forcément ses propres spécificités. Lorsqu’on incarne un protagoniste de la Famille, l’objectif est d’empêcher les proies de se volatiliser et bien sûr, de terminer le boulot en les saignant. Pour cela, on doit surveiller les quatre sorties qui permettent de s’enfuir, les maintenir fermées ou gardées en faisant le pari de positionner quelqu’un devant ou aux alentours, et ralentir éventuellement la progression des cibles avec des pièges.
Mais il faut également impérativement s’entraider entre membres de la Famille et choyer l’ancien de cette tribu dysfonctionnelle, le Grand-père. Un protagoniste qui se gère tout seul du moment qu’on l’abreuve de sang récupéré dans des seaux de drainage ou directement en amochant les jeunes adultes. Comme dans le film, le vieillard ne réagit en effet que lorsque l’on lui fait boire de l’hémoglobine. Cette boisson, qui le conserve plus ou moins en vie, sert d’activateur à sa compétence de Radar. Plus le papy reçoit de sang, et plus il peut afficher précisément et fréquemment la position des Victimes sur la carte mais aussi conférer des compétences à ses semblables pour le reste du match. Un élément du lore du long-métrage qui se transforme en une mécanique essentielle et originale.
Bien entendu, les autres membres de la Famille ont eux-mêmes leurs forces, à commencer par le personnage indispensable pour pouvoir lancer une partie : Leatherface. Avec son aptitude « Mutilation », c’est le plus redoutable de tous pour les dégâts. Le chasseur ultime du groupe. Faire vrombir son engin à tout va contribue à mettre une grosse pression sur les adversaires qui entendent au loin le bruit d’enfer, mais pas que. Pousser l’outil au bord de la surchauffe ouvre une fenêtre pour une mort instantanée. À côté de ça, on a aussi d’autres archétypes qui visent plutôt à repérer les Victimes, poser des pièges, empoisonner du monde et des objets ou d’empêcher que la viande fraîche ne s’échappe. Et évidemment, il en va de même avec les Victimes qui se complètent grâce à leurs rôles spécifiques. Certaines étourdissent des membres de la Famille, d’autres les localisent, tandis que Connie, un perso incontournable, peut crocheter des serrures en un rien de temps afin de libérer des sorties.
Des scènes d'anthologie
Dans un camp comme dans l’autre, chaque personnage reçoit une compétence, des atouts et dans le cas de la Famille, une « habileté du Grand-père ». La capacité dépend évidemment de chaque personnalité. Pour l’horrible Leatherface, il s’agit de « Mutilation » qui lui permet d’infliger de lourdes blessures, et de dégager le chemin en découpant à la tronçonneuse des caisses garnies de fils de barbelés. Sans cela, les membres de la Famille sont bloqués, contrairement aux Victimes qui ont le droit de les traverser. Les atouts donnent un certain avantage dans un domaine. Il y en a par exemple pour être plus furtif, stocker plus de sang, claquer une porte sur une proie pour attendrir la viande avant de la passer à la moulinette, devenir le chasseur en révélant la position des adversaires ou encore voir temporairement toutes les sorties du niveau dès le début du match. Vous avez donc un large choix ou presque.
Dans Massacre à la tronçonneuse, chaque compétence est améliorable sur trois niveaux, mais il faut aussi opter pour l’un des trois arbres de spécialisation car une fois un chemin sélectionné, ça reste tel quel. Cependant, pour ne frustrer personne et se retrouver avec un personnage finalement mauvais, la réattribution des points dépensés est autorisée. C’est le même procédé pour les atouts à la différence que la carte via laquelle on les débloque est nettement plus grande. Mais là encore, et quand bien même il y a plusieurs voies, il faut rester sur la route sur laquelle on s’engage. Et si vraiment ça ne le fait pas, une petite réinitialisation et on n’en parle plus. Les atouts réapparaissent alors de façon aléatoire sur la carte.
Ces compétences et ces avantages peuvent aussi se renforcer au fil des parties à la manière de la montée de niveau pour les persos. Vous jouez, ça augmente. Vous ne pratiquez pas ces atouts, aucune évolution. En cas de doute sur les bonnes combinaisons d’équipement à retenir, cinq emplacements sont disponibles pour enregistrer ses préférences et varier les plaisirs pour telle ou telle raison. Sachez aussi que les éléments cités servent à améliorer certains traits nommés Attributs qui ne sont pas les mêmes d’une équipe à l’autre. La Collecte de Sang impacte sur l’efficacité de la Famille lorsqu’elle engrange du sang, la Sauvagerie détermine la sévérité des blessures qui seront infligées et l’Endurance conditionne les mouvements comme la course ou l’utilisation d’une arme. Eh oui ! Ce serait un peu trop facile de pouvoir enchaîner les coups sans se voir mettre un stop de courte durée.
Une fois que vous vous êtes arrêtés sur un personnage avec ses compétences et ses atouts, c’est l’heure du bain de sang. Et forcément, vous vous demandez certainement si une équipe est préférable à l’autre et ce qu’il en est de l’équilibrage. Pour commencer, et ça ne surprendra sûrement pas grand monde, mais la Famille est de très loin le clan le plus jubilatoire à utiliser. Courir après un jeune homme, ou une jeune femme, blessé(e), qui lutte pour sa vie, puis arriver à lui asséner des multiples coups avant un finish cinématique bien sanglant, ça n’a pas de prix. C’est juste dommage que les animations et les modélisations des personnages soient très en retrait, car on n’aurait pas dit non à des graphismes plus précis et réalistes pour renforcer tout l'aspect gore. Et oui, promis, après avoir dit ces mots et les suivants, on va peut-être prendre un rendez-vous chez le psy ou à l’Élysée pour s’excuser de cette violence qui s’est immiscée en nous à cause de ces satanés jeux vidéo.
Durant nos heures de jeu, diverses scènes nous restent encore en tête. La première, c’était lors d’une session avec mon comparse Kikitoes. J’incarnais je ne sais plus quel membre de la Famille, mais c’était Johnny ou l’Auto-stoppeur, et j’étais tranquillement accroupi en train de pister une proie avec des feuillages qui gênaient un peu ma vision. Et là, je vois mon collègue, dans la peau de l’immense Leatherface, se ruer comme un dératé avec la tronçonneuse au bord de la rupture sur la même cible. Un moment WTF qui représentait totalement la folie du film. Lors d’une deuxième séquence j’étais seul, Starfield et Armored Core 6 étaient visiblement plus intéressants à ses yeux, mais j’ai encore assisté à un pur moment de Massacre à la tronçonneuse. Je campais une nouvelle fois Johnny ou l’Auto-stoppeur, et je me suis retrouvé à poursuivre une victime déjà bien amochée jusque sur la route principale avec Leatherface et un autre membre de la Famille à mes côtés. Lunaire et très marrant. Il y a aussi eu cette session où j’ai été spectateur pour le coup d’une exécution sommaire avec Leatherface qui a saisi une victime, qui était à terre en train d'agoniser, par la tête pour la hacher menu. Rien que pour cela, je ne regrette pas d’avoir pris en charge le test.
Mais attention, tout n’est pas rose et inutile de promettre que vous vivrez ce types d’instants. Ce sera certainement le cas évidemment, mais des fois, bah vous pourrez vous ennuyer. Nos débuts ont d’ailleurs été assez compliqués de par l’absence de tutoriels in-game - il faut se contenter de vidéos bien explicatives dans les menus -, et surtout de par le level design. Pour la toute première partie, on a commencé avec Leatherface dans la cave… qui est labyrinthique au possible, avec plusieurs endroits inaccessibles. En effet, Bubba Sawyer - le vrai nom de l’homme à la tronçonneuse -, ne peut pas ramper ou pénétrer les différentes brèches des niveaux, à l'inverse de persos plus fins comme l’Auto-stoppeur et Sissy. C’était donc la croix et la bannière pour se repérer afin de sortir des souterrains, et même après plusieurs heures de jeu, ce n’est pas le nirvana.
En fait, le souci, c’est que le level design est vraiment pensé pour piéger un peu tout le monde avec un paquet d’obstacles partout, tout le temps. Un choix qui nous divise. D’un côté, c’est extrêmement énervant de devoir contourner une pauvre barrière en bois par exemple, alors qu’on pourrait sauter par-dessus ou la fendre avec la tronçonneuse, et hyper vieillot. De l’autre, on l’accepte parce que ça fait sens avec cette idée de chasse entre la Famille et les Victimes et ça justifie pleinement les mécaniques de gameplay comparables à un MOBA dès lors que la physionomie des personnages influence les possibilités de déplacements. Mener une traque dans un monde ouvert dégagé n’aurait aucun intérêt.
Ca fait quoi d'être une victime de Massacre à la tronçonneuse ?
Pour le coup, tout le monde est globalement logé à la même enseigne avec cette conception des niveaux. En revanche, c’est un tout autre délire pour les Victimes, mais ce n’est pas nul du tout bien au contraire. Si les futurs défunts peuvent se saisir d’os pour tenter d’attaquer par derrière des membres de la Famille, le plus gros du travail sera de progresser sans se faire entendre ni voir. Ainsi, dès que le Grand-père se réveille à cause du boucan des Victimes, il faut impérativement demeurer immobile quelques secondes sous peine de révéler sa position. Il est également absolument nécessaire de regarder où l’on met les pieds car des babioles en os jonchent les décors et font office de détecteurs de présence. Les cages à poules sont aussi des armes de la Famille pour déceler nos bruits, tout comme nos actions.
L’ouverture d’une grande porte métallique ou encore la recherche d'items dans une boîte se fait par l’intermédiaire d’un mini-jeu où chaque pression de la touche Carré a pour effet d’augmenter une jauge de bruit. En cas d’échec à rester discret, la fuite est la seule option envisageable en essayant d’utiliser au mieux les environnements pour se soustraire à quelqu’un, ou se cacher (placard, congélateur), par tous les moyens. Esquiver un coup de tronçonneuse en se faufilant par la banquette arrière d’une voiture ou se défenestrer, avec comme malus de perdre de la vie parfois jusqu'à être paralyséau sol juste le temps de récupérer, sont des manières de s’évader. De bonnes idées qui fonctionnent très bien et qui sont des clins d'œil évidents au slasher.
Il y a une véritable tension à être une Victime dans Massacre à la tronçonneuse, sauf lors de parties chiantes ou si l’on se perd, et c’est un challenge intéressant. On démarre à chaque fois ligoté par les pieds ou embroché sur un crochet de boucher, ce qui fait qu'on est déjà blessé et qu’on se vide de notre sang. Une course contre la montre s’enclenche alors pour soigner ses blessures avec des fioles de soin, trouver des objets utiles pour forcer des serrures, ou dénicher des éléments pour déverrouiller les sorties. Par exemple, l’une d’elles requiert de mettre la main sur une valve à installer sur une citerne qui n’est pas obligatoirement à côté. Donc se diriger vers cette sortie augmente considérablement le risque d’être détecté, et par conséquent de se faire saigner comme une truie. La tension est encore plus palpable que des items clés, à l’instar de la valve, sont disposés aléatoirement, tout comme les sorties et les positions du Grand-père. Une façon de désorienter un peu plus la team Victimes et les joueurs, en pimentant légèrement les parties qui ne se ressemblent pas toutes de ce fait.
L’entraide est bien plus de mise encore qu’avec les membres de la famille qui sont plus autonomes, si l'on peut dire. Je me rappelle d’un match le week-end dernier où j’occupais le rôle de Leland et où j’ai décidé de suivre un autre joueur inconnu qui était Connie. Grâce à cette personne, j’ai pu progresser très rapidement vers une des sorties étant donné que la jeune femme a la capacité d’ouvrir très facilement les portes. J’ai fait le choix de déguerpir en laissant les autres derrière moi, faute de temps pour jouer une vraie partie complète, mais j’aurais très bien pu attendre que les autres Victimes nous rejoignent avant de mettre les voiles. Le jeu Massacre à la tronçonneuse est loin d’être parfait, mais comme Evil Dead The Game, il arrive à faire mouche sur certains points pour les fans de l’univers. Ce n’est donc pas une cata comme Friday the 13th Game ou pire, pour moi, Predator Hunting Grounds. Je garde encore des séquelles de ce titre atroce qui a sali un film légendaire.
Mais même si plusieurs choses m’ont convaincues, il y a pour l’heure différents problèmes. Ça aurait dû verser beaucoup plus dans l'hémoglobine avec des graphismes plus soignés et le contenu est ultra mince. Trois cartes et un seul mode de jeu, avec les mêmes objectifs… comment le jeu va t-il tenir sur la longueur alors qu’on a l’impression de faire le tour rapidement ? Sumo Digital a le temps d’apporter des changements, mais ça doit être fait et pas seulement envisagé si les développeurs veulent faire perdurer leur bébé.