"Onze Eclair", comme on le traduirait en français, est passé du statut de curiosité à celui de phénomène au Japon, et ce en à peine trois ans (pour autant d'épisodes). Auréolée de sa couronne de million seller, la saga tente une percée sous nos contrées si friandes de ballon rond avec le tout premier épisode. Une bonne sélection pour Nintendo ?
Allez, je l'avoue, j'ai parfois versé une petite larme en regardant Captain Tsubasa (alias Olive et Tom) sur ma télé cathodique. Vous savez, ces moments où tout espoir semblait perdu, quand Olivier Atton rassemblait ses ultimes forces pour propulser - sur une jambe - une ogive droit dans la lucarne ! Même en tirant si fort... sur les grosses ficelles de la dramaturgie, cette série tirée du manga éponyme avait le talent d'exacerber les sentiments, et pas seulement chez les footeux. Des émotions retranscrites à merveille par les adaptations vidéo ludiques de Tecmo (et uniquement celles-ci), aussi improbables soient ces mélanges de simulation sportive et de RPG. Cette culture du "foot-opéra", Inazuma Eleven en apparaît comme l'héritier, bien qu'il ait choisi de commencer par la case jeu avant de s'attaquer à l'anime. Encore qu'au regard de l'intro et des jolies scènes cinématiques qui ponctuent l'aventure, on se demande si Level-5 n'aurait pas brûlé les étapes... On a ainsi droit à un "pur" générique, comprenez la samba rock du groupe nippon T-Pistonz + KMC, reprise ici en français avec des paroles d'une mièvrerie contagieuse. Résultat, on retient le refrain en deux secondes. Le reste de la bande-son a beau être signé Yasunori Mitsuda, excusez du peu, rien ne vaut cet hymne fédérateur pour se plonger dans la quête footballistique du jeune Mark Evans, plutôt mal engagée, hélas.
Mark et Axel à l'école des champions
Notre gardien de but doit en effet former une équipe pour vaincre la Royal Academy, et éviter que le club de Raimon ne disparaisse. Or il n'a même pas dix joueurs sous la main, sans parler d'un attaquant "de marque". Enfin si, mais ce dénommé Axel Blaze refuse obstinément de jouer, en raison d'une mystérieuse promesse faite à sa sœur. Pourtant l'appel du ballon le rattrape lorsqu'il voit la correction infligée à ses coéquipiers, exactement ce qu'espéraient leurs machiavéliques adversaires... Nous n'en dirons pas plus, si ce n'est que cette intrigue s'inspire à la fois de Captain Tsubasa et de Harry Potter, théâtre collégial oblige. Chacun des dix chapitres se résume à préparer un ou plusieurs matchs d'envergure, avec moult péripéties entre temps. Malgré quelques poncifs, le script fait preuve d'une étonnante imagination pour mettre en scène ces confrontations "abracadabrantesques" face à ce qu'il convient d'appeler des Boss. Car Inazuma Eleven appartient dans l'absolu à la famille des RPG et obéit à leurs règles, forcément détournées à coups de crampons. Les balades au sein de cet univers s'accompagnent donc de rencontres aléatoires. En l'occurrence il s'agit de défis en équipe de 4, qui consistent tantôt à intercepter le ballon, tantôt à le conserver et la plupart du temps à mettre un but en moins de 15 secondes. Cet entraînement un peu pénible à la longue permet d'assimiler rapidement les mécaniques du Gameplay, assez simples d'ailleurs.
Jouons collectif !
Les déplacements des joueurs sont déterminés par les trajectoires que l'on dessine, tandis que les passes s'exécutent en pointant l'endroit (ou le joueur) voulu. Idem pour les tirs, quand on vise les cages adverses. L'art du « beau jeu » réside dans l'enchaînement de ces différentes actions, par anticipation. Un centre millimétré suivi d'une reprise de volée s'avère par exemple très efficace, à condition de savoir doser les frappes. En outre, les éléments des personnages (air, bois, feu, terre) jouent un rôle crucial dès qu'il y a contact. Selon leurs statistiques respectives, le tacle de l'un ou le dribble de l'autre aboutit. Lors de ces séquences, on passe d'une vue d'ensemble à une caméra rapprochée bien plus spectaculaire, tout particulièrement avec les techniques spéciales : tir comète, lame gardienne ou balle factice, ces gestes surréalistes constituent l'argument imparable d'Inazuma Eleven. Dommage que la victoire repose si largement sur leur usage, imposé au point que le déroulement des matchs importants se révèle presque entièrement scénarisé. Autrement dit, si l'on en prend plein les mirettes, on en prend aussi plein les gencives tant que l'on n'applique pas la bonne stratégie. A ce propos la composition de l'équipe a naturellement une incidence majeure sur les matchs. Cela suppose tout un travail de micro gestion : la formation, l'équipement, l'amélioration des aptitudes et surtout, le recrutement. D'abord restreinte aux camarades issus des autres clubs de Raimon, la recherche de nouveaux joueurs s'étend à un cercle de relations, puis au débauchage des membres des équipes vaincues. En somme le monde sulfureux du mercato adapté à la formule Pokémon, toujours aussi redoutable avec les perles qui se cachent parmi le millier d'athlètes. Cependant l'échange de ces derniers, de même que les parties face à un ami s'arrêtent au réseau local. De ce fait, si Inazuma Eleven peut devenir la vedette des cours de récré, son intérêt s'estompe au bout d'une trentaine d'heures pour ceux qui n'y ont (théoriquement) plus accès, en dépit des personnages à télécharger. L'heure serait-elle venue de retourner à l'école ? A celle des champions, sans l'ombre d'un doute, vu que Level-5 n'a pas revu sa copie pour les épisodes suivants déjà lancés au Japon.
Décidément, Level-5 a le chic pour réinventer les concepts d'antan. Après avoir détourné le Point & Click à travers les Professeur Layton, voilà que le studio nippon offre une bonne cure de vitamine à Captain Tsubasa. Car ce mix de foot et de RPG pète la forme, galvanisé par une réalisation décapante et un gameplay futé. On aurait juste souhaité partager tout ça en ligne, notamment pour compléter sa collection de footballeurs...