Idetaka Miyazaki, connu pour son travail sur la série des Souls, applique une recette à ses jeux, en la sublimant à chaque fois pour créer des titres inoubliables. George Kamitani, président de Vanillaware, est un homme de la même trempe. Sur les six perles sorties par la société d'Osaka (sans compter les rééditons), trois consacrent une merveilleuse alchimie constituée de RPG et teintée de Beat'em all, avec un soupçon de craft et de magnifiques graphismes 2D. C'est le cas de celui qui nous intéresse aujourd'hui : Odin Sphere, dans sa version Leifthrasir.
On pourrait même monter le nombre de jeux se servant de cette formule à quatre, si l'on considère le charmant Princess Crown, qui est en quelque sorte le père spirituel d'Odin Sphere, puisque développé sous l'égide des studios d'Atlus avant la création de Vanillaware.
Et pour la petite histoire, si Odin Sphere est bien le second titre sorti avec le label "Vanillaware", il est le premier à avoir été développé sans Atlus ! Le célèbre studio, resté en relation avec Kamitani après son départ pour éditer ses jeux, n'a pas voulu faire d'ombre aux très bonnes ventes de Persona 3, et a donc sorti Odin Sphère un an après la fin du développement. Soit un mois après GrimGrimoire, le second jeu du studio (qui est en fait le premier, CQFD) !
Et huit ans après son arrivée en Europe grâce aux efforts de Square Enix, voici donc venir la version Leifthrasir du titre, disponible sur toutes les consoles Sony du moment, à savoir PS3, PS Vita, et la version que nous testons ici, PS4 ! Vanillaware est un studio habitué à nous pondre des remakes de qualité, mais celui-ci tient il toutes ses promesses ? Est il à la hauteur des dernières productions de la société que sont Oboro Muramasa et Dragon's Crown ? Vend-il toujours autant de rêve ? Qui mourra lors du dernier épisode de la Saison de Game of Thrones ? Voici autant de questions auxquelles nous allons tenter de répondre dans ce test (ou pas).
Odin Sphere Rebirth
Et c'est donc avec une certaine fébrilité, celle d'un jeune homme qui retrouverait l'un de ses premiers amours perdu de vue depuis dix ans, que j'attaque cette critique du remake tant attendu d'un jeu culte de la PS2. Et comme toute demoiselle devenue femme, le titre n'en est que plus séduisant. En effet, loin de se contenter d'un simple travail de remastérisation HD, nous sommes bel et bien en présence d'un véritable remake, qui nous renvoie à la magie qu'à pu opérer un certain Resident Evil Rebirth en son temps, véritable référence de l'anoblissement d'un jeu déjà culte.
Et la première chose qui à eu droit à toute l'attention des comparses de Kitamani, c'est l'aspect visuel du titre. Déjà sublimes sur PS2, les magnifiques sprites dessinés de main de maître par les orfèvres de la 2D des studios Vanillaware ont subi un lifting en profondeur pour adapter leurs dessins vieillissants à un affichage sur consoles haute définition... et le résultat est tout simplement bluffant ! On parle souvent de "Photo" dans le milieu du cinéma pour qualifier l'aspect visuel d'une oeuvre. On donne même des oscars pour ça. Nul doute que cet Odin Sphere Leifthrasir remporterait haut la main une telle récompense dans le milieu du jeu vidéo, tant ces images, qui nous rappellent les plus belles estampes du maître Hokusai, sont fines et constituent de magnifiques tableaux qui émerveillent notre rétine à chaque nouveau niveau. Ajoutez à cela des animations de sprites assez folles pour un jeu 2D, une bande son démentielle, aux notes qui vont vous rester un moment en tête (ou revenir, pour certains joueurs) et des doublages Japonais de très grande qualité. Aussi, exit les chutes de framerate de la version PS2 et bonjour la fonction Cross-Save PS3/4/Vita (rayez la mention inutile) empruntée à Dragon's Crown. De plus, un nouvel angle de caméra plus lointain est adopté : un choix judicieux qui va permettre ici de véritablement profiter des magnifiques panoramas que le jeu peut nous offrir. Tout est donc en place pour scotcher le joueur face à son écran !
Oborodin Sphere
Les graphismes ne sont pas les seuls à avoir subi du changement : en effet, tout l'aspect Beat'em all du titre à été revu. Si nous sommes toujours en présence d'un RPG de type Dungeon Crawler assez classique, la maniabilité rigide de la version PS2 est passée à la trappe, pour adopter un gameplay qui ressemble très fortement à celui que l'on a pu déjà observer sur Oboro Muramasa Rebirth : des combats très nerveux, avec moult techniques disponibles, pour contrer tous les mouvements de vos ennemis. Exit la barre d'endurance assez chiche de la version d'origine, ici, vous allez pouvoir bourriner vos adversaires en continu, et seules les attaques spéciales gardent le même mode de fonctionnement. Elles se déclenchent en échange de cristaux de phozons, ou bien de ce qui reste de cette barre d'endurance, justement. Ces changements donnent au final lieu à des affrontements bien plus rythmés et jouissifs. On sent vraiment l'influence de tout le travail effectué sur Muramasa et Dragon's Crown. Bien que certains joueurs regrettent déjà cette orientation moins tactique et plus bourrine, un point dont nous reparlerons plus tard dans ce test pourrait bien les satisfaire...
Dans ses mécaniques RPG, cette version Leifthrasir reste assez similaire à son aîné : Vous allez toujours pouvoir crafter vos propres potions, mais aussi pas mal d'aliments. Comme toujours dans les productions Vanillaware, la nourriture tient une place centrale dans l'aventure puisque c'est elle qui va majoritairement vous permettre de faire passer des niveaux à vos personnages. Au nombre de cinq, vous allez enchaîner leurs chapitres respectifs en environ 8 heures chacun, en explorant bien chaque donjon. La progression se fait donc assez naturellement, et à un rythme effréné plus que gratifiant, il faut bien le dire ! En revanche, le scénario d'origine n'a pas changé : vous allez devoir finir l'aventure d'un perso pour accéder à la suivante, et découvrir un autre pan de ce magnifique conte, d'un nouveau point de vue qui éclairera votre lanterne sur des événements déjà vus auparavant. Cette méthode de narration reste très convaincante, même aujourd'hui, avec une histoire tout simplement passionnante à suivre.
Cependant, le titre retombe dans le même écueil que son prédécesseur : si chaque héros possède son propre gameplay, tous étant différents les uns des autres, les cinq chapitres vous emmènent dans les mêmes lieux et vous font affronter les mêmes ennemis, ce qui peut s'avérer un minimum redondant au final... Mais devant la beauté de tous ces tableaux et la complexité de l'intrigue, on lui pardonne aisément ce vilain petit défaut, inhérent aux productions Vanillaware...
Odin's Crown
Un autre petit reproche que je pourrais faire au titre, au delà de celui de la version d'origine, est spécifiquement lié à cette nouvelle mouture Leifthrasir : les nouveaux contenus sont trop peu nombreux ! Outre deux difficultés supplémentaires, un New Game + et un mode "Hell" qui renvoie aux sueurs froides du même mode dans Muramasa, on n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Le mode "classique" garde la même jouabilité que la version PS2, pour faire plaisir aux puristes, tout en adoptant le gros lifting visuel du remake. Un autre ajout, le "Boss-Rush", pourra nous tenir occupés quelques heures, mais c'est à peu près tout !
Il y a quelques temps, Oboro Muramasa Rebirth avait frappé très fort avec pas moins de quatre DLC contenant nouveaux personnages jouables et nouveaux pans de scénario. Si le procédé de vendre ce contenu bonus peut être critiquable, le faible prix du jeu de base et de ses extensions, associé au fait que ces dernières pouvaient aussi bien se boucler en deux heures qu'offrir plus de 30 heures de jeu à celui qui voulait tout explorer, constituaient un gros argument en leur faveur (30 heures chacune, 120 en tout) ! Pas d'annonces particulières de ce coté là pour Odin Sphere, et c'est bien dommage, le background se prêtant bien à la narration de nouvelles histoires connexes. En espérant que mon souhait soit entendu, quelque part du côté d'Osaka...