Les jeux de cartes à collectionner (JCC) ont connu leur apogée avec Magic : The Gathering dans les années 90. Depuis, les fans du genre continuent à poser leur(s) jeu(x) mais le grand public semble de moins en moins intéressé par la discipline. Pour autant, certains développeurs de jeux vidéo n'ont pas hésité à se jeter dans l'arène en proposant des JCC en réalité augmentée, à l'image de Sony en 2007 avec The Eye of Judgment. Aujourd'hui, c'est au tour de Drakerz : Confrontation, un titre développé par le studio français Péoléo, de tenter sa chance sur PC.
De prime abord, le concept de Drakerz est des plus simples : poser des cartes réelles sur une table vers laquelle une caméra USB (webcam) est orientée. Cette dernière reconnait les cartes et donne vie à leurs effets sur l'écran de votre PC. Et ici, il s'agit de faire combattre votre créature, invoquée à l'écran par le biais de la réalité augmentée, contre d'autres bestioles en ligne contrôlées par des joueurs, ou en solo contre l'intelligence artificielle.
Un rendu magique ?
Le lieu des confrontations entre Drakos (les créatures invoquées par les joueurs) ne sera autre que votre bureau ou votre table sur lesquels sera délimitée une zone spécifique, une sorte d'arène dans laquelle les monstres vont se faire la guerre. Ce décor n'est donc pas à prendre en compte dans le rendu du jeu car, après tout, c'est aussi à vous d'avoir une table ou un bureau propre pour avoir un décor qui va bien... Parlons plutôt des créatures, certes bien modélisées, mais pas non plus au point d'être émerveillé comme un enfant de 10 ans, même si je n'ai aucun doute sur le fait que la formule fonctionne parfaitement sur eux. Evidemment, la magie de la réalité augmentée impressionne au début mais finalement les adultes habitués aux jeux vidéo ont déjà largement vu mieux. Il en va de même avec les effets des Drakkards, les cartes de jeu utilisées (sorts, invocations, effets visuels sur les Drakos, etc.), jolis mais pas spectaculaires. Heureusement, l'intérêt de Drakerz ne se situe pas dans son rendu, même si les gens peu habitués à cette technologie apprécieront sans doute l'effet.
Avant tout un jeu de cartes à collectionner
Pour bien comprendre le fonctionnement de Drakerz, il convient d'expliquer brièvement le fonctionnement d'une partie. D'abord, il vous faut une webcam, ensuite vous devez récupérer le logiciel, gratuit et disponible sur le site officiel, et enfin il faut passer à la caisse pour récupérer un deck de cartes (un jeu de cartes). Notez qu'il est possible de jouer avec des cartes gratuites d'essai que vous pourrez imprimer vous-mêmes mais le plaisir n'est évidemment pas le même et il s'agit seulement alors de découvrir le principe de Drakerz, car ces cartes ne vous permettront pas de construire des jeux évolués. Les decks de base (Starter avec une créature) sont vendus 10€ alors que certaines cartes sont disponibles en plus petit paquets (Booster) au prix de 5€ pour étoffer l'ensemble de votre jeu. Précisons d'ailleurs que les cartes sont plutôt jolies même si elles n'ont pas autant de classe que celles d'un Magic par exemple, d'autant que la lisibilité n'est pas leur fort tant leur textes sont petits. Bref, voilà pour la base, ensuite vous pouvez enfin débuter une partie.
Drako's War
Drakerz se joue au tour par tour, chaque joueur agissant après l'autre. Ainsi, on débute une partie en commençant par piocher 6 cartes au hasard dans son deck. Et c'est là que ça peut commencer à coincer sérieusement. Car non seulement ce n'est pas vous qui piochez vos cartes, mais le logiciel du jeu qui vous indique ce que vous tirez, mais en plus il vous donne ensuite un temps limité (!) pour retrouver dans votre deck physique, les cartes affichées à l'écran. Alors, certes, cela évite les tricheries, mais ça demande surtout une certaine rapidité d'exécution puisque vous n'avez que 30 secondes pour retrouver les cartes indiquées dans un tas de 40 cartes... Heureusement, on peut retrouver ces cartes (appelées votre main) à tout moment via une fenêtre dédiée, mais cette étape à quelque chose de stressant, de peu commode, car tout se joue en temps limité, comme l'ensemble des parties d'ailleurs, et prendre du retard à retrouver des cartes au lieu de réfléchir à la partie en cours n'est donc jamais bon. Ensuite, un des deux joueurs commence son tour. Il entame les hostilités en piochant une carte (à retrouver dans le deck physique elle aussi, donc) et obtient 4 points de mana (la ressource qui permet de poser ses cartes : certaines coûtent 3 points de mana, d'autres 6, etc.). Puis, le joueur doit placer sa créature sur l'aire de jeu et la positionner par rapport à son adversaire (ce qui n'est pas évident puisque la caméra inverse l'image), le tout en ramassant des points de mana, qui apparaissent en réalité augmentée et apparemment aléatoirement dans l'arène. Cette étape est extrêmement importante puisque des bonus de dégâts sont ajoutés à vos attaques au corps à corps lorsque vous placez votre Drako sur les côtés, ou dans le dos, de votre adversaire. Et bien entendu, au tour suivant votre opposant aura lui aussi la possibilité de placer son Drako dans une position avantageuse pour faire un max de dommages.
Construire sa partie
Il est donc impératif de jouer en ayant toujours en tête les tours suivants, un peu comme aux Echecs. Notez par ailleurs que les déplacements coûtent de la mana et que leur coût augmente en fonction de la distance parcourue. Sachant que la mana est utilisée pour se déplacer mais aussi pour lancer des cartes de sorts, il va falloir bien gérer son "mana pool" (son stock de mana) durant son tour. Vous allez enfin pouvoir jouer esnuite des cartes en fonction de la mana qu'il vous reste. On peut ainsi lancer des dégâts directs (sortilèges), équiper ses créatures pour augmenter, ou mieux encaisser, les dégâts physiques (résolus à la fin de chaque tour si les créatures sont au contact), booster ses équipements, etc. Très logiquement, il y a tout un tas d'enchaînements de cartes à utiliser au fur et à mesure de la partie pour bien armer son Drako et maximiser l'impact des combinaisons. La tactique est de mise puisqu'il s'agit d'établir une stratégie sur la longueur, soit plusieurs tours. Vient finalement la phase de résolution des dégâts physiques dans laquelle votre Drako frappe sa cible s'il est proche de celle-ci. La résolution des dégâts se fait alors automatiquement via le logiciel qui prend en compte armures, armes, boosts d'équipements, position par rapport à l'ennemi, etc. Finalement on termine son tour avec la possibilité de se défausser (jeter) d'une carte (inutile de préférence) pour gagner un point de mana avant que celui de l'adversaire débute. Le but, à terme, est évidemment de vider la barre de santé du Drako adverse.
Stratégique mais un peu fastidieux
Vous l'aurez compris, Drakerz a plusieurs cartes cordes à l'arc de son game design : le placement, la gestion de la mana, les équipements, les armes, les attaques spéciales (avec des furies à lancer au bon moment), les sortilèges classiques, les sorts d'interruption (un joueur dont ce n'est pas le tour peut interrompre le sort de son adversaire s'il a de la mana en réserve), la stratégie sur plusieurs tours et j'en passe. Autant dire qu'il faut réfléchir et je ne vous cache pas que les premières heures de jeu sont assez confuses, surtout avec ces histoires de temps limité pour retrouver des cartes avec lesquelles on n'est pas forcément encore familiarisé. Pour autant, on se rend bien compte avec le temps que le système de Drakerz fonctionne plutôt bien et qu'il permet de surprendre l'adversaire, tout en donnant lieu à des joutes dantesques bourrées de rebondissements et qui peuvent vraiment tirer en longueur si les deux joueurs qui s'affrontent son d'un niveau équivalent et maîtrisent le jeu. Dommage qu'on doive passer par ces tours chronométrés et ces recherches de cartes physiques pour que la partie se déroule.
Jeu de cartes en ligne
Drakerz est donc un bon jeu de cartes à collectionner, à la fois stratégique et original dans son système de jeu, comme dans sa représentation visuelle en réalité augmentée. Il propose aussi en plus pas mal de contenu. Si on ne trouve pour le moment que trois Drako disponibles (chacun aux capacités différentes), d'autres arrivent et ces derniers peuvent évoluer en gagnant de l'expérience de manière à pouvoir utiliser des petits pouvoirs spécifiques, être customisés, obtenir des titres spécifiques, etc. Enfin, la partie intéressante se déroule évidemment en ligne contre d'autres joueurs, même si on apprécie d'affronter une I.A. plutôt futée dans le scénario solo. C'est donc en ligne que vous rencontrez les gros joueurs, ceux qui ont adhéré au système et ceux qui le maitrisent parfaitement bien. Au point que vos premiers pas dans l'arène seront douloureux, et je sais de quoi je parle. Néanmoins, c'est là que vous allez parfaire votre technique et il se trouve que la communauté Drakerz semble vraiment sympathique, au point que les joueurs n'hésitent pas à se donner des conseils ou à échanger. Un bon point qui compense avec la difficulté assez élevée du système lorsqu'on débute online.
Drakerz : Confrontation propose une expérience intéressante, fine et dont la forme surprendra, mais se révèle finalement peu accessible si on n'est pas bien décidé à s'y investir. De plus, et malgré de très bonnes idées en terme de stratégie, le rythme du jeu est assez mal calibré. On attend lorsque l'adversaire joue (c'est logique me direz-vous...) mais cela contraste avec la vitesse soudaine que la partie exige lorsque c'est votre tour (tout se déroule en temps limité puisque le jeu est calibré pour les confrontations en ligne). Surtout lorsqu'il s'agit de trouver ses cartes dans son deck alors que certaines sont assez peu lisibles, de se déplacer en temps limité, de lancer ses cartes, gérer sa mana, etc. Tout est bien sûr en partie une affaire d'habitude mais c'est assez peu engageant pour ceux qui voudraient tenter l'expérience.