Pour les amateurs de RPG Tactiques, la série des Disgaea est une perle, une référence. Doté d'un système de jeu intelligent, complexe et d'une profondeur incomparable, il a de quoi satisfaire le plus exigeant des tacticiens. En dépit de cette richesse intrinsèque, la série n'avait pas su adapter sa forme graphique à nos consoles actuelles et le troisième opus arborait une réalisation 2D pleine de pixels qui aurait pu avoir son charme, mais n'avait pas évolué depuis l'épisode précédent, sorti sur PS2, et apparaissait clairement obsolète. Avec Disgaea 4, la grande nouveauté, c'est le passage aux graphismes HD (enfin). Pour le reste,vous retrouverez l'univers déjanté de la série et son gameplay en béton armé, agrémentés, comme d'habitude, de quelques nouvelles subtilités. Prêts à vous triturer les méninges ?
Des promesses et des sardines
Dans cette nouvelle aventure, vous incarnez Valvatorez, un puissant vampire qui a renoncé à jouer les tyrans le jour où il a promis d'arrêter de boire du sang humain. Et Valvatorez tient toujours ses promesses... Au grand dam de son majordome Fenrich le loup-garou qui aimerait revenir à l'époque des conquêtes sanguinaires. Enfin bref, toujours est-il qu'en renonçant à ses ambitions, Valvatorez s'est vu rétrogradé au bas de l'échelle sociale des démons du Sous-Monde et affecté à la formation des prinnies, des créatures ressemblant à des pingouins dans lesquelles sont placées les mauvaises âmes humaines en attente de réincarnation. Afin d'être purifiées, ces âmes sont soumises à une période de servitude en enfer. C'est là qu'intervient Valvatorez, dont le rôle consiste à préparer ces prinnies à obéir à leur futur maître et à combattre à ses côtés, sans faillir ! Et en enfer, les combats sont légion (Désolé je n'ai pas pu m'en empêcher...) ! Aussi ingrates soient-elles, Valvatorez exerce ses fonctions avec passion et s'y implique totalement. Si bien qu'un jour, pour motiver ses troupes à la veille d'un examen, il promet des sardines à tous les promus... Car depuis qu'il ne boit plus de sang, Valvatorez raffole des sardines, un aliment aux bienfaits nutritionnels méconnus et absolument remarquables qui... Oui ! Valvatorez adore les sardines. Malheureusement, le jour de l'examen, ses prinnies se font kidnapper... Ulcéré à l'idéé de ne pas pouvoir tenir sa promesse, Valvatorez décide d'aller délivrer ses recrues et de faire passer un sale moment aux responsables. Il va alors découvrir que cet enlèvement n'est que la partie visible d'un plan beaucoup plus large, visant à éradiquer les prinnies, et dans lequel le gouvernement semble impliqué ! Mais qu'importe, même s'il faut renverser le régime en place et lutter contre les armées de l'enfer, une promesse est une promesse et les prinnies auront leurs sardines ! C'est dans cette ambiance complètement loufoque et délicieuse que vous aller faire vos premières armes et découvrir les mécanismes d'un des TRPG les plus pointus qui soit.
En deux temps et mille mouvements
Le contexte de cette aventure est bien différent de celui du précédent. Pour faire court, disons que l'univers de la politique remplace celui du lycée de l'épisode précédent, mais que l'architecture du jeu reste identique. Les principaux mécanismes ne changent pas dans le fond, juste dans la forme. L'aventure se découpe en deux temps : les combats d'un côté et les phases d'achats et d'évolutions diverses de l'autre. En gros, vous évoluez dans un village proposant tous les types de commerces et une entrée vers les donjons, accessible à tout moment. Il s'agit d'un Tactical RPG, vous combattez donc des troupes ennemies sur des terrains découpés en cases, au tour par tour. La particularité de Disgaea est de proposer un système de déplacements d'une grande souplesse, permettant par exemple à un même perso d'aller soutenir plusieurs équipiers lors d'un même tour ou de revenir sur un mouvement mal calculé. La règle d'or : tant qu'un combattant n'a pas exécuté une action principale, comme attaquer ou défendre, il reste disponible et peut être trimballé à droite ou à gauche, en fonction de votre stratégie.
La grande classe
Pour vous défaire des ennemis présents sur chaque carte vous devrez utiliser les compétences de vos personnages, différentes en fonction de leur classe. Ainsi, vous commencerez avec des magiciens et des guerriers pour des combats relativement simples et destinés à vous apprendre les notions de sorts à distance des magiciens et d'attaques rapprochées des guerriers, les deux grandes "tendances". Ensuite cela va se nuancer avec la possibilité pour chaque classe de personnage d'utiliser plusieurs armes. Prenons le guerrier par exemple. S'il est équipé d'une épée, il ne pourra attaquer que les ennemis se trouvant sur les cases adjacentes à la sienne. S'il utilise une lance, il pourra attaquer à deux cases de distance et ainsi éviter toute possibilité de contre-attaque par un personnage n'ayant pas une arme de cette allonge. Un principe qui permet de varier les rôles et le champs d'action des combattants, au sein d'une même classe. Par la suite, vous apprendrez à utiliser et à développer des techniques spéciales, à réaliser des combos, puis à équiper des maléfices, qui confèrent divers bonus d'état. Vous verrez apparaître de nouvelles classes de personnages plus puissantes ou hybrides et pourrez même apprivoiser des monstres, les transformer en arme, les faire fusionner (petite nouveauté) et j'en passe... Tout cela pour constituer une armée aussi éclectique qu'efficace et parée pour toutes les situations. Car comme vous vous en doutez, chaque classe a ses avantages et ses inconvénients, la clef du succès résidant dans un bon équilibre des forces en présence.
United Colors of Disgaea
Si le système de combat se résumait à cela, il serait encore très classique, mais Disgaea 4 va beaucoup, beaucoup plus loin... Lors de certains combats, pour ne pas dire la plupart, vous remarquerez que les cases du terrain apparaissent d'une certaine couleur. Cela implique qu'elles sont affectées par des géo-effets, qui peuvent par exemple empêcher les attaques à distance ou l'utilisation de soins, améliorer la défense de l'ennemi ou son attaque, voire carrément interdire tout déplacement. Ces effets sont produits par des géoblocs, de la même couleur que les cases qu'ils affectent. Mais attention : tous ces blocs ne sont pas néfastes. L'astuce consiste à changer la couleur des cases et donc leur effet, à votre avantage, en déplaçant et en brisant ces géoblocs. Ceci en gardant à l'esprit que tout perso se trouvant sur une case changeant de couleur recevra des dégâts. Notez que cet effet s'applique aussi aux autres géoblocs, qui s'ils sont détruits changeront à leur tour les couleurs des cases et infligeront de nouveaux dommages aux combattants concernés. Dans ce cas, les cases conserveront, au final, l'effet du dernier géo-bloc détruit. En plus de ces variations diverses, il faudra bien entendu prendre en compte la nature du terrain et son relief pour mener à bien vos assauts. Chaque bataille est ainsi élaborée selon une architecture complexe qui peut faire durer un combat une heure... Ou deux minutes, si on trouve le truc. Ainsi, dès le déploiement des personnages sur la carte, on se creuse la tête, on calcule sur plusieurs tours, on essaie d'anticiper les mouvements adverses, on rate, puis on change d'approche, de tactique... La difficulté des combats dépasse la seule présence des ennemis. C'est vraiment de la stratégie pure et dure et il arrive parfois que l'on se sente découragé devant l'apparente difficulté de certaines cartes. Mais le plaisir n'en est que plus grand lorsqu'on trouve la faille et que l'on voit les ennemis morfler sous les effets des changements de couleur d'une "géotactique" bien élaborée !
C'est la révolution, dooood !
Entre deux combats, il sera bien sûr important de passer à la clinique pour soigner les blessés ou ressusciter les morts, puis faire le tour des magasins pour acheter de nouvelles armes ou dépenser les points d'expérience gagnés au combat dans de nouvelles compétences. Ces pérégrinations n'entraineront pas de temps mort pour autant, car là encore il faudra bien étudier les différentes options disponibles et choisir les plus efficaces ou visiter plusieurs fois un même magasin pour y trouver dans son stock aléatoire, l'arme ou l'objet convoité. Mais plus important encore, il faudra faire un tour dans votre incontournable QG électoral. En effet, puisque Valvatorez veut destituer le gouvernement en place, il doit créer le sien. Le QG se présente comme un échiquier dont les cases sont des provinces. A chaque nouvelle bataille du scénario terminée, vous débloquez une nouvelle province sur laquelle vous pouvez placer l'un de vos personnages, qui en sera alors nommé gouverneur. Cela aura pour effet de renforcer l'affinité entre gouverneurs de régions mitoyennes et ainsi améliorer leurs chances de réaliser des attaques en équipe ou des combos lors des combats. En plus des combattants, vous pouvez placer des bâtiments qui confèrent des bonus spéciaux aux cases adjacentes et aux persos qui s'y trouvent. En disposant persos et bâtiments avec discernement, vous pourrez additionner les effets et créer des groupes de combattants solidaires et diablement efficaces.
Votez pour moi !
Une fois ces gouverneurs en place, vous pourrez faire appel à eux pour créer de nouveaux personnages et même réincarner vos combattants dans une classe supérieure ou différente, ceci moyennant une partie de ses points d'expérience. Plus important encore, vous devrez solliciter ces gouverneurs pour faire passer des décrets auprès de l'Assemblée Infernale. Qu'il s'agisse d'améliorer la qualité des objets disponibles en magasin, d'obtenir de nouveaux bâtiments ou de faire voter de nouvelles lois, il faudra l'approbation de l'Assemblée. Pour cela, vous devrez demander à ouvrir une session de votes lors de laquelle vous pourrez soudoyer les gouverneurs réfractaires en leur offrant divers pots de vin ou en les défiant carrément au combat. Plus tard vous aurez la possibilité de créer votre Cabinet Sinistériel dans lequel vous pourrez placer un nombre croissant de sinistres qui gagneront des bonus divers. Par exemple, le Sinistre de l'Education gagnera un bonus d'évolution tandis que le Sinistre de l'Extérieur vous permettra de vous infiltrer, on line, lors d'assemblées d'autres joueurs, pour y glaner quelques pots de vins ! Un système vraiment très bien pensé qui donne lieu à des séquences vraiment amusantes. Pour ne rien gâcher, le ton est assez juste, satirique et pas forcément plus sordide que dans la réalité... Surtout par les temps qui courent (mais ne gâchons pas la fête, on est là pour s'amuser !).
Un jeu dans le jeu
Dernière particularité de Disgaea et non des moindres, chaque objet que vous achetez ou récupérez recèle un donjon dont le nombre de niveaux est fonction de la rareté de ce même objet. Ainsi certains peuvent contenir jusqu'à cent batailles aléatoires. Dans ces donjons vous pourrez bien entendu faire du leveling à loisir, mais aussi améliorer l'objet en question. Pour cela vous devrez trouver les habitants, prisonniers de l'objet, au hasard des combats, et les rallier à votre cause. Mais attention : des sentinelles très puissantes veillent et peuvent intervenir à tout moment. Sachant que votre progression dans l'objet n'est validée que tous les dix niveaux, un accident peut vite arriver. En plus de ces sentinelles, vous pourrez croiser des pirates, eux aussi plus costauds que les ennemis habituels. En vous débarrassant d'eux, vous récupérerez des pièces de bateaux qui vous permettront de créer vos propres navires pour vous lancer dans la contre-piraterie. Vous pourrez alors, à votre tour, envahir le monde des objets d'autres joueur via le PSN !
Ce quatrième opus est sans aucun doute le plus abouti de la série, tant au niveau des thèmes abordés et du déroulement de l'histoire que de la complexité et de la richesse de son système de jeu. Son côté satirique et décalé doublé de l'ambiance manga, soulignés par de très bons dialogues, apportent une touche fraîche et contemporaine vraiment très plaisante. Soulignons également que la VF rend honneur au titre et à son langage très particulier, grâce a une adaptation fine. Pas de reproches sur le fond en somme, ce jeu en a vraiment sous le pied ! Niveau esthétique en revanche, si l'on apprécie le passage des graphismes en HD, on se dit que les développeurs auraient pu refaire complètement les animations de combats, qui sont, au mieux, kitch, au pire, très vilaines... L'aspect général est plus proche d'un joli lissage que d'une refonte. C'est dommage, car on aurait aimé avoir enfin des persos un peu plus distinctifs et travaillés, des combats plus dynamiques. Cela aurait peut-être permis au titre de se refaire une image et de s'ancrer plus solidement sur cette génération de consoles... Ceci dit, vous l'aurez compris, si vous aimez les RPG Tactiques, vous ne trouverez pas mieux en ce moment. Entre le scénario principal, le monde des objets, la contre-piraterie et la possibilité de créer vos propres niveaux, Disgaea 4 offre une durée de vie quasi-illimitée. Un excellent investissement en ces temps difficiles !