Ce dimanche 11 mai 2014, au Japon, vers minuit, les serveurs de Playism ont pleuré. Un torrent de connexions a fait basculer le site dans les limbes de l'Internet pendant quelques heures. Tout ça à cause de Kero Blaster, un jeu qu'on dirait sorti d'un Commodore 64, occupant un espace d'à peine 5 Mo sur le disque dur de mon PC - et dispo également sur l'App Store... Étrange ? Pas quand on sait qu'on doit ce titre à Daisuke "Pixel" Amaya. Mais si, le papa de Cave Story, clairement un de piliers du jeu indépendant d'aujourd'hui. Ça y est, vous comprenez ? Oh, attendez avant d'aller télécharger, je n'ai pas fini cette critique.
Nous voilà grenouille. Mais pas du genre qui en bave pour traverser la route ou qui s'est retrouvée dans cette carcasse verdâtre à cause d'une malédiction. L'amphibienne ici incarnée est "normale", elle a son petit job chez C&F (pour Cat & Frog), compagnie spécialisée dans la téléportation, pour qui elle est chargée de nettoyer des zones spécifiques. Les pods de transfert sont plutôt encombrés ces derniers temps. Evidemment, y accéder ne se fait pas sans mal et il faudra jouer du flingue. Non sans un petit détour scénaristique lié à d'étranges créatures noires qui pullulent un peu partout, parce que sinon, ce serait trop simple et on se retrouverait avec moins de sept niveaux de run and gun ponctué de plate-forme à l'ancienne.
Rainette et sans bavure
Vous avez bien lu : plutôt que de rester dans le style "metroidvania" (ce qu'aurait du être Gero Blaster, ancêtre avorté de ce projet proposant le même sprite de grenouille en guise de héros), Pixel a opté pour de l'action linéaire. Le niveau de départ permet de faire ses gammes assez facilement. Les premiers ennemis, des plantes un brin agressives, n'ont rien d'imprévisible et il n'y a aucune exigence particulière du côté des sauts. Notre arme, le blaster, dispose d'un tir au débit automatisé plutôt raisonnable et d'une portée assez courte. Chose intéressante : on peut bloquer la direction de son canon (droite, gauche ou haut) en restant appuyé sur la touche assignée et, de fait, canarder tout en se concentrant sur l'esquive de projectiles... comme les grosses bouboules antipathiques émanant du boss qui, elles, peuvent vous surprendre, vous toucher et épuiser votre maigre réserve de deux coeurs (une touchette en efface un) jusqu'à ce que mort s'ensuive. Je vous rassure, le but n'est pas, comme avec la démo faisant office de prologue, The Pink Hour (à télécharger ici), de vous filer les chocottes. D'une parce les patterns sont simples, de deux parce que le protagoniste répond au doigt et à l'oeil, et de trois il existe une boutique. Vos acquisitions et votre pactole demeurent, y compris après la perte de toutes vos vies.
Frais de blaster
Qu'y a-t-il à récupérer dans ces fameux magasins dont l'ambiance sonore est un mélange improbable entre Les Comédiens de Charles Aznavour et le thème Overworld 2 de Super Mario Bros. 3 ? Des coeurs, des vies, de quoi augmenter son réservoir de coeur et des jarres qui ont le même effet que les fées gardées dans un flacon dans Zelda : vous redonner un peu de pêche en cas de décès. Mais aussi de quoi augmenter les capacités des différentes armes trouvées. Au nombre de quatre (une cinquième sera peut-être disponible plus tard...), elles présentent des cosmétiques différentes mais surtout des effets qui ont des applications très précises suivant les situations. Si l'évolution du premier blaster débouche sur un rayon droit et puissant, le second, le Fan, balaye plus large, le troisième génère des bulles rebondissantes (et flottantes dans l'eau) tandis que le dernier n'est autre qu'un lance-flammes fort utile face à certains obstacles de glace. Alterner entre chaque va s'avérer indispensable. Mais préférerez-vous la sécurité avec plus de droits à l'erreur ou, sûr(e) de vos réflexes, augmenterez-vous juste votre puissance de frappe ? Choix cornélien suivant votre style, et qui déterminera le déroulement de votre partie.
Crazy Frog ?
On peut louer nombre d'éléments de Kero Blaster : ses graphismes neo-retro ultra colorés faisant montre d'une réelle variété et même d'une certaine finesse, son atmosphère et son humour particuliers, sa bande-son, proposée en bundle avec le jeu pour 2 $ de plus, que les amateurs de chiptune ne pourront qu'adorer, la variété des niveaux, leur construction astucieuse... Mais ce qu'on retient, ce sont surtout sa superbe courbe de progression, capable de convenir à un public très large, et sa maniabilité sans défaut, avec cette légère inertie dans les sauts qui permet de parfaitement les doser, y compris avec un jetpack autorisant un deuxième bond un peu plus nerveux. Comme si Mario auvait fait un gosse à Contra. Ce qui permet d'envisager, même en le terminant rapidement au premier run (2 heures 52 de mon côté), d'y retourner avec le même plaisir en se fixant des défis comme une progression sans évolution. Avec un supplément speed run ? Pourquoi pas ! Ces idées, couplées à un New Game + ponctué d'un Boss Rush (en respectant une certaine condition), confèrent alors une durée de vie autrement plus sympathique au nouveau bébé de Pixel. Sur lequel revenir est toujours un plaisir. Et aucun regret possible : le prix appliqué (voir plus bas) n'ayant rien d'une extorsion.
Il n'y a pas que les amoureux de Cave Story et de pixels mignons qui sont susceptibles de craquer. Le soin apporté à l'ensemble de cette expérience old-school a de quoi charmer le plus grand nombre. Il s'agit d'un vrai petit bijou de jeu d'action, du même acabit que ceux auxquels on pouvait jouer dans les années 80 et 90... mais avec une maniabilité et une difficultés savamment étudiées, cette fois. Autrement dit : encore une victoire pour Daisuke Amaya !
Pour se procurer Kero Blaster sur PC, il faut passer par Playism et disposer (ou se préparer à disposer) d'un compte Paypal. Le jeu coûte 7,79 $ (environ 6 €) pour la version Windows et moins de 5€ sur iOS. La B.O. est disponible pour 2$ de plus.