Dragon Quest est l’une des sagas les plus légendaires du JRPG. Du haut de ses quasi quatre décennies, la licence a définitivement marqué le genre de son empreinte. Là où Final Fantasy s’est imposé sans mal comme l’un des ambassadeurs du RPG japonais en Occident, les européens ont dû attendre jusqu’en 2006 et le huitième épisode cultissime avant de pouvoir découvrir ce petit joyau du portfolio de Square. La saga s’est depuis démocratisée en dehors de son territoire, mais l'éditeur entend intensifier ses efforts pour que l'œuvre de Yūji Horii ait enfin la popularité qu’elle mérite. L’excellent Dragon Quest 11 avait déjà bien entamé le chantier, mais c’est bien avec une trilogie de remakes que Square Enix veut réintroduire proprement sa vénérable saga.
Voilà maintenant 38 ans que la saga nous fait voyager dans son univers crayonné par Akira Toriyama (Dragon Ball). 11 épisodes principaux, des spin-offs à n’en plus finir et 88 millions d’unités vendues plus tard, Dragon Quest est en quête de renaissance. Alors que le prochain jeu numéroté se fait attendre, lui qui devrait prendre le chemin de l’action d’une façon ou d’une autre, Square Enix avait une petite sucrette en réserve pour les inconditionnels de la licence et les amoureux de JRPG à l’ancienne : Dragon Quest 3 HD-2D. Un remake qui se doit de conquérir la nouvelle génération de joueurs comme les plus nostalgiques et qui use de tous ses charmes pour y parvenir. Il faut avouer que la Team Asano, à qui l’on doit notamment les Octopath Traveler, sait y faire pour sublimer et dépoussiérer les épisodes les plus anciens sans trahir leur héritage. S’attaquer à un monument comme ce troisième volet, figurant parmi les jeux les plus appréciés au Japon, n’était pas une mince affaire. Elle signe pourtant avec ce Dragon Quest 3 Remake sa plus grande réussite.
Le plus beau jeu HD-2D à ce jour
Dès les premières images, dès que les premières notes sonnent, Dragon Quest 3 HD-2D nous enveloppe d’une douce nostalgie, de ce sentiment de réconfort instantané, comme une odeur ou une sensation qui nous rappellent immédiatement à notre enfance, à des souvenirs heureux. On voyage dans le temps à une époque où tout était plus simple, plus insouciant, non sans une pensée tendre pour ceux laissés derrière nous. Akira Toriyama (concepteur des monstres et personnages) et Koichi Sugiyama (compositeur) s’en sont allés, mais leur travail reste intemporel. Les compositions réorchestrées transmettent toute la candeur de l'œuvre avec plus de puissance, les sprites magnifiques mettent en valeur le travail d’origine du mangaka. Leur héritage est immaculé et sublimé par ce vibrant hommage qu’est Dragon Quest 3 Remake. La direction artistique, avec ce style si particulier du HD-2D, est à tomber et parvient même à charmer les plus récalcitrants, comme moi. Il y a de la beauté partout, dans des clairières où l’herbe se meut sous l’étreinte du vent, dans les forêts recelant de lucioles éclairant notre voyage, dans une oasis, dans ces villes maritimes où les oiseaux volent à chacun de nos passages. Tous les environnements ne se valent pas, certains paraissent plus ternes, tant d’autres sont de vraies merveilles. Les effets de lumières, d’ombres et de particules viennent transcender de déjà jolis tableaux, et quand le soleil se couche, la vision et l'atmosphère y sont d’autant plus enchanteresses. La Team Asano s’est surpassée et nous sert un véritable bonbon visuel au service de ce long voyage pour retrouver notre père disparu et défaire ce maudit Baramos.
Autant être clair, ce n'est pas l'histoire de Dragon Quest 3 HD-2D qui va vous transporter. Le jeu conserve sa narration concise, témoin d’une époque plus innocente où le scénario allait droit au but et où on connaissait la fin avant même d’avoir occis l’archidémon. Artdink Corporation prend le temps de moderniser cette fable en y ajoutant davantage de mise en scène, des doublages et des flashbacks autour d’Ortega, notre paternel, qui viennent épaissir son personnage. L’humour si caractéristique de la licence y est mis en exergue, ses moments dramatiques en sont plus frappants, mais le constat reste le même : c’est très classique. Les néophytes y verront une histoire plus convenue au rythme assez lent accentué par des pics de difficulté au début de l’aventure tantôt soudains, tantôt punitifs. C’est aussi ce qui fait le charme du jeu, son côté old-school assumé.
Un joyau de l'époque sublimé
Dragon Quest 3 HD-2D conserve tout ce qui lui a permis d’entrer dans le panthéon du JRPG en modernisant, voire améliorant, certains aspects. Le système de personnalité, qui permet d'augmenter plus vite certaines statistiques, est immaculé. Celui des classes gagne en profondeur une fois arrivé à une certaine Abbaye des Vocations, qui apporte une tout autre richesse stratégique. Le dresseur de monstres, Monstrologue, vient se greffer harmonieusement à l’ensemble et s’il n’est pas révolutionnaire pour quiconque l’a déjà joué dans un des épisodes précédents, il est toujours aussi plaisant à maîtriser. La composition de l’équipe est encore plus libre avec des compagnons de route qui sont maintenant des feuilles blanches que l’on peut créer et personnaliser à l’envi avec encore plus d’options. Des sorts et équipements inédits viennent apporter une nouvelle saveur aux combats, sans en changer la recette. Tout ce qui faisait le charme du jeu est perfectionné quand l’expérience gagne amplement en confort. Pour plaire aux nouvelles générations, ce Dragon Quest 3 Remake ne manque pas d’options pour moderniser le gameplay. On retrouve tous les impératifs pour un jeu en tour par en tour en 2024 : une sauvegarde automatique qui n’est franchement pas de trop au regard des donjons parfois bien ardus et de la pénurie de MP, la possibilité d'accélérer les combats ou même de laisser l’IA combattre pour vous en donnant des tactiques à chaque personnage, l'arrivée de marqueurs de quêtes pour qui le souhaite, la possibilité d’enregistrer certains dialogues pour se souvenir d’une quête devenant un véritable carnet de voyage, ou encore l’ajout d’une mini-map qui fait un bien fou à l’exploration.
Exploration qui devient d’ailleurs plus prenante avec deux nouveautés simples : des lieux cachés, disséminés ça et là sur la mappemonde et contenant de précieux objets, et la toute nouvelle arène de monstres qui vient remplacer les paris d’antan. Le concept parle de lui-même, plusieurs créatures se laisseront recruter au fil de nos pérégrinations pour ensuite combattre dans une série d’affrontements que l’on aurait aimé plus nombreuse afin de donner plus de sens à cette chasse aux monstres. Quand l’écran de fumée est toujours là, on se plaît à écouter les villageois parler des créatures qu’ils ont vues ici et là, à essayer de les apprivoiser, à visiter le monde de fond en comble, de les trouver au bon horaire pour aller remporter les compétitions aux récompenses alléchantes. Avec onze séries de trois combats pas foncièrement difficiles, on a vite fait le tour et pour peu que vous n’ayez pas un Monstrologue dans l’équipe vous risquerez de ne plus voir l’intérêt d’aller faire ami-ami avec eux.
Et pour les néophytes, c'est si bien que ça ?
Dragon Quest 3 HD-2D est une véritable madeleine de Proust pour quiconque aime la licence et le genre. Ses efforts pour accueillir un public plus jeune sont louables, mais celles et ceux qui ne sont pas habitués aux expériences old-school risquent de se heurter à quelques obstacles. Remake suivant presque à la lettre son modèle, le jeu hérite de certains de ses écueils de l’époque, notamment ses donjons qui ont particulièrement mal vieilli. Le troisième épisode est loin d’être une promenade de santé, surtout dans ses débuts quand les sorts et objets nous manquent encore et poussent à faire des allers-retours incessants entre les villes et ces donjons, quitte à farmer ad nauseam pour le joueur peu aguerri. Expérience contemporaine oblige, le sadisme peut être atténué en passant au niveau de difficulté minimum ajouté pour l’occasion, qui empêche tous les personnages de tomber au combat.
Dans sa volonté de plaire aux nouvelles générations, Dragon Quest 3 Remake aurait aussi eu tout à gagner à proposer ses options de personnalisation de l’expérience d’entrée de jeu. On peut bien choisir si on veut les marqueurs de quête ou non, mais si la vitesse des combats est personnalisable à la volée en plein affrontement, il faut au préalable aller dans les paramètres pour que la fonctionnalité apparaisse. Vu comment les combats sont mous et lents autrement, c’est indispensable. Pourtant est-ce que le joueur plus occasionnel prendra le temps d’aller fouiller dans les menus que la nouvelle génération risque de trouver peu ergonomiques ? J’ai un petit doute. On ne comprend pas non plus certaines choses, comme cette attente de presque 30 secondes à l’église pour faire revenir à la vie un personnage, juste inconcevable en 2024, ou même l'absence d’une touche rapide pour accéder à la carte du monde. A titre personnel je trouve ça plus authentique, mais le nouveau public ne s’y retrouvera pas forcément, alors que c’est à lui que Square Enix espérait faire du pied.