Depuis son rachat des mains de Crytek par Ubisoft, la série Far Cry est passée par des hauts (Far Cry 3), mais aussi des bas, le dernier épisode en date, New Dawn, étant probablement le plus dispensable. Coincé entre la volonté de proposer un jeu-service avec du contenu qui plaira à tout le monde, et une histoire qui soit plus qu’un prétexte, Ubisoft a tenté de réussir cette quadrature du cercle avec Far Cry 6. Un pari réussi ? Verdict dans notre test !
Si le contenu et le nombre d’activités annexes n’a fait que se renforcer ces dernières années dans les divers opus de Far Cry, Ubisoft a toujours eu du mal à créer un antagoniste assez marquant pour tenir tête à Vaas Monténégro de Far Cry 3. On rappelle d’ailleurs que ce dernier n’était qu’un des hommes de main d’un grand méchant dont tout le monde a oublié le nom, voire l’existence.
Far Cry 4 avait été particulièrement désastreux sur ce point avec un Pagan Mihn qui était en réalité plutôt sympathique et bienveillant avec son turbulent rejeton (incarné par le joueur). Finalement, la série avait trouvé un regain d’intérêt scénaristique avec le cinquième volet où la secte Eden’s Gate bénéficiait d’un gourou charismatique : Joseph Seed. Malheureusement, les jumelles de New Dawn n’ont pas eu l’aura de leur mentor (oui, le jeu était une suite à FC5). Pour éviter de retomber dans le même travers, Ubisoft est donc allé chercher pour la première fois de la série un acteur très connu du cinéma. C’est donc Giancarlo Esposito (Gus Fring dans Breaking Bad, Thomas Hayer dans Malcolm X de Spike Lee, Jack Baer dans Usual Suspects, ou encore Moff Gideon dans The Mandalorian) qui incarne le terrible Anton Castillo.
Dictateur de l’île des caraïbes de Yara, le bonhomme tient sa population d’une main de fer, promouvant ceux qui collaborent avec le régime, tandis que les autres sont envoyés cultiver des champs d’un tabac arrosé de produits chimiques particulièrement agressifs. L’objectif est d’en tirer une molécule capable de cibler les cellules cancéreuses, ce qui permet au pays de commercialiser un médicament révolutionnaire appelé Viviro, afin de remplir les poches de l’élite. Dans cette poudrière, le joueur va incarner Dani Rojas, un ou une guérillero (on peut choisir le sexe de Dani librement) qui va donc mettre un terme à tout ceci, et libérer la population tel un Simon Bolivar Eco+. Après un prologue qui nous sert de tuto tout en posant les bases de l’histoire, on rencontre Clara, cheffe du groupe Libertad. Cette dernière nous explique que pour renverser Castillo, il va falloir réunir tous les groupuscules existants sur Yara, et forcément, c’est le joueur qui va se taper tout le boulot !
Yara du neuf ?
En réalité, le tout s’organise exactement comme ce qu’on a pu voir dans Ghost Recon Wildlands, avec plusieurs régions, chacune ayant à sa tête un des hommes de main clefs de Castillo. Chaque sous-fifre s’occupe d’un domaine particulier, qu’il s’agisse de l’armement, de la propagande, ou encore de la production de tabac et de sa transformation en Viviro. Et de manière bien pratique, chaque région ou presque va disposer de son propre groupe dissident qu’on devra séduire puis rattacher à Libertad pour mener l’assaut final contre la capitale du pays. Il n’y a pas d’ordre défini, et on peut donc mener le combat comme on l’entend. À chaque lieutenant de Castillo battu, on aura droit à l’allégeance du groupe révolutionnaire du coin, ainsi qu’à une sympathique cinématique pour faire avancer l’intrigue. Le hic, c’est que si vous faites comme votre serviteur, à savoir se taper des missions à droite, à gauche sans rester avec la même faction, il est tout à fait possible de faire 90% du jeu sans voir la moindre cinématique avec Castillo.
On pestera aussi sur quelques décisions louches, comme celle de donner de jolis élans révolutionnaires à Dani, avant qu’elle n’avoue faire la guérilla que par pur plaisir de tout faire péter. Dommage, car globalement l’histoire est loin d’être la plus mauvaise de la série, et on peut même dire qu’à nos yeux, elle vaut celle de Far Cry 5.
Il faut dire pour notre défense que le jeu ne s’avère pas très directif, et que rien ne nous fait comprendre qu’il faut squatter avec les même guérilleros pour profiter d’un bon équilibre entre action et narration, Clara nous envoyant très régulièrement des rappels à aller voir ce qui se passe dans d’autres régions. D’ailleurs, si l’île de Yara est particulièrement vaste (c’est vraiment très grand), on n‘y trouvera pas beaucoup de dépaysement, l’environnement étant à peu près le même partout, avec de la jungle, des montagnes, et une seule grande ville : la capitale. Ne pensez pas flâner dans les rues pour vous ambiancer comme à Los Santos ou dans Night City, puisque la cité est vidée de ses habitants et bouclée par les forces militaires. Le reste de l’île est très proche de ce qu’on a pu voir dans les précédentes versions, avec des locaux, et une présence militaire plus ou moins forte en fonction des secteurs, de l’histoire, et de nos actions.
Just Cry
En effet, parmi les nouvelles mécaniques de jeu, une jauge de recherche a fait son apparition. En gros, plus on décime les troupes de Castillo, plus les ennemis seront prompts à nous attaquer. Et lorsqu’on remplit la jauge au maximum (après avoir fait exploser quelques véhicules sur une route par exemple) ce sont carrément les forces spéciales qui vont se jeter à notre gorge. Ces dernières apparaissent soudainement très proche de nous (oui, du spawn bête et méchant à 25 mètres de notre perso), et nous attaquent avec les armes les plus meurtrières du jeu, et à grands renfort de support aérien via des hélicoptères gunships. En clair, pour survivre à 15 ennemis qui nous travaillent au RPG-7, il faudra soit avoir trouvé une super planque, soit avoir piqué un tank. Néanmoins, cela permet d’éviter qu’on se sente trop invulnérable lorsqu’on a piqué un blindé à l’ennemi.
Far Cry 6 offre une armurerie particulièrement bien garnie, avec parmi les nouveautés des armes artisanales (dont le classique lance-flammes, mais aussi un lance-CD qui joue La Macarena), et les fameux sacs à dos appelés Supremo. Ce dernier peut être utilisé une fois la jauge idoine chargée, sachant qu’on la remplit en massacrant des ennemis.
Feature très vendue par Ubisoft, les Supremo sont en réalité très peu utiles lors du jeu, et après avoir fait le tour de l’offre afin de tout essayer, on est rapidement revenu au premier qu’on récupère, et qui transforme Dani en un orgue de Staline, avec une volée de missiles. De même, si l’armurerie est garnie de tas de pétoires, en réalité, le fusil M14 (obtenu dès le début du jeu) ainsi que son grand frère MS16 (un M14 avec canon long), sont tellement efficaces qu’on ne le a pas lâchés de tout le jeu, et plusieurs confrères interrogés nous ont rapporté avoir fait le même choix. Il faut dire qu’avec n’importe quelle autre arme, les ennemis sont de véritables éponges à balles, tandis que le M14 garantit le oneshot du début à la fin de l’aventure, pour peu qu’on touche la tête. Dommage pour la M60, le SVD, la PPSh ou tous les autres tromblons qu’on aurait adoré pouvoir utiliser.
Placebo
Cette illusion de choix, on la retrouve aussi au niveau du système d’habillage de notre héros. On va pouvoir saper Dani de pied en cape, sachant que chaque fringue dispose de buffs spécifiques dont la résistance aux balles AP, aux soft point, au feu, au gaz toxique, plus de balles pour le pistolet, etc…
Sauf que dans les faits, la variété des ennemis fait que quel que soit notre choix, les gains sont tellement marginaux qu’on finit tout simplement par saper le héros de Yara selon des considérations esthétiques, afin qu’il ait la classe lorsqu’on se balade dans les bases et qu’on profite alors de la vue à la troisième personne. C’est un peu la même chose face au choix pléthorique de véhicules.
On dispose de 4 avions, 6 hélicos, et une infinité de véhicules terrestres et navires, sachant que les motos ont été remplacées avantageusement (leur physique était pourrie) par des chevaux. Mais pourtant, là encore on se surprend à squatter 90% du temps dans le cockpit d’un tank, ou aux commandes du gros hélico de combat, au détriment de la flopée de 4x4 et de vielles américaines rutilantes. C’est toujours le problème avec les amigos, ces fameux animaux qui nous accompagnent, et où on squatte finalement le même tout le temps (le coq de combat dans notre cas) puisque quel que soit votre choix, plus on utilise un animal plus il gagnera de gros bonus au combat.
Comme toujours, la map est littéralement blindée d’icônes d’activité, avec des courses, des missions annexes, et des tonnes de trucs à ramasser, qu’il s’agisse de matériaux de craft (pour améliorer les campements avec une boutique mieux achalandée, ou disposer du comptoir des mercenaires qui permet d’envoyer des IA remplir des missions).
De nombreuses mini-quêtes sont aussi disponibles afin d’en savoir un peu plus sur la vie des habitants de l’île, ou pour débloquer de nouveaux animaux de compagnie. D’ailleurs, une fois la campagne principale terminée, sachez qu’on disposera d’un contenu endgame conséquent, puisque chaque semaine, les loyalistes de Castillo reprendront une des provinces de Yara qu’il faudra donc à nouveau libérer, ce qui confère au titre une durée de vie virtuellement illimitée.