Après s'être présenté sous la forme d'une version preview qui avait pratiquement fait fuir, il y a un peu plus d'un an, notre Camille national, Outriders revient cette fois dans son écrin final, fort de son univers à lui et avec quelques ambitions, aussi. Suffisantes pour aller titiller les maitres du TPS et du shooter-RPG que sont Destiny, Gears of War ou encore Borderlands ? Place au verdict.
Les visites sur des planètes inconnues finissent mal, en général. Cela se vérifie une fois de plus dans Outriders, le TPS enfin sorti de People Can Fly. Enfin, car après une version preview datant de la fin de l'hiver 2020, puis une démo le mois dernier qui n'avait pas du tout convaincu Joniwan, le jeu édité par Square Enix a vu sa sortie repoussée à plusieurs reprises, autant à cause du COVID-19 que pour améliorer ce qui pouvait l'être, compte-tenu des retours assez mitigés d'une presse assez unanime à l'époque. Mais revenons-en à cette histoire de terre inconnue. Venue explorer à bord d'un vaisseau spatial une toute nouvelle planète, Enoch, pour fuir une Terre qui se meurt et en proie au chaos le plus total, une délégation de soldats d'élites, les Outriders, découvre que l'endroit - censé être sécurisé par leurs soins - se révèle tout sauf un lieu hospitalier.
Le nouveau havre de paix supposé de l'Humanité n'est autre qu'un immense traquenard, la faute à une Anomalie, un phénomène inexplicable qui tue ou altère toute forme de vie sur son passage. Forcément, vous voyez la suite du pitch arrivé : vous incarnez un de ces Outriders, vous allez être touché de plein fouet par cette Anomalie et au lieu d'y rester, allez développer de sacrés pouvoirs, que vous choisirez en temps voulu, et ce en même temps que votre classe de personnage.
Lore de s'éveiller ou de se rendormir ?
Avant cela, histoire de bien comprendre dans quelle type d'anarchie se situe le lore d'Outriders, notre héros se retrouve cryostasé pendant de nombreuses années suite aux effets tragiques de l'Anomalie sur son équipage. Et à son réveil, Enoch est une terre de chaos. Les colons, qui auraient dû être avertis du danger, sont quand même venus. Depuis, la planète héberge tout autant des Altérés que des animaux mutants que le MonsterVerse installé depuis des années par Warner Bros au cinéma ne renierait pas. Votre mission, que vous n'aurez pas d'autre choix que d'accepter, est de tenter de survivre à ce monde, comprendre ce qu'est l'Anomalie et retrouver, s'il en reste, d'éventuels autres Outriders. Vu les efforts déployés autour de cette trame, aussi bien au niveau des dialogues que des cinématiques, on comprend très vite que People Can Fly a voulu mettre le paquet sur le scénario, proposant quelque chose de mature, avec des enjeux et une morale forte.
L'envie est là et la mythologie proposée intriguante. Mais cela est desservi par une mise en scène grossière. Certes et c'est un plus, les longues phases de dialogues se résument à des choix de phrases pour votre avatar, dont l'apparence pourra évoluer selon vos soins en cours de partie, mais qui manque d'options de personnalisation tout de même. Mais devoir s'infliger une cinématique pour prendre un simple moyen de transport ou lancer une discussion avec un autre personnage ou pour changer de pièce... cela casse le rythme de la partie mais surtout celui de la narration. La V.F. n'aide pas non plus dans ce dossier, avec des choix de voix pas toujours adaptés, transformant du coup ce qui avait des allures de blockbuster hollywoodien.... en vulgaire série B de SF.
Mais, malgré toutes ces bizarreries, on se surprend à aimer l'aventure proposée par Outriders, à défaut de s'y immerger totalement. La faute au gameplay, qui y est aussi pour beaucoup. Je l'ai dit plus haut, Outriders est un TPS, un shooter-RPG ou looter-shooter, dans lequel le joueur va régulièrement ramasser du minerai ou des objets afin d'améliorer son équipement en temps réel. L'ennui, c'est qu'on sent beaucoup trop que, du côté de chez People Can Fly, on a voulu jouer sur plusieurs tableaux et reprendre le meilleur de la concurrence, sans jamais parvenir à exceller ou à s'offrir une véritable identité, ce que son scénario et son univers graphique pas toujours égal (on y reviendra), lui procuraient en partie.
Je te couvre, tu me couvres, il nous couvre... ah bah non en fait
Sur Enoch, vous évoluez dans des environnements linéaires, avec un effet couloir totalement assumé - même s'il y a bien quelques petits embranchements ici et là, prétexte à looter ou à s'isoler du feu ennemi - avant d'arriver dans des arènes plus ouvertes, avec une vague d'antagonistes conséquente à occire. Déjà vu quoi. La bonne idée est d'offrir au joueur un environnement propice à se couvrir - ah... mais on dirait Gears là non ? - avec la désormais classique opportunité de tirer un peu à l'aveugle en zone, pour éviter de se faire canarder une fois un peu trop exposé.
L'ennui, c'est qu'Outriders n'est pas vraiment un cover-shooter. Pour retrouver des PV et donc de la vitalité, vous devez miser sur vos prouesses armes au poing, car la régénération se fait en fonction de vos actions contre vos ennemis. En clair, jouez-là agressif, vous aurez plus de chance de survivre efficacement, sans compter l'apport de vos pouvoirs d'Altéré, qui feront un sacré ménage sur le champ de bataille. On notera que ces derniers sont parfaitement bien utilisés de la part des développeurs. Le cooldown est OK, les effets sont à analyser en fonction de vos ennemis et de leurs attaques, ce qui est encore plus vrai lorsque vous serez opposé à un autre Altéré, humain ou monstre. Cela nous donne d'ailleurs des combats de boss à la difficulté assez corsée, mais le challenge a le mérite d'exister et le contrat est rempli puisqu'on y prend du plaisir.
Mais voilà, à quoi bon se couvrir, si l'attaque est clairement la meilleure défense et meilleure option à suivre ? C'est finalement en solo que l'aspect couverture prend le plus de sens, là où la partie coopérative joue la carte du feu nourri en toutes circonstances. Après tout, à deux ou à trois (meilleure option), on progresse plus vite et c'est bien là tout l'intérêt du jeu : avancer, pour pouvoir améliorer son équipement et son niveau d'Altéré. On rappelle que ce dernier se décide en début d'aventure. On n'a pas précisé qu'il était définitif et c'est bien dommage. Jouer les Pyromages et donc faire brûler tout ce qui nous entoure, c'est sympa mais on aurait aimé pouvoir jouer des coudes avec les pouvoirs du Telluriste (Terre), qui fait clairement ici office de tank, profiter des altérations temporelles offertes par l'Illusionniste ou encore les capacités de soutien du Technomage, le tout un peu comme on veut et pas seulement de manière exclusive pour toute la partie.
Tu le sens mon Altère ?
La combinaison des pouvoirs d'Altéré avec les armes, ainsi que les différents arbres de compétence à compléter sont réussis et assez classiques, finalement, dans leur exécution, bien que longs et lents à remplir. Démonter son équipement pour en extraire de la matière première ou le revendre font aussi partie de l'aventure, ce qui ne révolutionne pas le genre à ce niveau. C'est plutôt dans le loot et la façon de l'obtenir qu'Outriders tente de se démarquer un peu, avec une difficulté globale régie par un système de "niveaux de monde", qui conditionnent la puissance adverse, mais aussi la qualité des récompenses à obtenir. Une façon de rendre le jeu encore plus accessible qu'il ne l'est déjà, avec une prise en mains hyper-simple et intuitive, et d'offrir un challenge conséquent aux habitués du genre, sans dégoûter les petits novices.
En parlant de challenge, qu'en est-il de l'intérêt général du titre ? Si mon avis ne sera pas aussi lapidaire que celui de Camille à l'époque, il n'est pas hyper optimiste pour autant. Outriders a du potentiel. Mais il n'est pas exploité. Ou alors mal. Graphiquement déjà, où le jeu oscille entre le très beau (magnifiques paysages à l'horizon) et le franchement passable, surtout lorsqu'on se lance dans l'aventure sur nouvelle génération, et dans ce cas précis, sur PS5. On ne reviendra pas sur la narration mais on ne peut que souligner le manque d'intellect de l'I.A., facile à emmener dans un terrain de jeu favorable au joueur, puisqu'une fois localisé par ses soins, celle-ci vous fonce dessus, sans forcément tenter de vous surprendre (ou alors rarement). Pis, les ennemis se ressemblent finalement tous et arrivent quasiment toujours dans le même ordre. Fort heureusement, les combats de boss, eux, sont plus épiques et variés, ce qui redonne un coup de fouet à l'action, qui devient, malheureusement pour elle, trop vite répétitive. À ce titre, c'est peut-être moins le cas dans l'expérience solo, même si certaines parties du jeu sont un peu trop corsées pour un joueur unique...
La durée du vie du jeu est en revanche au rendez-vous, avec une bonne quinzaine d'heures pour venir à bout de la campagne principale et une bonne dizaine supplémentaire pour aller au bout des quêtes secondaires. Et pour ne pas rester sur notre fin, Outriders nous offre un End-Game de gourmand, avec des expéditions - missions dans lesquelles il faudra faire parler la poudre, purement et simplement - à la difficulté variable et avec des boss inédits en prime. Niveau rejouabilité et challenge, tout est là, à condition évidemment d'avoir adhéré au concept. People Can Fly a en tout cas tenu sa promesse : Outriders n'est définitivement pas un jeu-service et vous ne paierez pas plus cher pour mieux vous fringuer ou vous équiper durant votre périple. En revanche, c'est sur la stabilité du mode coopératif et des serveurs que les développeurs se sont manqués.
Des bugs et des crashes qui font mal (très mal)
Durant mes heures de test, je pensais être passé entre les gouttes des différents crashs et bugs répertoriés ici et là - précision, pour jouer, même en solo, il faut être connecté - mais j'ai fini par rejoindre le lot conséquent de joueurs expulsés en pleine partie, sans raison, suite à un plantage du jeu. Rejoindre une partie en coop' est long, trop long et une fois en compagnie d'autres joueurs, le lag s'avère conséquent, avec des frame rates horribles et des situations ubuesques (des ennemis qui vous traversent notamment). Ce qui est déjà très pénible l'est encore plus quand on se rend compte que la difficulté imposée en coopération correspond à celle du niveau du joueur hébergeant. De quoi créer de sérieuses disparités et des comportements toxiques mais logiques (le joueur le moins bien loti en niveau ira moins se frotter au feu ennemi).
Bref, à l'heure du bilan, on ne peut pas dire que l'expérience Outriders soit mauvaise. Elle nous laisse surtout sur notre faim. Manque de variété dans l'action - pas de session en véhicules ou de scènes spectaculaires -, serveurs instables en attendant un gros patch, aspect finalement assez classique dans sa réalisation et manque de charisme et d'immersion dans le scénario, côté couverture finalement discutable : le dernier-né de People Can Fly a des arguments mais semble dans l'incapacité, par des choix curieux, de les mettre correctement en musique. Et c'est bien dommage, car l'aventure sur Enoch est loin d'être désagréable.