Il aura donc fallu cinq ans à Polyphony Digital pour sortir le successeur de Gran Turismo Sport. Cinq ans, et un sacré changement de direction. Là où l’opus PS4 misait le paquet sur l’aspect compétitif, au point d’avoir relégué l’expérience solo à une mise à jour déployée plusieurs mois après la sortie, Gran Turismo 7 vise à un certain retour aux sources. Plus question de négliger l’expérience solo désormais, tandis que Polyphony Digital n’a pas caché son ambition de proposer une expérience un peu plus old-school afin de séduire les anciens de la licence qui ont usé du pneu sur le mythique GT4.
Et si on parle de Gran Turismo 4 en intro, c’est parce qu’on retrouve dans ce GT7 un bon nombre de features qui avaient fait leur apparition dans l’opus PS2 de la série. Tout d’abord, dès le menu, avec cette jolie carte qui fait office de menu, et qui nous rappelle la carte routière du qui faisait office de menu sur la PS2. Ici, tout est plus évolué, et on a même droit à un véritable cycle jour/nuit (décorrélé de la réalité), juste pour la beauté du menu. Oui monsieur ! Et sur ce menu, on retrouve avec bonheur plusieurs échoppes qui vont rendre nostalgiques les joueurs. En effet, Gran Turismo 7 marque le retour de GT Auto, de l’atelier de préparation automobile, et même du vendeur de véhicules d’occasion chez qui il faut passer régulièrement pour voir la sélection de bagnoles du moment.
Pour autant, le nouveau jeu des équipes de Kazunori Yamauchi change aussi, et ce, dès les premiers instants. En effet, lorsqu’on arrive dans le monde, rien n’est accessible, et une charmante demoiselle va nous faire les présentations, en commençant par un tout nouveau lieu : le café. Cet espace va servir en fait à guider le joueur, et transforme le titre en une expérience bien plus linéaire et dirigiste qu’avant. Dans ce café on fait la connaissance de Luca, qui va nous proposer divers menus automobiles. Chaque menu va nous demander d’obtenir trois voitures selon un thème particulier, mettant d’emblée le joueur dans cette ambiance de collectionneur chère à la série. On va ainsi commencer par rassembler des citadines japonaises, puis on évoluera sur des sportives, des allemandes et ainsi de suite.
NANI ? Kansei Dorifto ?
Après avoir investi nos maigres économies de départ dans une citadine japonaise, on se plonge dans ce qui s’apparente à une campagne qui va durer une bonne trentaine d’heures, et qui couvre pas moins de 39 de ces menus. D’ailleurs, une fois le dernier menu complété, le joueur pourra voir défiler les crédits de fin. Pour obtenir les voitures cibles, il suffira de se laisser guider par le jeu, et d’aller courir sur les épreuves idoines. En plus d’offrir une progression qui ne perde pas le joueur, ce système permet aussi de faire un large tour des possibilités du jeu, puisque ces menus ne se limitent pas à la collection de voitures. On va également devoir boucler des championnats, et apprendre à se servir des nombreuses fonctionnalités offertes par le jeu. Chaque menu complété sera l’occasion de déverrouiller des circuits, des fonctionnalités du jeu, et de profiter de récompenses via des tickets de loterie.
À usage unique, ces derniers permettent de mettre la main sur une récompense qui va dépendre de la valeur du ticket (de 1 à 5 étoiles), sachant que plus cette dernière est élevée, plus les gains potentiels seront intéressants (si vous avez joué à Forza Horizon, vous voyez le système). Traditionnellement le tirage au sort nous permettra de gagner une somme d’argent (faible ou forte), une voiture, des pièces hautes performances, ou encore une invitation qui permet d’acheter un véhicule de prestige chez un concessionnaire pendant une durée limitée. À titre d’exemple, on a ainsi eu l’autorisation pendant quelques jours d’aller acheter une Veyron chez Bugatti ou une GT by Citroën, alors que ces modèles sont normalement absent des showrooms.
Le café de Gran Turismo 7 est aussi l’occasion d’en apprendre un peu plus sur les voitures, avec l’intervention de plusieurs experts qui viennent nous livrer leurs impressions sur nos véhicules, pour peu qu’ils soient iconiques ou prestigieux. Vous l’avez compris, même sans être un dingue de mécanique, on se retrouve rapidement accroché par cette présentation hyper pédagogique des choses. Le café permet aussi de contempler nos trophées, et de revoir les photos de famille des véhicules de chaque menu, le tout pour la beauté des courbes. Car oui, hormis son étiquette de jeu de course, Gran Turismo se complaît dans un genre un peu spécifique, où il ne s’agit pas vraiment d’offrir la simulation de pilotage la plus pointue, mais de faire voyager le joueur dans le monde de l’automobile, qu’il s’agisse de la conduite, ou de tout ce qui va autour, comme la simple contemplation de carrosseries rutilantes.
Jacky Ickx et Michèle Mouton
On pourrait regrouper tout ceci sous le terme Car Porn, et dans ce domaine, Gran Turismo 7 est une véritable masterclass. On ne va pas retourner le couteau dans la plaie du ray tracing qui n’est dispo que dans le garage, mais il faut savoir que le jeu est également une expérience contemplative. Le joueur est poussé à collectionner les voitures via les menus du café, via un niveau de collectionneur, mais également pour pouvoir se rincer l’œil sur des voitures méticuleusement modélisées. Oui Gran Turismo 7 est beau en jeu, mais il devient visuellement sublime lorsqu’on s’attache aux modes dédiés à mettre les voitures en avant. Oublié les véhicules premium de GT5 où seuls certaines mécaniques avaient droit à leur vue cockpit, ici chaque voiture est modélisée avec un soin qui confère au maniaque. Le moindre détail est présent, et même mis en valeur, avoir un soin typiquement nippon, à l’image de l’horloge du tableau de bord de notre Alpine A110 qui indique l’heure exacte !
Dès qu’on pose la manette pour quelques instants, le jeu se lance dans un enchainement de plans somptueux et de travellings, afin de mettre en valeur la beauté des voitures. Trainez cinq minutes sur une voiture dans votre garage, et le jeu va directement vous proposer une myriade de gros plans de votre bolide, qu’il s’agisse de l’extérieur, ou même des recoins de l’intérieur qu’on n’aperçoit pas lorsqu’on est en vue cockpit. Les replays de nos courses sont aussi de grands moments avec une réalisation au poil, épaulée par une bande-son dynamique de premier ordre.
Gran Turismo 7 : le photoréalisme
Tout ceci trouve son paroxysme dans le mode Scapes, où le jeu nous propose tout simplement le mode photo le plus complet, et le plus hallucinant jamais vu. Gran Turismo 7 réussit l’exploit d’insérer notre voiture au milieu d’environnements photos sans plus qu’on arrive à faire la différence. Le nombre d’endroits est d’ailleurs assez incroyable, avec une liste hyper longue qui propose entre autre des destinations prestigieuses comme la place St Marc à Venise ou La Place Rouge, avant de nous emmener sur le port de Honfleur. Vu la complexité de l’outil, on se doute qu’on a fait qu’effleurer ses possibilités, et que les amateurs de photographie auto s’en donneront à cœur joie. Néanmoins, pour pouvoir se rincer l’œil sans talent, on peut aussi compter sur la version vidéo du mode Scapes. Ici, rien à faire si ce n’est choisir son bolide préféré avant de le voir évoluer de façon hyper réaliste dans des environnements sublimes. Bref, si vous aimez vous rincer l’œil sur des jantes 18 pouces, sur des échappements en titane bleuis par la chaleur, ou sur des carrosseries rutilantes, il n’y a pas mieux.
D’autant plus que le jeu offre 420 voitures à collectionner lors de sa sortie. Mais attention, il ne suffira pas d’aller chez le marchand. Trois sources sont disponibles pour faire nos emplettes : Le showroom Brand Central, le vendeur d’occasions et la maison de ventes Hagerty qui est spécialisée dans les véhicules d’exception. Brand Central regroupe ce qu’on connaissait avant comme les concessionnaires. On y trouvera des voitures neuves, mais uniquement construites après 2001, sachant que certaines sont indisponibles à moins d’avoir une invitation (on en a parlé plus haut). Le vendeur d’occasion propose une sélection de 15 modèles à des prix réduits, et il est aussi le seul à avoir certaines vieilles voitures (genre notre Alpine A110 de 1972). Bien sûr, sa sélection change quotidiennement, et il va donc falloir être assidu si vous avez un modèle en tête. Enfin, chez Hagerty on ne vend que des bagnoles mythiques dont les tarifs oscillent entre 6 et 8 chiffres. On a pu y cramer notre compte en banque afin d’obtenir la Supra Tom’s Castrol de Pedro de la Rosa qui a gagné en JGTC en 1997, La Nissan GTR Pennzoil NISMO du pilote français Erik Comas (champion JGTC 98 et 99) ou encore mettre les mains sur l’Alfa Romeo 155 2.5 V6 Ti de 1993 qui a remporté le DTM entre les mains de Nicola Larini.
Gran Turismo 7 : un Pay to Win ?
Le hic, c’est que les tarifs des voitures peuvent être très salés, avec des modèles qui dépassent les 3 millions de crédits. Peut-on facilement avoir de la thune ? Pas vraiment. En clair, après avoir fini les menus du café, les courses les plus rentables offrent 65 000 crédits (plus un bonus en cas de course parfaite – sans dépasser les limites du circuit ni aucun contact avec l’IA) pour 5 tours. On vous laisse faire le calcul. Exit l’ancien mode B-spec où l’on pouvait faire les 24H du mans pour quelques millions de crédits. Le plus frustrant, c’est surtout que l’on ne peut désormais plus revendre une voiture ! Après avoir craqué sur une Supra, puis avoir gagné la même lors d’une course, on a voulu en revendre une, avant de s’apercevoir qu’il est juste possible de la supprimer de notre garage. À la poubelle quoi ! Pourquoi une telle décision ? C’est en allant cliquer sur notre solde de crédit qu’on a compris, avec un petit lien qui nous envoie vers le PS Store afin d’acheter des crédits avec notre CB. Pour l’instant, le serveur est indisponible, et nous ignorons le tarif, mais on imagine qu’il s’agit là d’un bon levier pour faire rentrer facilement de l’argent frais. C’est par contre un peu moyen pour les joueurs. Espérons que de nouvelles épreuves plus rémunératrices seront ajoutées dans Gran Turismo 7 avec le temps. Vous l’avez compris, il est en l’état très fastidieux de se faire un garage de folie.
Trop fauchés pour collectionner, on se tourne donc vers la vie de pilote pro, qui commence comme toujours par l’obtention des permis. On retrouve les épreuves B, A, IB, IA et Special, avec comme à chaque fois une voiture offerte lorsqu’on obtient le permis, et une autre (mieux) lorsqu’on obtient l’or partout, ce qui demande un sacré investissement en temps dans les permis les plus difficiles (ou alors beaucoup de talent). On pourra aussi aller tenter d’autres épreuves du côté des missions qui là encore nous proposent divers challenges avec des voitures à récupérer en fonction de nos résultats. Néanmoins, et comme dans les anciens opus, là ou les permis sont obligatoires pour participer à certaines courses, ces missions restent absolument facultatives. Et si on n’a pas les thunes pour se payer un bolide, on peut heureusement compter sur le retour de l’atelier de préparation pour transformer notre poubelle en une bête des circuits. Contre un joli chèque, les mécanos vont pouvoir installer moult pièces performances classées en quatre catégories, de la paire de plaquettes de freins sport, au moteur course complet, en passant par le kit de suspensions paramétrables. Et avouez que c’est toujours drôle de pouvoir aller jouer en ligne et fumer ce type dans sa rutilante Clio RS de 220 cv, le tout au volant d’une Toyota Corolla AE86 Levin de 1987, vidée, qui affiche à peine plus de 800Kg sur la balance.
IA : Intelligence Aléatoire
Surtout que le multijoueur n’a pas été oublié. On dispose d’un mode classique avec salon en ligne, et deux joueurs en écran splitté où l’on court pour le plaisir, ainsi que d’un mode Sport qui offre une approche plus compétitive. Le mode Sport nous propose un calendrier avec plusieurs épreuves, sachant qu’on va mettre en jeu notre honneur de pilote à chaque fois. En fonction de nos actions, notre note de fair-play et nos performances seront jugées afin d’aider au matchmaking. L’idée étant d’être le plus rapide possible, sans pour autant être un pilote suicidaire. Bref, on reprend une recette qui a fait ses preuves et qui permet d’avoir une opposition bien plus crédible que celle proposée par l’IA. Car oui, GT7 reste un Gran Turismo, et si Polyphony Digital nous évite le rubber banding, l’IA reste une enfilade de voitures qui roulent plus ou moins en petit train, et qui ne nous calculent pas souvent. Des fois un bot s’écartera, ou réagira à nos mouvements, tandis qu’on se fera violemment percuter à d’autres moments par une IA qui n’a pas jugé bon de freiner. L’avantage, c’est que cela permet aux novices d’apprendre les trajectoires et les points de freinage, mais les amateurs de course pure seront un peu déçus.
Plus esthétique que compétitif
Globalement, si GT7 offre un pilotage un peu exigeant, on reste néanmoins loin des simulations pures et dures façon Assetto Corsa. Oui, on peut régler sa suspension, mais on se demande si ce n’est pas le côté artistique de la chose qui a motivé Yamauchi-san à proposer ce type de réglage, puisqu’il influe sur les mouvements de la voiture. Ce type de menu pourrait faire croire à une simulation, mais il n’en est rien. Gran Turismo 7 reste bien The Real Driving Simulator (soit le vrai simulateur de conduite) et non pas The Real Racing Simulator (le vrai simulateur de course). Il est impossible de faire varier la pression de vos pneus par exemple, et personne ne viendra vous embêter avec la température de vos freins.
L’expérience proposée est avant tout esthétique, plus que compétitive. J’en veux pour preuve le fait que chaque course se fait sur une bande son musicale. Ici, pas besoin d’écouter le moindre bruit mécanique pour être performant. Pour autant, le comportement des véhicules reste de qualité, la météo est convaincante, la pluie demande d'adapter son pilotage, les circuits sont bien modélisés, et si on met de côté le pilotage sur terre (une faiblesse historique), il y a de quoi s’amuser.
Les sons moteurs ont aussi bien progressé, et on ne retrouve plus le bruit d’aspirateur qu’on avait pu avoir dans les anciens opus. Reste toujours ces crissements de pneus omniprésents qui servent à nous avertir que la voiture sous-vire ou survire, et qui nous donnent l’impression d’être dans un parking Vinci (ou dans un épisode de Starsky & Hutch). Pourtant, la manette DualSense est bien utilisée, avec un retour haptique particulièrement convaincant. On sent bien le retour d’informations des suspensions lorsqu’on mord sur les vibreurs, ou les à-coups de l’ABS dans la gâchette du frein.
Gran Turismo 7 et le PS VR2 (MàJ du test initial par Julien Inverno)
Gran Turismo 7, sorti initialement sur PlayStation 4 et PlayStation 5 en mars 2022, fait pour ainsi dire partie des jeux de lancement du nouveau casque de réalité virtuelle de PlayStation, le PS VR2 disponible depuis le 22 février 2023, via la mise à jour 1.29 qui ne propose d'ailleurs pas que de la réalité virtuelle. Car en effet, loin d'être un bonus, un détail, un petit plus sympathique, la possibilité de jouer en VR à ce GT7 est tout simplement... époustouflante. Elle offre une nouvelle dimension et un intérêt démultiplié au titre de Polyphony Digital. Le jeu au casque testé par un habitué du jeu vidéo et de la VR mais également par un néophyte total de ces deux univers amène à la même conclusion : on se croit comme jamais auparavant dans son salon, dans l'habitacle des véhicules, en course, en immersion totale en tant que pilote. La beauté des panoramas de GT7 y est pour beaucoup, comme le soin scrupuleux, maniaque, plein de passion, avec lequel ont été reproduits les tableaux de bord, les intérieurs des véhicules présents dans ce titre pour les amoureux de bagnoles et en passe de le devenir quand on est simplement un esthète. Ces 450 véhicules que l'on peut d'ailleurs observés sous tous les angles dans le Showroom. Coup d'œil rapide sur sa gauche pour admirer furtivement le véhicule du concurrent qu'on vient de doubler, petit regard éclair dans la rétro pour s'assurer que malgré l'aspi, le bolide qui colle derrière ne passera pas... C'est juste bluffant, et au moment où sont écrites ces lignes, seule l'envie de retourner sur l'asphalte domine... Jugez par vous-mêmes les réactions procurées par GT7 PS VR2. Ajoutez à ça les fabuleuses vibrations, sensations, de la DualSense de la PS5, et pour les plus passionnés (les chanceux !) on imagine aisément qu'avec la conduite au volant dans un siège baquet, on ne doit plus voir défiler les kilomètres de plaisir...