Premier RPG d'une majorité de joueurs européens à l’époque, Final Fantasy 7 continue encore de marquer les esprits. Vingt-cinq ans et une flopée de spin-off plus tard, le jeu désormais érigé au rang de culte s’est laissé découvrir à une toute nouvelle frange de joueurs grâce à FF7 Remake. Une relecture qui s’étalera le temps d’une trilogie pour laquelle Nomura semble avoir d’autres plans pour certains personnages, dont Zack, héros de Crisis Core. Chaînon manquant de l’histoire de l'opus original, l’épisode PSP se devait d’avoir un traitement similaire. Ni remake, ni remaster, la préquelle qui fait figure d’indispensable pour jouer à FF7 Rebirth revient donc sous la forme d’un portage assez particulier qui n’est pas à conseiller à n’importe qui.

To become a hero !

Tous les héros n’ont pas leurs noms gravés dans l’histoire. Final Fantasy 7 est certes indissociable de ses deux figures emblématiques : Cloud et Sephiroth. Mais dans l’ombre du blondinet aux cheveux de Chocobo se cache Zack, un personnage à la destinée tragique, premier à s’être dressé contre un Sephiroth métamorphosé. C’est à ce héros plus discret et effacé que FF7 Crisis Core Reunion rend justice. L’histoire débute sept ans avant la rencontre de Cloud avec le groupe rebelle AVALANCHE, soit le début du jeu original et du remake. 

Zack Fair, petit bleu de la Shinra tente par tous les moyens d’accomplir son rêve : devenir un soldat de premier ordre. Ses premières missions, il les vivra avec son mentor Angeal, un SOLDAT 1ere classe à l’épée large bien familière qui constitue le principal stimulus à l’histoire principale. Sa disparition et les soupçons de trahisons qui planent autour de son modèle, conduiront Zack à découvrir les implications du projet Jenova et de ses conséquences insoupçonnées. Epaulé par Sephiroth et quelques membres du TURKS, l’héritier de la Buster Sword rencontrera de nombreux visages bien connus des fans comme des nouveaux venus qui auraient découvert l’univers avec FF7 Remake. La force première de FF7 Crisis Core Reunion réside clairement dans son scénario grandiloquent et son personnage principal. La trame principale enrichit le contexte initial du jeu originel tout en lui donnant une nouvelle ampleur. Zack est tel un petit chiot adorable auquel on s’attache en l’espace de quelques secondes de par sa personnalité pétillante et rafraîchissante qui contraste avec la noirceur de la Shinra. Le développement de ce personnage encore méconnu du grand public figure parmi les plus intéressants de la saga Final Fantasy 7, révélant un héros plus charismatique, lucide et sérieux à la seconde moitié du jeu. 

FF7 Crisis Core Reunion

Le spin-off épaissi plusieurs têtes connues dont une Aerith plus adorable que jamais et un Sephiroth qui paraîtrait presque doux comme un agneau comparé aux autres épisodes. Le titre fait donc la lumière sur les événements qui l’ont conduit à passer du statut de héros du peuple à l’ange de la mort, tout en permettant d’arpenter des lieux chers aux joueurs encore inconnus des nouveaux venus. Crisis Core Reunion brillera davantage pour un scénario bien amené, poignant par moments, mais parfois trop précipité pour coller au FF7 originel. Une préquelle qui s’était imposée comme incontournable pour les fans de la licence à l’époque, qui s’érige désormais, au rang d’indispensable pour quiconque voudra lancer FF7 Rebirth, deuxième volet de la trilogie de remake. Dans cette volonté, Square Enix a entièrement changé le casting du jeu pour le remplacer par celui introduit dans le remake. Les lignes de texte sont désormais entièrement doublées et chaque cinématique, chaque scène de l’époque, est jouée par les nouveaux acteurs. D’ailleurs, si la VA de Zack avait inquiété beaucoup de joueurs dans FF7 Remake, Caleb Pierce s’en sort ici avec les honneurs en donnant encore plus de corps aux moments les plus marquants du jeu. Crisis Core Reunion saura laisser son empreinte auprès des fans. Il faudra cependant faire fi de ses défauts, plus difficilement pardonnables sur une console de salon en 2022.

Plus d'un tour dans son Zack

En choisissant de ne faire ni un remake, ni un simple remaster, Square Enix accouche d’un entre-deux déconcertant. FF7 Crisis Core Reunion est un portage comme on en fait peu. C’est beau, c’est lisse et techniquement très propre avec 60 fps qui ne bronchent jamais sur la version PS5. Le jeu n’aurait presque pas à rougir face à FF7 Remake sur le plan de l'esthétique tant les modèles, les éclairages sont jolis. Les environnements ont complètement été retravaillés malgré quelques textures disgracieuses qui persistent ici et là mais restent tristement vides. Les meilleurs plans séquences et l'atmosphère en sont sublimés, faisant ressortir le meilleur du jeu. C’est clairement la nuit et le jour sur la partie graphique comparé à la version PSP, mais il ne faut néanmoins pas s’attendre à une production digne de ce qui se fait aujourd’hui. Jamais il ne vous éblouira comme un Final Fantasy peut le faire. 

Comme tout bon FF, le titre en imposait à l’époque avec sa mise en scène particulièrement léchée où combats et moments poignants étaient immortalisés à la perfection. Étrangement, Square Enix s’est contenté du strict minimum pour l’une des forces du jeu original et le fer de lance de la licence : les cinématiques en CGI. On ne va pas y aller par quatre chemins, elles sont tout simplement immondes. Problème de compression ou effort minimum, les cutscenes donnent l’impression de regarder une vidéo d’époque en 480p sur YouTube. Le contraste avec les cinématiques utilisant le rendu in-game en est plus brutal et tout aussi décevant. Même son de cloche avec les animations parfois encore trop rigides qui se heurtent à la modernité des  graphismes.

Cinématique
Une cinématique en CG-Aïe (oui, c'est la qualité d'image du jeu)

Un véritable gâchis qui rappelle qu’hormis quelques changements, tout est d’époque. FF7 Crisis Core Reunion souffre clairement des aspects les plus désuets du jeu original à savoir sa structure, ses quêtes annexes et son level design. Le découpage en chapitres successifs débouche sur un déroulement des plus linéaires parfois bousculé grâce à quelques subtilités peu épaisses de game design, allant d’objets cachés à ramasser à de petites missions interactives, parfois incongrues, qui faisaient leur effet jadis sur la console portable, moins sur celles actuelles. N’espérez pas une quelconque once d’exploration, Crisis Core est balisé de bout en bout avec un enchevêtrement de couloirs vides. C’est d’autant plus flagrant dans les quêtes annexes accessibles à tout moment depuis  n'importe quel point de sauvegarde. Primordiales pour le renforcement de Zack (invocations, chasse aux matéria, objets), elles se résument systématiquement à la même chose : un briefing écrit, chercher des coffres secondaires et traverser des cartes recyclées à outrance jusqu'au boss. 

Divertissantes au début, elles auront vite fait de lasser tant elles sont répétitives. La mouture PSP avait trouvé là un moyen de gonfler sa durée de vie avec 300 missions au total, mais sans scénarisation ou changement de level design ces quêtes annexes rebuteront plus qu’autre chose sur les machines actuelles. S’il faut une quinzaine d’heures pour venir à bout de la trame principale, il en faudra au moins tout autant, et beaucoup de volonté, pour compléter ces missions secondaires à 100%. Toutes rangées par ordre de difficulté, elles auront le mérite d’apporter une dose de challenge quasi-absente suite à la refonte du gameplay. 

Activating combat mode

Crisis Core Réunion n'a pas que sa belle gueule pour lui. Pour ne pas dépayser la nouvelle génération de fans, les développeurs ont abandonné le système de combat d'autrefois, à la lisière du temps réel et du tour par tour, pour pleinement se calquer sur celui de FF7 Remake. Esquives, parades, magies et techniques affectées à des raccourcis ou encore système de ciblage intuitif sont autant de changements qui viennent moderniser le gameplay.  En résulte un cocktail survolté avec des combats complètement dynamiques et plein de nervosité quand le challenge est au rendez-vous. La refonte de l’ATH fait des merveilles se révélant plus intuitive qu’espérée et parfaite pour se concentrer sur l’action. Affronter certains boss du jeu n'a jamais été aussi grisant.

FF7 Crisis Core Reunion

Quelques autres nouveautés viennent également se greffer à l’ensemble. Quand l’ennemi se prépare à attaquer, plus besoin de compter sur vos réflexes. Plutôt que de vous demander d’appuyer au moment opportun sur Carré, l’interruption des attaques dévastatrices se fait désormais en vidant une jauge découpée en trois grades. Cela implique donc de s’exposer un minimum pour enchaîner les attaques le temps de l'incantation. L’héritage de la Buster Sword s’accompagne également d’un petit changement. Zack pourra aborder une nouvelle posture à la fois offensive comme défensive. Grappillant quelques PA, la technique parera automatiquement toutes les attaques pendant quelques secondes avec la possibilité d’infliger des coups critiques si le timing est bon. Il conviendra cependant d'augmenter sa maîtrise de l’arme, matérialisée par un pourcentage, pour en révéler tout le potentiel. Mis bout à bout, ces changements nous livrent l’un des gameplay les plus musclés des Final Fantasy orientés action.

Pour autant, Square Enix semble avoir oublié que ces modifications devaient aller de paire avec un rééquilibrage du jeu. Pour peu que vous fassiez quelques missions secondaires, vous allez rouler sur le jeu tel un SOLDAT 1ere classe invincible qui ne fait qu'une bouchée de ses adversaires sans aucun effort. Même ce bon vieux Sephiroth se fait mettre au tapis en cinq coups max. Il faudra impérativement passer par le mode difficile pour que le système de combat révèle tout son potentiel. C’est exigeant, plus nerveux, mais à l’inverse parfois trop punitif. Ayez ne serait-ce qu’un niveau de moins que votre adversaire et vous finissez KO en deux attaques si vous ne vous shootez pas aux potions à temps. Mourir face à des billes après avoir mis une fessée à Sephiroth, ça fait mal.

Un jeu qui a encore du charme

Dans un mode de difficulté comme dans l’autre, l’issue de vos combats est soumise aux caprices de l’OCN. Une mécanique propre à Crisis Core qui avait marqué les esprits, en bien comme en mal à l’époque. Cet élément central de gameplay prend la forme d’une roulette régie par les émotions de Zack qui tourne en permanence pendant les combats. Si le héros est par exemple content de passer du temps avec Aerith, alors les chances que l’OCN s’arrête sur son portrait sont sensiblement augmentées, donnant la possibilité de déclencher une attaque spéciale au niveau variable ou des buffs aléatoires (pas de coût en PM, PA etc.). Seuls changements avec Crisis Core Reunion : les flashbacks et les animations du Limit Break ne sont plus imposés, vous pouvez passer entièrement ces séquences. Vous pouvez aussi choisir quand utiliser vos techniques spéciales aléatoires. Finies les attaques surpuissantes qui se déclenchent au moment le plus inopportun, à vous de les activer quand bon vous semble.

FF7 Crisis Core Reunion

Ça ne paie pas de mine sur le papier, mais lors des affrontements les plus retors ça ajoute une autre dimension stratégique efficace et les combats gagnent clairement en rythme. Malgré quelques changements, l'OCN reste ce qu’il était : un parti-pris osé vous permettant d’atomiser un boss parce que la roulette vous aura gratifié de l’invincibilité, de PM/PA infinis ou une invocation aura enfin décidé de pointer le bout de son nez. A l’inverse si la RNG n’est pas de votre côté vous ne pourrez compter que sur votre skill. Les retournements de situation improbables ne sont pas rares, mais c’est ce qui faisait le charme du jeu à l’époque. Et comme en 2007, ce pont entre le gameplay et narration fonctionne sur le joueur ou non. C’est bien là le problème de FF7 Crisis Core Reunion, s’il était autrefois un jeu audacieux et ambitieux, il est aujourd’hui une relique d’un autre temps à la structure usée. Une relique dépoussiérée jusqu’à en briller, mais qui manque encore d’éclat. Qui aurait pu prédire qu’un jeu PSP aurait mérité un véritable remake ?