Les jeux estampillés Lego ne cassaient pas franchement des briques, avant de se bâtir une solide réputation grâce aux adaptations d'oeuvres cinématographiques signées Traveller's Tales. Toutefois avec Lego City Undercover, le studio britannique s'est lancé dans un projet nettement plus ambitieux : construire un émule de GTA à partir de Lego City, afin de réunir petits et grands au sein de cet univers ouvert. Un grand écart dont les figurines sont théoriquement capables, d'autant que cette franchise "maison" se prête bien au genre. Reste encore à déterminer si tout s'emboîte comme prévu...
Avec la brique en guise de matière première, les composantes très génériques de Lego permettent aux enfants d'inventer leurs propres histoires. Mais depuis quelque temps, la firme Danoise a entrepris de donner davantage de caractère à ses jouets, au travers d'univers plus élaborés. Cette démarche a autorisé l'émergence de personnages et de scénarios, des éléments bien utiles dans le cadre de déclinaisons vidéo ludiques. En témoignent les Lego Bionicle, Lego Ninjago et désormais Lego City, avec Chase McCain en guise de héros. Ce superflic reprend du service suite à la recrudescence du crime en ville, un phénomène auquel l'évasion de prison du vilain Rex Fury n'est sans doute pas étrangère. Et évidemment, sa traque sert de prétexte aux diverses investigations que doit mener Chase... Si cette intrigue téléphonée dans tous les sens du terme sied parfaitement aux enfants, les références cinématographiques distillées au fil de l'histoire parleront davantage à leurs aînés. Malgré l'absence de licence hollywoodienne, Lego City use toujours brillamment de la parodie via des clins d'oeils à des films tels que Les Affranchis, Les Évadés ou Matrix. Que les parents se rassurent, la violence de ces oeuvres ne transparaît aucunement lors de ces séquences. Au delà du ton caricatural qui les rend très drôles aux yeux des plus jeunes, Traveller's Tales joue en effet subtilement avec les allusions. D'ailleurs l'humour s'appuie ici dans son ensemble sur cette double lecture, en alternant les gags dignes des cours de récréation et le second degré, une finesse que retranscrivent les doublages globalement très soignés (qui plus est en VO). Ces conversations interviennent pendant les cutscenes ou les appels reçus par le biais du GamePad, mettant ainsi agréablement à profit son haut-parleur intégré.
GamePad powered
Le "Communicateur" (selon l'appellation en vigueur dans le jargon policier) constitue un outil essentiel de notre détective d'élite, car c'est par ce moyen que ses facétieux camarades lui confient des missions, assorties d'éventuelles informations chemin faisant. Certaines se déroulent directement dans la rue, avec la variété de situations que suppose cet environnement ouvert, tandis que d'autres dites "spéciales" ont pour théâtre des lieux relativement confinés, sur le modèle des niveaux des récents jeux Lego. Souvent plus audacieuses en terme de mise en scène, ces phases renferment également bon nombre d'énigmes, qui consistent comme de coutume à détruire des objets Lego pour en reconstruire d'autres. Les puzzles font aussi une nouvelle fois appel aux déguisements, synonymes d'une multitude d'aptitudes à acquérir au fil de l'aventure. Leur diversité souligne encore l'imagination des développeurs, en dépit de la prétendue banalité de la plupart des jobs concernés. Qui aurait cru que l'arrosage des plantes se révèle être une activité si passionnante, à l'instar de l'élevage de poules aux facultés insoupçonnables ? Dommage que le fonctionnement de ces capacités se cantonne souvent à les activer à un endroit bien défini et explicitement désigné par un symbole, ce qui simplifie fortement les casse-tête. Il ne faut cependant pas compter les résoudre tous du premier coup, puisqu'une seconde visite est obligatoire pour percer la totalité des secrets des missions spéciales, en tenant d'améliorer son score au passage. Idem pour la myriade d'éléments inaccessibles qui se présentent dans le monde de Lego City et titillent notre curiosité, le temps d'obtenir le pouvoir requis, à la manière de Zelda.
Un monde assemblé pièce par pièce
La carte s'affiche sur l'écran du GamePad, dont le radar signale la proximité de zones particulièrement intéressantes, par exemple celles où Chase peut utiliser la "mablette" comme une loupe pour suivre une piste jusqu'à un objet caché. De même, les emplacements propices à des Super Constructions sont répertoriés, afin de les retrouver aisément dès que l'on dispose d'un capital suffisant de Super Blocs. Cette nouvelle monnaie est en effet distribuée avec une certaine parcimonie, et se distingue des pièces, amassées elles par millions. De telles fortunes visent ainsi à s'offrir les tenues, véhicules et autres bonus de blocs rouges ou dorés que l'on aura préalablement décrochés, en somme à encourager la collectionnite. Les Super Blocs s'inscrivent davantage dans une logique de progression, à l'image de la construction d'un point, d'une gare, ou d'une plateforme de livraison de véhicules. Naturellement, ces grands travaux ont aussi une vocation ludique, qu'il s'agisse de loopings ou carrément de manèges pour compléter un parc d'attraction, le monde de Lego City en constituant lui même un à grande échelle. Cette approche le sépare de GTA, auquel il emprunte tellement de choses au demeurant, à commencer par le subterfuge éculé de la fermeture des ponts, afin d'interdire l'accès aux différentes régions au départ. De plus, il faut également patienter avant de prendre les commandes des bateaux, puis des hélicoptères. Faute de radios, les véhicules disposent d'ailleurs tous de caractéristiques spécifiques qui influent sensiblement sur leur pilotage, toutes proportions gardées bien sûr. Enfin le découpage entre les missions principales et les occupations annexes reprend la structure de GTA, le scénario de Lego City Undercover allant jusqu'à nous faire jouer les bandits (vous l'aviez probablement deviné à la lecture du titre).
Chase McCool
En revanche, sa nature bon enfant n'a évidemment rien à voir, puisque Traveller's Tales a gommé tous les aspects sombres ou éventuellement rébarbatifs de la saga de Rockstar. Dans le sillage d'un True Crime, incarner un policier autorise ainsi à foncer comme un dératé sans se préoccuper du code de la route - les feux ne marchent pas de toute façon - et des forces de l'ordre (à l'exception de certaines missions). On peut donc se concentrer sur la réalisation de cascades ébouriffantes et la destruction de tout ce qui se trouve sur son passage, histoire de glaner des pièces en quantités exponentielles. Certes les véhicules se désagrègent à mesure qu'ils subissent des dégâts, mais on ne craint ni pour sa vie, ni pour celle des piétons. D'autant qu'en cas d'accident, le fait que ces personnages soient formés de briques retire toute dimension dramatique aux évènements. Même constat lors des bagarres, dénuées de la moindre goutte de sang et pourtant assez spectaculaires, grâce à des mouvements acrobatiques et de jolis ralentis. Des effets que partagent les séquences de plateforme, hélas toujours victimes d'une maniabilité flottante lorsqu'elles ne sont pas automatisées. Une (mauvaise) habitude pour la sérié, à l'instar d'une caméra semi manuelle qui se montre parfois récalcitrante. Néanmoins en l'absence de conséquences vraiment néfastes, ces anicroches n'entament jamais la bonne humeur ambiante. Et à défaut de mode multi joueur, tout cela permet aux parents d'en profiter avec leurs chères petites têtes blondes, et vice-versa. On plonge donc sans retenue dans cet univers, suffisamment vaste pour véhiculer une impression de liberté, mais pas gigantesque au point de s'y perdre. Ce compromis donne une taille humaine à Lego City, de sorte que l'on s'attache à ces lieux qui deviennent rapidement familiers, tout en offrant des paysages très différents.
Las Legas
A part quelques îlots plus ou moins éloignés, les quartiers urbains ou ruraux s'organisent suivant un réseau circulaire, un train faisant tout le tour de la ville façon Legoland. On irait presque jusqu'à parler de tour du monde, car les décors rappellent non seulement New York, San Francisco et Miami, mais aussi ostensiblement d'autres villes d'Europe telles que Londres ou Venise. Lego City s'apparente par conséquent à un Las Vegas "cartoonisé", avec tout le dépaysement et les loisirs qui l'accompagnent. En effet, l'univers comporte une profusion phénoménale de quêtes optionnelles, qui viennent inopinément attirer notre attention lorsque l'on arpente les rues, les toits, ou les bois, y compris durant une mission. Cette philosophie ressemble beaucoup à celle de Crackdown, similitude que conforte la présence de moult défis. Certains se résument à se débarrasser d'une bande de gredins, ou à effectuer des parcours de voltige contre la montre, tandis que d'autres prennent la forme de courses poursuites, du côté des voleurs ou bien sûr des policiers. La recherche de malfaiteurs donne d'ailleurs une opportunité supplémentaire d'utiliser le GamePad, son scanner servant à identifier les suspects, à écouter leurs discussions, voire à les photographier en flagrant délit ! Notre précieux Communicateur aide en prime à localiser les Super Blocs dissimulés au sein de l'environnement, une fonction bien pratique en vue de dénicher les tonnes d'éléments à collecter. Si les quinze chapitres de l'aventure ne demandent qu'une quinzaine d'heures pour être bouclés, le pourcentage de complétude grimpe nettement moins vite dès lors que l'on explore cet univers en quête d'objets cachés. Or cette facette s'avère la plus massive et la plus exaltante de Lego City Undercover, surtout si on partage ces (longues) balades en famille.