Il y a des jeux qui promettent énormément et qui finalement vous déçoivent... C'est le cas du dernier né de chez Ninja Theory, à qui l'on doit Heavenly Sword et qui travaille actuellement sur le prochain DmC : Devil May Cry pour le compte de Capcom. En effet, le postulat de base, un héros accompagné d'une I.A dans un monde post-apocalyptique dans lequel il faut exploiter leur complémentarité pour assurer leur survie (si l'un meurt, l'autre y passe aussi) a de quoi séduire, d'autant plus lorsqu'il réinterprète Le Voyage en Occident. Bref, Enslaved - Odyssey to the West a tout du blockbuster en apparence mais dans les faits, une aventure un poil courte (7 à 8 heures de jeu), mais surtout au final décevant et au cours affublé de bugs difficilement pardonnables gâchent le tout. L'amour a ses limites !
Vous connaissez le contexte du jeu que nous vous avons déjà décrit dans nos impressions sur Enslaved, alors passons directement à la réalisation globale du titre de Namco Bandai. Autant être clair, le rendu général s'avère splendide, grâce notamment a une direction artistique d'exception. Et ceci même si le jeu perd en charisme sur la fin de l'aventure avec des décors nettement moins inspirés. La première étape du voyage de Monkey, qui se verra accompagné de Trip, une intelligence artificielle aux attributs absolument charmants, vous conduit ainsi dans un New York dévasté où la nature reprend doucement ses droits. Et il faut bien admettre que chaque environnement de cette ville à l'abandon mais à la verdure florissante est un régal pour les yeux, que vous garderez néanmoins plissés à cause d'un framerate qui oscille entre le correct et le médiocre tout au long du jeu. Un défaut technique que certains auront du mal à pardonner mais qui est heureusement compensé par un scénario épique.
Un couple qui a de l'avenir
Dans ce monde chaotique dirigé par des machines mettant en esclavage le peu d'humains ayant survécu à la guerre, Trip est une jeune fille séduisante, perdue dans la nature, qui profite d'un moment d'égarement de Monkey pour lui coller une couronne d'esclave, normalement utilisée par les robots pour contrôler les humains. Elle la reprogramme ensuite grâce à ses talents informatiques pour obliger notre héros à la ramener dans sa communauté de survivants qui vivent isolés, loin des dangereux robots. Ce scénario efficace est épaulé par une mise en scène de qualité et un soin tout particulier accordé aux expressions des personnages qui parviennent à vous porter tout au long de l'aventure. Même s'il faut reconnaitre que l'intensité des scènes perd légèrement de son charme dans la seconde partie du périple. Néanmoins, l'évolution de la relation de nos deux héros est parfaitement orchestrée du début à la fin et on ressent souvent des émotions intenses lorsque les évènements passent du dramatique au rigolo avec des scènes tristes, décalées ou encore crues. Vous l'aurez compris, j'ai dévoré cette histoire du début à la fin mais je dois souligner que la cinématique finale est d'une absurdité difficile à admettre, tant le scénario, jusqu'ici parfaitement amené, tombe d'un coup à l'eau. Vous voilà prévenus...
Le quotidien tue le couple
Le périple de nos amoureux transis passe par des phases d'action, de plate-forme, de combat, de course et d'infiltration, sans pour autant parvenir à nous faire oublier une certaine linéarité dans son déroulement. A chaque fois que l'on découvre une nouvelle zone, Trip utilise une libellule robotisée pour montrer les points chauds et la seule et unique sortie du niveau. Car si les décors procurent un immense sentiment de liberté, on ira, à chaque fois, du point A au point B sans le moindre chemin alternatif. On vous prend par la main en permanence pour vous emmener là où il faut et pas ailleurs. Le rideau tombe donc rapidement et on sait qu'il faut suivre une voie toute tracée. Heureusement, le couple sauve encore les actions au quotidien puisque leur complémentarité va permettre, par exemple, à Trip de faire diversion pour que Monkey puisse traverser certains passages délicats (ou inversement).
Problèmes de couple
La belle va pouvoir aussi augmenter les pouvoirs de la bête grâce à des orbes de puissance récoltées partout dans les niveaux, la soigner si nécessaire, abaisser des leviers pour participer aux énigmes, etc. Le tout se fera d'ailleurs au moyen d'un menu de commandes qui permet de faire réagir Trip comme il faut la plupart du temps. A vous ensuite de combattre les machines pour la protéger en prenant le contrôle de tourelles de combat et shooter les ennemis trop proches de mademoiselle, de rattraper ses kidnappeurs grâce à votre nuage magique (un disque flottant), au cours de courses poursuites récurrentes, ou encore en bastonnant vos adversaires métalliques au corps à corps. Bref, il y a un peu de variété dans l'action mais chacune de ces phases n'est que survolée et on regrette qu'elles ne bénéficient pas d'une réelle profondeur. On sent bien que c'est un mélange fait à la va vite, d'autant que l'ensemble s'avère parfois peu maniable. Même si les phases de plate-forme sont allégées, Monkey lutte pour passer certains rebords, la caméra s'emballe souvent dans les combats ce qui ajoute à la confusion, le disque ne permet pas toujours d'aller exactement où on voudrait, etc. Résumons simplement, Enslaved est un jeu terminé dans la précipitation et ça se sent, tant dans sa conclusion scénaristique incohérente que dans sa jouabilité peu profonde, son framerate cahotant ou encore le manque d'inspiration des derniers niveaux du jeu. Et je n'insiste pas sur certains bugs difficiles à avaler tels qu'un personnage qui disparait pendant les cinématiques (il était coincé dans le mur...) et une sauvegarde corrompue (pourtant j'ai bien une version finale) puisqu'ils ne se sont produits qu'une seule fois chacun. Mais autant dire que ça agace forcément si on a payé le jeu plein pot !
Alors pourquoi lui accorder une note correcte ? La réponse est simple. Enslaved : Odyssey to the West se laisse finalement jouer (pas à 70€ quand même hein...) et procure un certain plaisir. Si vous appréciez l'univers et ses personnages, vous tolérerez sans mal ses imperfections pour vous accrocher à l'histoire et aux différentes phases de jeu finalement agréables une fois que l'on accepte l'imprécision de leur jouabilité. D'un autre côté, certains ne supporteront pas la vitesse d'animation inconstante, le manque de finition ou encore le choix de Ninja Theory qui préfère privilégier la forme que le fond, tout comme dans Heavenly Sword d'ailleurs. Enfin, puisque certains se posent la question "Castlevania : Lords of Shadow ou Enslaved ?", je vous réponds sans détour : c'est chez les Belmonts que vous serez le plus excité même si les charmes de ce cette Trip sont indéniables !