Sortir un jeu sur un rythme annuel est une discipline à double tranchant, aussi bien pour les développeurs que les éditeurs. Les créateurs doivent travailler sur une période très restreinte pour respecter le calendrier des sorties tout en étant capables de justifier suffisamment d’ajouts et de modifications, tandis que la maison d’édition flirte d’une année sur l’autre avec un risque de lassitude en provenance des joueurs, qui ne voudront en aucun cas êtres pris pour de vulgaires portefeuilles. Une situation d'autant plus délicate avec un F1 24 sortant moins d'une année après son prédécesseur. Alors que la licence de Codemasters paraît s'essouffler sur ses dernières itérations, F1 24 ne sera toujours pas synonyme de renouveau mais, encore une fois, d'évolution. Malheureusement pas toujours pour le meilleur…

Une carrière bien remplie

Trois aspects principaux ont donc fait l'objet d'un ciblage prioritaire cette année, à savoir une campagne revisitée, une physique remaniée et un rendu visuel en partie retravaillé. Le plus flagrant au premier lancement du jeu concerne la carrière, ou plutôt dois-je dire les modes carrière. Car oui, F1 24 profite du travail accompli durant ces dernières années pour proposer une expérience solo particulièrement complète. On retrouve ici le désormais classique “My Team” nous propulsant dans le monde impitoyable de la Formule 1 en tant que directeur et pilote de notre propre écurie. Création de la monoplace, choix de sa livrée et développement sont au programme, en parallèle d’une gestion d’écurie complète. Nous ne nous attarderons pas davantage ici, le tout étant identique à ce que nous avons déjà pu expérimenter par le passé. Attention, cela ne constitue en aucun cas un reproche sur un mode qui aurait pu à lui seul justifier l’unique expérience solo de bon nombre de jeux de courses.

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Les F2 sont elles aussi de la partie

La possibilité de débuter une carrière en F2 ou directement en F1 en créant notre propre Rookie intégrant l’une des écuries officielles du championnat répond elle aussi à l’appel. Un fonctionnement qui, jusqu’à présent, nous obligeait à évincer l’un des pilotes réels de la grille pour y prendre sa place. F1 24 nous offre désormais la possibilité d’incarner directement le pilote de notre choix, une fonctionnalité très attendue par beaucoup de joueurs pour qui s’identifier à leur idole est un indispensable à une immersion complète et plus réaliste. Une immersion renforcée avec l'ajout d'enregistrements radios issus des courses réelles, collant avec les événements forts comme les finish ou les crashes. L’idée est vraiment excellente et on espère pouvoir profiter d'encore plus de lignes d'enregistrements par la suite.

Codemasters a entièrement retravaillé la modélisation des visages, qui, il faut bien l’avouer, n’avait jamais été l’un des points forts de la licence…  et cela se ressent. Le rendu est, dans la grande majorité, bien meilleur avec certains noms plutôt saisissants, mais ne bénéficiant pas tous du même degré de finition. Je pense notamment au britannique George Russell et son regard un poil angoissant, pourtant celui sur qui j’ai jeté mon dévolu pour entamer ma carrière aux côtés de Lewis Hamilton. Mais ce n’est pas tout, plusieurs icônes de la discipline comme par exemple Senna, Michael Schumacher, Mansell ou Hakkinen peuvent  eux aussi êtres incarnés. Un petit plus bienvenu, même si le décalage de générations que cela implique ne sera pas au goût de tous. Revers de la médaille, si certaines légendes sont là, il n’y aura pas pour autant de retour de leurs voitures respectives via un mode rétro, pourtant fortement réclamé par la communauté. Un petit goût de frustration, ce ne sera toujours pas pour cette année.

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Une mise en scène très "Netflixienne"

Chasseur de contrats

Après avoir sélectionné votre pilote et son écurie affiliée, selon vos attentes et vos préférences, il sera grand temps de signer votre premier contrat. C'est dans un hôtel en pleine principauté de Monaco que vous serez alors convié par vos futurs dirigeants pour négocier votre avenir avant d’y apposer votre griffe. Un contrat implique des objectifs à atteindre ou à maintenir, et une certaine latitude vous sera accordée pour en modifier l’exigence. Vous l’aurez compris, vendre vos compétences au-delà des attentes initiales ne vous laissera que peu de droit à l’erreur mais pourra aussi vous rapporter gros. Non seulement votre expérience accumulée en interne n’en sera que meilleure, mais votre nom fera également jaser dans le paddock pour peut-être obtenir des propositions alléchantes d’écuries concurrentes.

De temps à autres, des “réunions secrètes” auront lieu avec d’autres équipes qui tenteront de vous aguicher. Là aussi des négociations de contrats seront envisageables, mais vous pourrez tout aussi bien refuser si vous préférez rester fidèle à votre engagement en cours. Méfiez vous, les rumeurs circulent très vite dans le microcosme de la F1, votre équipe pourrait avoir vent de vos éventuels rapprochements chez l’ennemi, ce qui aurait pour conséquence de détériorer vos liens de confiance et ternir votre image, impactant de ce fait l'obtention de vos points de ressource. Il vous faudra la jouer finement selon vos projets sur le long terme.

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Votre QG et vos ingénieurs

Toute cette partie gestion de contrat se révèle être un ajout intéressant et immersif, en parfaite adéquation avec ce monde de requins qu’est la course en catégorie reine. Pour approfondir toujours plus votre expérience de jeu, des spécialistes répondent désormais à l’appel. Absolument rien d'original, je vous l’accorde, avec une fonction déjà vue et revue dans de nombreux autres titres du genre. Ces experts, divisés en diverses catégories comme la fabrication, la soufflerie, l’assurance qualité ou encore l’analyse stratégique, vous donneront accès à tout un panel d’objectifs à atteindre pour améliorer leurs compétences et surtout vous octroyer des points de réputation supplémentaires et indispensables pour développer votre voiture.

La section Recherche et Développement ne bouge pas d’un iota dans F1 24 avec une interface identique à ce que l’on connaissait déjà, à un détail près cependant : vous ne serez plus le seul à financer le développement de nouvelles pièces. En effet, votre coéquipier investira lui aussi ses points acquis dans la R&D de son propre châssis. Et comme dans la réalité, une pièce nouvellement conçue et validée sera ensuite installée sur les deux monoplaces de l’écurie. Vous pourrez suivre en temps réel l’avancement des recherches initiées par le second pilote afin de sélectionner les vôtres en conséquence, une excellente source de motivation pour une section amélioration redynamisée et moins frustrante que par le passé.

Sachez que la totalité du contenu intégré dans la carrière est également jouable en coopération avec un ami via un mode dédié. Vous pouvez soit concourir dans la même team ou être adversaires, mais quelque soit votre décision, les ajouts comme les contrats à négocier en cachette ou encore les améliorations en équipe rendent l’expérience, déjà très réussie précédemment, encore plus immersive et prenante. Attention toutefois, une carrière coop entamée en ligne avec votre ami ne sera jouable qu’avec lui, et toute progression en son absence sera impossible.

Enfin, et pour compléter une section déjà très fournie, un dernier mode intitulé Carrière en Défi fait le choix de mixer solo et multijoueur en vous proposant d’affronter d’autres joueurs réels sur chaque course du calendrier saisonnier avec un objectif simple : glaner le plus de points pour dominer le classement en ligne. Cela ne se substitue évidemment pas au multijoueur en ligne classique que l’on retrouve comme à l’accoutumée.

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Un lancement dans la douleur… avant une mise à jour salvatrice ?

Si vous avez un minimum suivi l’actualité autour de F1 24, alors vous savez sans doute que la récente sortie de ce dernier s’est faite dans la douleur. La principale source de mécontentement provenait de la physique du jeu, pourtant annoncée par Codemasters comme nouvelle et plus aboutie. Il n'aura pas fallu beaucoup de tours de piste pour constater l'étrangeté du comportement des voitures, comme rivées au sol par le train avant. Combiné à une direction extrêmement réactive,  les joueurs ont vite compris qu'il était totalement possible de jeter la voiture en entrée de virage de manière à faire pivoter l'arrière comme un sauvage et récupérer le tout sans difficulté ni perte de contrôle. Autrement dit faire du drift, ni plus ni moins. Pas tout à fait ce que l'on attend d'une formule 1, qui pour le coup ressemblait plus à une transmission intégrale qu’à une propulsion. Les exemples “d’exploits” n’ont d'ailleurs pas tardé à fleurir sur les réseaux sociaux. Les développeurs se devaient de réagir très rapidement pour calmer la gronde de toute une communauté avant qu’il ne soit trop tard. Mais on sait à quel point la première image négative d’un jeu peut être extrêmement difficile à redorer…

C'est dans ce contexte pour le moins sensible que Codemasters a déployé la mise à jour 1.3, sensée corriger le comportement général mais aussi rectifier les multiples bugs rencontrés, comme des problèmes de drapeaux, de sélection des pneumatiques et de leur usure très rapide, DRS bloqué en position ouverte, crashes au lancement de F1 24 et j'en passe. Premier constat, la physique semble enfin logique, avec une accroche bien plus en adéquation avec la discipline. L’avant de la voiture ne rattrape plus les pertes excessives de l’arrière et oblige désormais à adopter la bonne vitesse d’entrée en virage. On se rapproche finalement des sensations que l’on pouvait avoir sur F1 23. La conduite sur piste sèche est nettement meilleure bien qu’encore perfectible, tandis que des conditions de pluie conserveront cet aspect “glisse permanente”, une sensation d'équilibriste cette fois-ci tout à fait normale. Une sensation validée par Lando Norris en personne, streamer à ses heures sur les jeux de la série.

Une accessibilité pour tous au détriment de la qualité finale ?

Les jeux de la série F1 n'ont jamais eu pour ambition d'être des simulations, mais avant tout des expériences accessibles au plus grand nombre, licence officielle oblige. Et sur ce point, F1 24 remplit son office avec une prise en mains particulièrement agréable à la manette. Pour ce qui est des volants, nous avons pu effectuer notre test sur deux combos de gammes différentes, à savoir un Thrustmaster T300RS et un Logitech G Pro Racing Wheel. Nous avons malheureusement rencontré une expérience peu convaincante sur le T300RS, la faute à un retour de force trop faible voir même absent selon nos sessions de jeu… en revanche le rendu sur le direct drive de Logitech s'est révélé bien plus plaisant avec cette fois-ci aucun problème de détection ou de FFB. La puissance est là, la qualité des informations envoyées est efficace et précise, et le G Pro Wheel profite même du TrueForce, une fonctionnalité propriétaire à Logitech permettant de retranscrire encore plus d'éléments au volant sous forme de vibrations. Un paramètre à régler minutieusement et sans excès, mais qui change totalement la donne sur les ressentis d’aspérités et les passages de vibreurs.

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Le vieillissant moteur graphique offre tout de même de jolis effets de reflets

Cette volonté d'accessibilité pour tous passe aussi par le vieillissant moteur graphique Ego Engine, permettant à F1 24 de sortir sur PS4 et XBOX One. Un choix qui bride forcément les performances sur les machines actuelles avec un rendu visuel en tous points identique avec F1 23. Il est désormais temps de tirer un trait sur les anciennes machines pour exploiter pleinement les capacités des PS5, XBOX Series et PC.

Quatre circuits ont bénéficié d'une mise à niveau de leur fidélité visuelle : Spa, Silverstone, Jeddah et le Quatar. Leur traitement fait plaisir à voir et les plus exigeants devraient êtres ravis du résultat, toujours dans la limite des capacités du moteur graphique. Le tracé Belge est celui que j'ai trouvé le plus satisfaisant avec son emblématique et impitoyable raidillon, bien plus travaillé que ce que nous avions connu précédemment. Mais seulement voilà, 4 circuits concernés sur 25, le manque de temps alloué aux développeurs se fait clairement ressentir et nous donne une impression d'inachevé.

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La refonte visuelle de certains tracés fait plaisir à voir

Et ce n'est malheureusement pas la VR, exclusive au PC, qui pourra clôturer ce test sur un bon point avec son rendu franchement mauvais. L'image sautille, l'aliasing est omniprésent, et ce malgré des paramètres au maximum. Désactiver le dlss permet d'améliorer un chouilla le rendu, mais encore faut-il avoir la configuration nécessaire. D'autres jeux de course sur PC proposent bien mieux que F1 24 dans ce domaine. Là encore, on sent clairement que la VR fait surtout acte de présence sans avoir véritablement suscité l'intérêt des développeurs qui, j'insiste encore une fois, n'ont absolument pas eu le temps nécessaire pour être présents sur tous les fronts.