La réussite commerciale indécente de Dragon Quest 11 a donné des ailes à Square Enix. Bien décidé à surfer sur le succès du dernier épisode de sa poule aux œufs d’or, l’éditeur japonais commémore le 35e anniversaire de la licence avec un nouveau spin-off.
Dragon Quest Monsters n’est plus, vive Dragon Quest Treasures. En gestation depuis de nombreuses années, le dernier spin-off de la saga est enfin disponible en exclusivité sur Nintendo Switch. Un titre qui, une nouvelle fois, s’éloigne de l’ADN original de la licence pour proposer quelque chose de plus frais et surtout une petite mise en bouche en attendant le douzième épisode canonique qui n’arrivera pas avant quelques années encore. Noyé au milieu des grosses sorties de cette fin d’année, Dragon Quest Treasures est-il le dernier trésor caché de l’année de la Switch ?
L'île aux trésors
L’ambiance est au beau fixe. Trésors, butins, créatures étranges, des vikings célèbrent leurs dernières trouvailles. A bord de ce drakkar, deux enfants repêchés qui rêvent d’aventure et de trésors. Leur souhait va devenir réalité lors de ces festivités où ils feront la rencontre de deux adorables créatures volantes, Porcellus et Persianna, qui vont les conduire vers leur destinée et deux dagues magiques aux pouvoirs mystérieux. Une introduction ennuyeuse plus tard, voilà le voleur emblématique de Dragon Quest 11 et sa sœur plongés au plein cœur du continent mystérieux de Draconia, un monde aux inspirations de Xenoblade Chronicles assumées, fins prêts à partir à la chasse aux trésors et à mettre la main sur les sept pierres draconiques tant convoitées.
Si l’on retrouve bien l’un des compagnons de route du dernier ’épisode canonique, tout le bestiaire iconique de la saga et une flopée de clins d’œils aux anciens jeux, nul besoin d’avoir joué aux Combattants de la Destinée ou à un quelconque volet de la saga pour se laisser entraîner dans cette quête. A vrai dire, l’histoire de Dragon Quest Treasures est purement anecdotique et tient sur un timbre poste. Quelques rebondissements vous rappelleront au fil de plusieurs heures qu’il y a bien un scénario dans le jeu, mais ne vous attendez pas à une narration ou un fil conducteur aussi travaillés que pour un épisode canonique. Ici l’histoire n’est que prétexte à réunir tout ce beau monde dans ce grand bac à sable. Sa direction plus enfantine qu’à l’accoutumée le trahit, ce spin-off est avant tout pensé pour un plus jeune public. Le ton y est plus léger, le caractère du jeu plus bon enfant et cela s’apprécie sans heurt. S’il reste fidèle à son essence, ce parti pris se fera au sacrifice de mécaniques de jeu qui auraient gagné à être plus poussées et travaillées.
Domptez-les tous
Dragon Quest Treasures se place encore une fois dans la pure tradition des jeux de rôles japonais très axés sur l’aventure. L’action prend place sur un grand archipel bac à sable découpé en îles aux biomes différents à explorer et une zone centrale faisant office de base. La progression de la trame principale repose en grande partie sur l’accumulation de trésors, dont la valeur est estimée à chaque retour au bercail, nécessaire pour faire grimper le niveau de clan. Une mécanique bien huilée, qui nous permet de pleinement se prendre au jeu une fois les longues heures de tutoriel achevées. Le titre s’appuie en effet sur cette fameuse boucle de gameplay qui consiste à partir en expédition à la recherche de trésors, recruter des monstres en les impressionnant avec votre skill en combat, collecter un maximum d’ingrédients sur la route pour crafter de nouveaux objets et bien sûr mener à bien certaines missions annexes. Une boucle qu’il faudra répéter encore et encore pour dénicher les sept pierres draconiques et venir à bout de la quête principale s’étalant sur un peu moins d’une trentaine d’heures.
Passées les premières heures et quêtes poussives, Dragon Quest Treasures a ce petit goût de reviens-y. Tout n’est pas parfait, loin de là, mais le système de chasse et l’exploration sont assez prenants pour donner envie de s’investir plus que de raison dans le jeu. A plus forte raison lorsqu’on est fan, puisque les butins reflètent un morceau de l’histoire de la franchise, allant des premiers jeux NES aux plus récents. Attention à la collectionnite aiguë. L’héritage de DQ Monsters fait d’ailleurs le sel du jeu. Sans virer au Pokémon-like comme sa source d’inspiration, ce nouvel épisode permet une nouvelle fois de recruter les monstres sauvages simplement en les mettant KO. S’ils sont d’une aide précieuse lors des combats, les créatures associées à l’équipe sont particulièrement utiles lors de l’exploration. Elles permettent de localiser les butins grâce à un système de boussole et de visions qui font office de cartes au trésor, mais aussi à exploiter la verticalité des environnements avec leurs capacités spéciales. Bondir dans les airs, grimper à dos de créature pour aller plus vite ou tout simplement voler, nos compagnons de route dynamisent constamment l’aventure. Ceux restés à la base d’opération se rendront utiles en partant dans des expéditions pour aller récupérer des ressources indispensables.
Il ne faudra en revanche pas compter sur eux pour relever le niveau du système de combat. Véritable talon d’Achille de Dragon Quest Treasures, les affrontements sont d’un ennui mortel. On ne contrôle qu’Erik ou Mia, les monstres alliés s’auto-gèrent et on est finalement limité à quelques actions basiques : frapper, esquiver, lancer une attaque spéciale et donner deux pauvres ordres : « En avant ! » et « Rassemblement ! ». La palette de coups et de combos est chiche, tout comme la personnalisation de l’équipement réduite à son strict minimum. Pire encore, les deux petits garnements peuvent attaquer, voire buffer ou soigner leurs camarades, à l’aide d’un lance-pierres fortement utile, mais à la mécanique absolument pas calibrée pour la Switch. Rien n’est intuitif, la prise en main est tout sauf spontanée et on ne parle même pas du système de visée frustrant au possible. Les déplacements de nos monstres et des adversaires auront vite fait de rendre cet ensemble brouillon encore plus chaotique qu’il ne devrait l’être.
Des combats barbants
Un foutoir dont on voudrait bien se passer, mais qui est paradoxalement primordial pour le bon déroulement de l’aventure. La composition de l’équipe influence en effet le ratio de coffres au trésor rares sur l’île. Il faudra donc constamment essayer de capturer un maximum de monstres pour optimiser sa chasse au butin, ce qui passe par encore plus de combats. L’enfer ! Seuls les joutes contre les clans adverses et les affrontements de boss viendront relever l’ensemble avec leur petite dose de sensations fortes, mais pour le reste on repassera. C’est d’autant plus regrettable que hormis cet aspect du gameplay, Dragon Quest Treasures a tous les ingrédients pour rendre accro avec son contenu honorable.
L’appel à l’exploration et au voyage sont bien là grâce à des environnements particulièrement réussis et cette progression basée sur la valeur aléatoire des coffres obtenus. La peur de perdre du butin au moindre KO et l’envie de trouver un objet toujours plus précieux rend le tout particulièrement addictif. On se plaît à découvrir les différents décors de Draconia et les nombreuses créatures iconiques qui peuplent l’archipel. Si sa boucle se montre rapidement répétitive, les quêtes annexes offrent de vraies respirations, bien que certaines soient ouvertement là juste pour allonger artificiellement la durée de vie. Le problème, c’est que cette inspiration au voyage est ternie par des allers-retours incessants et frustrants à la longue. D’autant que Dragon Quest Treasures n’a pas de voyage rapide. Il faudra se retaper le chemin sur les zones semi-ouvertes tout le temps. Une absence rapidement décourageante au début en l’absence de Smilodon ou créature du genre pour aller plus vite.
Malgré tout, Dragon Quest Treasures a son petit charme. Sa direction artistique colorée et enfantine, la patte visuelle d’Akira Toriyama et ses graphismes convenables parviennent aisément à séduire les petits comme les grands. On ne tient pas le plus beau jeu de la console de l’année, mais c’est honnête. Loin de la catastrophe de Pokemon Écarlate et Violet, le jeu tire néanmoins la langue à de nombreuses reprises. Vilain clipping, textures baveuses et disgracieuses par moments, la Nintendo Switch peine à afficher tous les éléments sans broncher. C’est plus agréable en nomade, mais dans un mode comme dans l’autre le frame rate est souvent repoussé dans ses retranchements dès qu’il y a un peu trop de décors ou d’action. Forcément, c’est un peu moins séduisant d’un coup.