Première adaptation vidéoludique du manga de Gege Akutami, Jujutsu Kaisen Cursed Clash est arrivé comme un cheveu sur la soupe en ce premier trimestre très riche en sorties. Plusieurs semaines après la fin de la deuxième saison de l’anime et son arc traumatisant du Drame de Shibuya, sans une communication véritablement agressive et ce malgré la popularité de l'œuvre à travers le monde, que vaut donc Jujutsu Kaisen Cursed Clash ? Accrochez-vous, comme une technique d’énergie occulte, ce test va faire mal. Très mal.
Généralement, il y a des signes qui ne trompent pas. Une politique de communication plutôt discrète. Un code review qui tombe pile poil le jour de la sortie officielle du jeu. Des premières phases de prises en main à la Paris Games Week sans chaleur, sans émotion et sans buzz notable de la part du public présent, pas assez du moins pour faire de soi une des grosses sorties de ce début d’année, voilà dans quelle atmosphère est sorti Jujutsu Kaisen Cursed Clash, première adaptation du manga/anime du même nom et développé conjointement par les studios Byking Inc et Gemdrops. Et cette atmosphère est assez puante, que les choses soient claires. A tort ? Euh… non.
Un menu DVD mais sans les bonus
Dès la première partie, on comprend très vite (trop vite ? Bonsoir, non) que Cursed Clash n’est pas un grand cru. Ni une grande et bonne adaptation du manga. Le menu de présentation, qui nous offre des extraits vidéo d’opening de l’anime, est assez similaire à celui d’un bon vieux DVD à l’ancienne. Vous nous trouvez dur ? Ce n’est malheureusement que le début. Car les choses empirent dès lors qu’on farfouille dans ledit menu et qu’on observe le contenu proposé et notamment son contenant. On sélectionne les personnages que l’on va jouer ou affronter dans un tableau 100 % écrit, austère, peu vendeur et sans voir le fameux roster que l’on a à sa disposition.
Vous avez bien lu : pour choisir votre personnage, vous faites défiler son nom… sans le voir. Une pratique totalement ubuesque de nos jours et pas du tout adaptée aux non-connaisseurs de l'œuvre, qui ne sauraient situer qui est qui par leur simple prénom. Et quand on voit enfin les persos choisis pour un combat, juste avant de lancer ce dernier, on ne peut que constater leur pixellisation à outrance. Certes, Jujutsu Kaisen Cursed Clash est censé tourner sur plusieurs générations de consoles, n’empêche qu’on n’était en droit d’attendre mieux.
Du combat oui mais en slow motion
Une fois en partie, le sentiment général est le suivant : visuellement, le jeu n’est ni beau ni véritablement moche. Le produit final est “mid”, comprenez moyen, correct, acceptable donc, avec des textures éclatées lors des destructions de plate-formes ou autres éléments du décor et juste OK lors des cinématiques d’introductions, des coups spéciaux et des attaques combinées, associant comme son nom l’indique deux personnages sur une seule et même technique (on y reviendra). L’occasion ici de rappeler l’essence même de Jujutsu Kaisen Cursed Clash : le jeu est un arena fighter, avec des lieux plutôt grands, des décors destructibles et une opposition en 2 vs 2, poussant clairement à la coopération en ligne, avec des bonus liés à votre entente, renforçant les effets de certaines de vos attaques.
Pour taper, rien de compliqué, le joueur dispose d’un système d’auto-combo, en spammant une même touche, des coups d’extraction (des launchers au sol et aérien en réalité), des coups spéciaux puisant dans l’énergie occulte de chaque perso (on rappelle que dans Jujutsu Kaisen on suit des exorcistes affrontant des fléaux, résultant des mauvais sentiments des gens) et une super-attaque spéciale annihilant au moins 50 % de la barre de vie adverse.
Les mécaniques sont simples et le jeu tout autant à prendre en main. Sauf qu’il ne l’est pas vraiment. La faute à une latence manifeste dans tout ce que l’on fait. Entre la fin d’une course et un coup porté, un café peut être lancé, un aller-retour au pipi room également. Évidemment on exagère et on force le trait et on fait aussi de l’humour (un peu), mais tout cela dans le but de soulever un gros souci de fluidité dans le gameplay. Tout est haché et cela a de fâcheuses conséquences. En phase de défense, on subit. On peut, selon l’adversaire rencontré (Panda, par exemple) ne jamais pouvoir se relever et perdre un round puisque le temps pour se remettre sur ses pieds est tellement long qu’au moment où l’action s’effectue enfin, votre adversaire vous a déjà roué de coups, vous empêchant ni plus ni moins de riposter!
Incohérences, difficulté inégale et grosse frustration
Cela rend les phases de 2 contre 1 et de 3 contre 1 (proposées dans le mode Histoire) injouables et beaucoup trop frustrantes pour dégager ne serait-ce qu’une simple envie de relever le challenge. Dans l’autre sens, gagner un combat n’est pas le plus compliqué. Les techniques d’énergie occulte sont celles qui font mal aux adversaires, mais en spammant la touche d’auto-combo, elles se déclenchent automatiquement. Et c’est là que Jujutsu Kaisen Cursed Clash relève un petit potentiel : selon le dernier coup porté, vous pourrez enchaîner directement avec une autre technique occulte (sans respammer l’auto-combo cette fois) ou avec un launcher, pour reprendre une autre série de combos sur votre adversaire, soit un peu plus loin, soit dans les airs. Jouissif forcément, efficace aussi. Au moins un bon point.
Sauf que là encore, les choses auraient pu bien se passer, avec des environnements en hauteur pensés pour ce type de combo… si la caméra ne partait pas en vrille une fois sur deux. Parfois elle suit l’action, parfois non. Mais (trop) souvent, elle le fait mal. Et dans le mode Histoire, vient s’ajouter une autre difficulté : celle des dialogues, en grands, bien visibles, et au beau milieu de l’action, rendant celle-ci quasi illisible. Action, d’ailleurs, qui n’en demande pas tant pour être brouillonne, puisqu’elle l’est déjà tout simplement quand les quatre personnages se retrouvent réunis au même endroit dans le stage pour se foutre sur la tronche. Ce n’est pas la seule frustration manifeste d’un mode qui se contente d'enchaîner les images fixes avec les voix des personnages pour raconter une histoire, celle de la saison 1 de l’anime et celle également du film Jujutsu Kaisen 0.
Une histoire dont vous n’êtes pas le héros
Forcément, des cinématiques auraient peut-être saoulé les connaisseurs de l'œuvre, mais n’est-ce pas aussi pour replonger dans une intrigue qu’ils connaissent et qu’ils aiment que ces derniers y jouent ? Et quid de ceux qui entameraient leur aventure sur Jujutsu Kaisen avec Cursed Clash ? Et quid d'une vraie proposition de gameplay pour ce mode finalement ? Dans la configuration choisie par les développeurs, il se révèle finalement très long, et on ne tarde pas à zapper les dialogues, surtout grâce à la présence de petites miniatures sous les chapitres, qui nous indiquent si le moment à venir sera juste de la narration ou du combat.
Le challenge principal du mode, dont cette déclinaison diapositive n’est pas exclusive à Jujutsu Kaisen Cursed Clash (on la retrouvait récemment dans Naruto x Boruto Ultimate Ninja Storm Collection), se situe dans notre capacité à remplir un certain nombre d’objectifs allant du nombre de rounds à ne pas perdre, au nombre de techniques occultes à utiliser, à la façon d’achever notre adversaire ou encore au nombre de mètres parcourus durant le combat dans l’arène. Mouais. Classique et sans grand intérêt finalement. Résumé de ce que l’on pourrait dire pour le reste du contenu du jeu, qui s’articule autour d’un versus en ligne, d’un versus local, d’un lobby en ligne et d’un mode coop, avec soit une succession de combats à mener, soit de la survie avec un autre joueur ou avec l’IA.
De quoi assurer une forme de rejouabilité certes, mais uniquement pour ceux qui auront assez d’amour pour l'œuvre pour avoir envie d’y jouer, sans tenir compte de tous ses défauts structurels, son manque de soin, et son manque d’engagement au global. Ni son manque de cohérence, comme en témoignent les attaques combinées, qui sont censées associer deux persos sur une même technique et qui souvent n’en voit qu’un des deux réaliser l’action. Vu les retours sur le Net, pas sûr que les défenseurs de Cursed Clash soient nombreux. Pour sa grande première vidéoludique, Jujutsu Kaisen n’avait pas besoin de faire le chemin pour Shibuya : son drame, c’est bel et bien Cursed Clash.