En 2017, Guerrilla Games a enfin mis au placard Killzone pour faire naître une nouvelle franchise : Horizon Zero Dawn. Une progression fulgurante pour le studio qui est passé de jeux linéaires à un open world qui, s’il n’a pas réinventé la roue, a fourni un premier jet des plus convaincant. Cinq ans plus tard, nous avons remisé la PS4 contre une PS5 pour retrouver Aloy dans Horizon Forbidden West avec l’espoir d’une belle évolution. Est-ce le cas ?
Elle aura beau ne pas être née sous la même étoile que ses semblables, Aloy, qui a vécu comme une paria durant son enfance, a su faire preuve de courage, de détermination et de bienveillance, pour œuvrer à la préservation d’une humanité déjà bien amochée tout en s’attelant à découvrir son passé. Et c’est avec cette même force de caractère, un aplomb qui n’a pas faibli, que la jeune guerrière traversera l’Ouest Prohibé, de l’Utah jusqu’à la côte Pacifique, dans une course contre la montre pour tenter d’enrayer un fléau qui continue de tuer la Terre à petit feu. Bon, puis ce sera également l’occasion de fermer, et de casser des bouches (si on est moins diplomate) d’humains, comme de machines. Passer de Killzone à Horizon Zero Dawn a été un sacré gap en termes de narration et cette ascension, heureusement, n’était pas qu’un coup de bol. Pas question de révéler quoi que ce soit, mais l’histoire et l’univers post-apo de Horizon : Forbidden West sont fichtrement accrocheurs. Qu’il soit question des tribus, de machines ou des nouveaux antagonistes, il est difficile de décrocher, là où d’autres mondes ouverts peinent à passionner les foules (coucou Dying Light 2). Ce n’est en rien un monument d’écriture, soyons clairs, mais c’est réellement très bien exécuté et au-dessus de ce que l’on aurait pu attendre du Guerilla Games de l’époque Killzone, et même vis-à-vis de titres concurrents, clairement. Un blockbuster dans le haut du panier.
Cette plume plus soignée sert aussi à renforcer notre charmante héroïne et à mettre en lumière les personnages secondaires qui la suivent de près, tout comme des PNJ moins importants. Un exercice loin d’être facile, mais réussi. Pour muscler son casting, le studio néerlandais s’est tourné vers Hollywood pour ramener deux stars : Carrie-Anne Moss (Matrix, Memento…) et Angela Bassett (American Horror Story, Black Panther…) qui livrent toutes deux une performance en totale osmose avec leurs avatars (on voit les pros). Seul bémol à ce niveau, si Carrie-Anne Moss arrive à avoir un temps à l’écran honnête et suffisant, après une introduction ultra expédiée, c’est moins le cas pour Angela Bassett qui incarne pourtant un leader assez fort. Ça ne gâche pas l’aventure, et l’ensemble se tient, mais l’on aurait aimé profiter un peu plus de son talent. L’une comme l’autre sont tout de même développées à travers des conversations et rencontres au fil du scénario. Mais cette crédibilité, et le fait que l’on arrive à s’impliquer dans la trame, vient aussi des avancées réalisées en matière de modélisation des visages et de synchronisation labiale. C’est un soft cross-gen, certes, mais il fallait marquer une rupture avec le précédent épisode. Si l’on a tiqué sur quelques soucis quant aux regards des personnages par moments, notamment Aloy, c’est du bel ouvrage, y compris - sortez le carnet pour noter les autres studios - du côté des PNJ qui ne sont pas au rabais.
Horizon Forbidden West, c’est Disneyland mixé à Jurassic Park
Nous parlions d’écriture, et justement, cette suite parvient à se maintenir là où d’autres échouent : délivrer des missions secondaires qui ne donnent pas envie de somnoler, de rire nerveusement ou de lancer la manette après avoir fait de trop nombreux kilomètres pour rapporter un pauvre ingrédient, avec pour unique récompense un simple “ouais, ok, merci hein !”. Non, ici, les quêtes annexes - enfin toutes celles que nous avons pu faire lors de notre test - sont plutôt imposantes, peut-être même plus que celles de l’histoire qui, parfois, manquent de panache. Prenons l’exemple d’une mission annexe banale en apparence : on trace vers le point d’intérêt et là, déjà, on tombe devant l’une des machines les plus impressionnantes de tout le jeu. On nettoie un camp - et oui, désolé, mais on a prévenu que la licence ne réinvente pas la roue - puis on rejoint nos collègues et boum, encore un combat contre un adversaire massif croisé lors d’une expédition de l’intrigue principale. On apprécie beaucoup ces missions secondaires à tiroirs qui offrent une réelle alternative à la main quest, et ce, sans rogner sur la qualité de la narration.
Ce grand open world (le rêve pour tous les trentenaires nourris à la série Jurassic Parc), s’est étoffé en accord avec ses ambitions grandissantes. En plus de tout ce qui était présent précédemment (Grands-cous à pirater pour révéler les morceaux de la carte, Creusets à fouiller…), on peut désormais s'entraîner contre d’autres humains avant d’affronter des machines dans des arènes, ou même chevaucher l’une d’elle lors de courses. Nous n’avons pas tout bouclé, mais nous n’avons pas eu cet effet de trop plein, avec un monde qui dégouline de partout, d’autant que le jeu s’adapte relativement bien aux différents profils de joueurs. Vous voulez foncer pour tout savoir de l’histoire ? Allez-y, même s’il est conseillé de faire des missions supplémentaires si vous n’avez pas le niveau nécessaire. Et quant aux autres, vous pourrez vous perdre à loisir… en restant sur vos gardes. Car oui, le nombre de choses à faire est en augmentation, comme celui des machines qui font leur vie dans le Grand Ouest américain, dont un Frappe-défense (un mammouth) ou une version plus grande de l'Étincelle : l’Aigle-d’Hélion. Leur comportement et les sons qu’ils émettent sont toujours bluffants, et cette fois, Aloy peut les hacker pour qu’ils agissent de manière défensive ou offensive, pouvant ainsi transformer les batailles sur le terrain.
Aloy a pris de la bouteille
L’évolution d’Aloy se concrétise également dans les outils qu’elle a à disposition pour terrasser ses adversaires. À l'époque, les affrontements contre les ennemis humains n'avaient aucun intérêt en raison d'une IA pas très inventive et qui manquait franchement d'agressivité, tandis que les enchaînements qu'on pouvait leur asséner étaient trop limités. Pour y pallier, Guerrilla Games a rendu ces rivaux plus combatifs et plus résistants puisque comme les machines, ils possèdent désormais des armures que l’on peut fendre au fur et à mesure. C’est par conséquent un brin plus tactique qu'auparavant (pas compliqué cela dit), mais la vraie différence se perçoit chez Aloy avec l’instauration de combos relativement simples à mémoriser et exécuter grâce à sa lance de mêlée. La plupart d’entre eux se reposent en effet sur une combinaison d’attaques légères (R1) et lourdes (R2). De plus, le bâton acéré de notre protagoniste a maintenant la possibilité d’être chargé d’une énergie que l’on devra déverser sur notre opposant en usant d’une attaque puissante, se matérialisant par une orbe qu'il faudra atteindre d'une flèche pour en libérer une déflagration meurtrière. Il y a du mieux donc, mais il reste de la place pour améliorer le système de combat au corps à corps contre les humains avec des parades et contres.
En dehors de sa lance, notre aventurière renoue avec ses armes à distance qui, pour la majorité, sont déjà connues (arcs de courte à longue portée, lance-câbles pour immobiliser, frondes…). Mais il y en a des nouvelles dont deux dévastatrices : le Lance-pics et les Gantelets déchiqueteurs. Ces derniers envoient un disque qui perforera l’armature des robots et reviendra vers vous tel un boomerang après avoir fait son job. Si vous avez le droit d’avoir vos préférences, le choix des armes et de leurs munitions (feu, gel, acide…) se fera surtout selon la proximité de vos cibles et de leurs faiblesses. Vous n’avez pas intérêt à tirer une flèche de feu sur un adversaire qui résiste à cet effet. Pour tout savoir de leurs failles, il faudra scanner les machines au moins une fois - toute analyse est inscrite dans votre carnet de bord en cas d’oubli - avec votre Focus, l’appareil qui met en surbrillance les éléments notables de l’environnement.
Les combats sont au global plus vifs et Horizon Forbiddden West apporte une verticalité absente de l’opus précédent. Grâce à son Attracteur, un grappin - qui sert également à ouvrir des conduits, déplacer des coffres et caisses -, Aloy peut s'accrocher des points spécifiques pour s’extirper in extremis d’un assaut ennemi, puis redescendre à l’aide de sa paravoile “Ailegide”. Les face-à-face avec les machines, qui font le sel du jeu, sont ceux qui profitent le plus de ce système offrant une belle verticalité. Si le titre respecte ses engagements dans ce domaine, l’escalade vendue comme étant libre s'apparente plus à une promesse de campagne électorale. Non, chaque rocher ne pourra pas être gravi à la force des bras. Pour couronner le tout, des plateformes qui devraient être atteignables, en sautant et en s’accrochant, ne le sont pas. Des restrictions occasionnellement crispantes et incompréhensibles.
Afin d’offrir plus de consistance à sa dimension action-RPG, Horizon 2 a revu sa copie et c’est désormais six arbres de compétences, bien fournis, qui vous attendent. Chacun d’eux se focalise sur un poste précis (soin, combat, piratage de machines). C’est ici que vous pourrez dilapider vos points d’expérience dans des techniques spéciales, actives comme passives, dont les “Sursauts de bravoure” : des bonus temporaires pour infliger plus de dommages, avoir plus de chance d’exécuter un coup critique… Le crafting dans Forbidden West est également plus poussé puisque la map regorge d’abris et de villages où l’on peut trouver des établis pour confectionner ou améliorer des armes et armures de plus en plus puissantes, à condition d’avoir looté les bonnes ressources. Une fois votre équipement fabriqué, vous pouvez l'enrichir et faire grimper ses stats en greffant des bobines ou tissus sur votre matériel, comme dans le premier volet. Telle une chasseuse de Monster Hunter, Aloy peut aussi profiter de buffs périssables en avalant des repas préparés avec amour par un cuistot du coin.
C’est hyper beau, mais pas sans défaut
À l’image de son aîné, Horizon Forbidden West est une pure merveille artistique qui va déplacer quelques mâchoires, grâce notamment à une plus grande diversité dans les biomes proposés (chacun offrant une ambiance unique - attendez de les voir à différents moments de la journée), et à des villages plus vivants. Dans Horizon Zero Dawn, seuls les décors terrestres étaient exploitables, mais maintenant, vous allez pouvoir découvrir la féerie du monde sous-marin, sans aucune limite à partir de l’instant où vous récupérerez votre masque de plongée. C’est beau, mais quel dommage que Guerrilla n’ait pas ajouté de combats aquatiques… Une magie qui a néanmoins ses limites.
D’un point de vue général, en mode Résolution (4K 30 FPS donc), Horizon Forbidden West tourne très bien et surpasse sans sourciller l’opus antérieur (textures bien plus détaillées, modèles plus avancés…), s’imposant comme l’un des plus beaux mondes ouverts actuels. Pour autant, ce n’est pas un élève exemplaire et nous avons été confrontés à un problème majeur de clipping, surtout dans une zone, gâchant totalement la découverte du lieu. Lorsqu’il s’agit d’un feu de camp ou le toit d'une hutte qui apparaissent d’un coup, on pardonne, mais dans le cas auquel nous faisons allusion, il va probablement falloir un patch.
Nous avons aussi été témoin d’autres pépins comme un bug empêchant la récup d’un objet ou l’activation d’un mécanisme clé - un redémarrage a corrigé le souci -, ou encore des transitions pas tout à fait impeccables. Dit comme ça, ça peut paraître inquiétant, mais ça représente une infime partie sur nos longues heures de jeu. Si le mode Résolution à 30fps vous rebute, vous pourrez opter pour le réglage Performances à 60fps, gage d’une meilleure réactivité avec toutefois une disparité dans la qualité des textures. Autre problème : au cours de certaines cutscenes, nous avons eu un arrière-plan bien disgracieux, flou et aliasé. Difficile de dire si ce désagrément est récurrent car nous avons joué la sécurité en restant sur le mode Résolution.
Du côté de l’ambiance sonore, l’audio 3D met en exergue les excellentes musiques et les bruitages saisissants des machines. La DualSense est également utilisée à bon escient de façon subtile - y compris pendant les cinématiques - avec une bonne localisation du retour haptique.