Dix ans, c'est le temps que Bungie et Activision pensent pouvoir faire vivre cette saga sur nos consoles. Personnellement, j'ai dix-sept ans d'expérience dans ce milieu et seul World of Warcraft est parvenu à réaliser cette prouesse. Et encore, il commence à galérer un peu... Alors soyons clairs : en l'état, Destiny n'en a pas l'étoffe, même si, vous allez le voir, il est indéniablement une bonne base pour un FPS futuriste grand public, nappé de notions de MMO, de RPG et de coopération.

Le MMO lui va si bien ? Pas seulement...

Ca devait être une révolution, ce n'est finalement qu'un mélange un peu étrange. Vous le comprendrez très vite, on retrouve dans Destiny du Halo, du Killzone et même du Battlefield dans le gameplay, du WipEout pour les déplacements en speeder, du World of Warcraft pour les donjons à refaire sans cesse, du Borderlands pour le pseudo monde ouvert, du Mass Effect et du Star Wars pour le look et finalement du Diablo pour la course aux loots, ces équipements qui vous font monter en puissance et qui sont censés vous ramener sur le jeu en permanence. Autant dire qu'avec des inspirations aussi nombreuses, Destiny aurait pu manquer de caractère... Heureusement c'est tout le contraire !

La claque

Vous l'avez vu par vous-mêmes sur les trailers et autres vidéos Destiny est une claque visuelle en tout point. Une leçon même. Rarement un titre n'aura profité d'une direction artistique aussi léchée et travaillée. Entre Mass Effect et Halo, le rendu visuel, avec ses jeux de couleurs riches et subtils, vous en mettra plein la vue. Vous pouvez en être certain, vous vous arrêterez souvent pour contempler le paysage. Et ça tombe bien que l'on parle de ça, puisque si Destiny est très (très) beau, il ne propose que trois planète à explorer (Terre, Mars et Venus), la Lune à ratisser aussi et une autre zone dont nous ne parlerons pas pour ne pas spoiler... C'est extrêmement léger. D'autant que ces planètes se résument à des zones (petites sur une carte mais de taille conséquente en jeu) finalement plus cloisonnées qu'ouvertes. Essayerait-on de nous duper ? Où est ce monde ouvert gigantesque, cohérent, avec son système solaire tout entier à explorer ? Je vous arrête de suite : il n'est pas (encore ?) là : trois planètes, un astre et c'est tout pour le moment. Mais au moins, vos yeux vont pleurer de bonheur !

E.T.

Passons sur une histoire qui s'avère sans réelle consistance, qui ne décolle jamais et se termine en eau de boudin aux alentours du niveau 18, pour nous concentrer sur ce qu'il y a faire dans Destiny. Sortez vos armes, prêts ? Tirez ! Voilà, c'est ainsi que l'on peut résumer. Alors rassurez-vous, le gameplay ultra jouissif, confortable et très tolérant de Bungie fait mouche, pour des combats vraiment amusants. Sur le fond en revanche, ça coince rapidement puisque les ennemis sont récurrents, les mécaniques (boss et adversaires) toujours les mêmes (on concentre les tirs dans la tête, les pattes ou le ventre) et surtout que les vagues d'extra-terrestres belliqueux reviennent sans cesse, surtout pendant les combats de boss, rendant l'expérience pénible à la longue. Et pour couronner le tout, certains monstres sont de véritables sacs, gavés d'une santé qui n'en finit plus, à tel point que plusieurs affrontements, censés être épiques pendant la campagne, fatiguent... En effet, plusieurs batailles durent jusqu'à 20 minutes pour faire tomber un simple boss ! 20 minutes au cours desquelles on évitera les attaques spéciales de la bête, ressuscitera ses comparses tombés au combat, et pendant lesquelles on tentera, à coups de retry, de gérer les vagues de mobs qui arrivent par dizaines. Au milieu de cette guerre, il faudra faire descendre la barre de vie du boss, sans forcément monter de stratégie mis à part concentrer les tirs des trois joueurs au même endroit et se séparer pour éviter de tous mourir bêtement sous un coup de roquette. Je dois le reconnaitre, j'aime le gameplay de Destiny, mais certains combats, notamment à haut niveau, m'ont fatigué, pour ne pas dire lassé.

RPG, vraiment ?

Personnellement je pense que le RPG est un genre extrêmement exigeant, au point que le mélanger avec un autre est forcément une affaire risquée. Dans Destiny, il s'agit d'une petite couche, pour varier les plaisirs sur les trois classes proposées. Le Titan sera l'homme des corps à corps ou le défenseur, le Chasseur l'attaquant furtif ou le tireur à distance, et l'Arcaniste jouera sur les éléments pour faire plus de dégâts. Si l'on retrouve bien deux arbres de compétences (dont certaines au choix) par classe, ainsi qu'une certaine synergie entre les pouvoirs choisis, les armes sélectionnées (elles sont toutes utilisables, quelle que soit votre classe), ses équipements et les pouvoirs des joueurs, précisons que cela ne va pas loin. On se protège mutuellement, on frappe l'ennemi au bon endroit, on utilise la bonne grenade au bon moment et puis c'est tout. Alors si gérer les vagues déferlantes d'ennemis est un art à un certain niveau, ne vous attendez pas à jouer au FPS le plus subtil du monde non plus, vous êtes là pour vous défouler.

I.A faiblarde

Côté intelligence artificielle, là aussi Destiny promettait monts et merveilles après une Alpha et une Bêta généreuses. Finalement, l'intelligence des ennemis se limite à des routines bien placées. Ils ont l'avantage, ils vous traquent grossièrement, puis le vent tourne et ils reculent, tentent de se planquer, sans pour autant oublier de sortir la tête de leur cachette régulièrement pour vous offrir des headshots bien sentis. La supercherie fonctionne pendant quelques missions, mais finalement tous vos adversaires se ressemblent dans leurs actes, ainsi que dans leurs comportements. La difficulté est donc une affaire de nombre et de points de vie... Vous le saurez désormais.

Effet Macdo : sur la pub, tu salives, mais en vrai...

Le manque de variété, c'est bien là tout le problème de Destiny. Tous les jalons sont posés, de l'univers superbe au gameplay efficace, en passant par l'architecture des zones, certains boss fight qui sortent du lot, les spécialités des classes, la course aux loots qui peuvent permettre de trouver un style de jeu à soi, etc. Le FPS de Bungie a tout ce qu'il faut, mais il laisse malheureusement un goût d'inachevé une fois le niveau 20 atteint, marquant la fin de la montée en expérience et le début du jeu à haut niveau. Rassurez-vous, on peut aller jusqu'au niveau 30 grâce à l'équipement récolté, mais malheureusement les activités proposées sont extrêmement redondantes. On refera ainsi, en boucle, les missions importantes de l'histoire, des assauts spéciaux, taillés pour la coopération à trois joueurs, ainsi que des raids (qui n'arrivent que le 16 septembre prochain et dont nous ne savons rien si ce n'est que vous n'aurez aucune aide). Car précisons le, Destiny est un jeu fait pour les joueurs "casual". En effet, on vous tient par la main tout au long de la montée de niveau et l'arrivée de ces raids sans aide sera donc la bienvenue. Mais quoiqu'il en soit, on refait constamment la même chose : on traverse les mêmes missions dans les mêmes environnements, à des niveaux de difficultés modifiés. La répétitivité et parfois même l'ennui sont alors de mise, puisque les missions, assauts, adversaires et décors sont finalement peu nombreux pour un jeu qui s'affiche comme un "FPS MMO".

Je vais te casser la tronche, ça va me changer !

Vous l'aurez compris, Destiny se joue en groupe de trois joueurs de manière générale (mode histoire et assauts spéciaux) ou à six en raid et en PvE (joueurs contre l'environnement). Ce découpage est aussi valable en PvP (joueurs contre joueurs) avec du Team Deathmatch (3v3 ou 6v6), du chacun pour soi (1V5) et du contrôle de drapeaux (à douze). Là encore, la révolution tant attendue n'est pas au rendez-vous, même si je dois bien reconnaître que la vitesse extrêmement élevée du jeu nous implique dans des joutes musclées, dynamiques et vraiment jouissives, surtout entre amis ! Mention spéciale au radar qui indique de quelle direction viennent les bruits (armes ou pas) adverses pour monter diverses stratégies et anticiper les rencontres sur un peu plus d'une demi-douzaines de cartes très bien construites. Malheureusement, le pouvoir spécial de chacune des classes (un par arbre de compétence) équivaut à une attaque ultime, obtenue à force de combattre et qui fait beaucoup trop le ménage. Du coup, un joueur qui aura son attaque ultime prête a être lancée aura forcément l'ascendant sur celui qui ne l'a pas (ou ceux qui ne l'ont pas) et les joutes paraîtront déséquilibrés, d'autant que les joueurs se croisent très, très souvent sur les cartes, au point que les kills opportunistes sont légions. En effet, nombre de fois vous serez achevés par un adversaire qui passait par là, après un duel éprouvant auquel vous avez survécu de justesse. Ne vous énervez pas : c'est pareil pour tout le monde. De toute façon, le gameplay est tellement tolérant avec sa visée assistée qu'il ne s'agit pas vraiment d'une affaire de talent (sauf peut-être dans les déplacements), mais plutôt de faculté à être présent au bon endroit au bon moment.

Le côté obscur de la Force

Après quelques heures de jeu, il y a pourtant de quoi tomber sous le charme de Destiny. En effet, les promesses sont belles : réalisation superbe, animation toujours impeccable, direction artistique époustouflante et parfaitement maitrisée, gameplay hyper confortable, histoire apparemment prometteuse, montée en puissance jouissive... Mais la montée de niveaux, redondante, tant dans la forme que le fond, déçoit. Puis une fois à haut niveau, entre 20 et 30, on passe son temps à refaire les mêmes missions en boucle ou à se canarder dans un mode PvP fun mais ultra classique, ceci dans le but d'obtenir (ou d'acheter) des équipements plus puissants. Ensuite on refait les mêmes missions dans un mode de difficulté plus élevé... La dynamique n'est pas bonne, la répétitivité de l'action absolue et le manque de variété risque de méchamment décevoir les joueurs. Reste alors les DLC à venir, pour étoffer ce monde, mais le porte-monnaie pourrait prendre cher à la longue, non ? Heureusement, les raids, dont on ne connait rien du contenu, arrivent sous peu... Mais s'ils sont bâtis sur le même modèle que le reste, il y a peut-être de quoi s'inquiéter.

Il paraît qu'on ne peut pas échapper à son destin... Si c'est vraiment le cas, celui de Destiny est-il déjà scellé ? Heureusement pour lui, il s'agit d'un titre amené à évoluer, et il est prometteur. En effet, les bases sont là, reste maintenant à trouver la bonne formule pour ne pas lasser les joueurs et faire disparaitre ce sentiment de coquille superbe et alléchante, mais désespérément creuse. Alors espérons que Bungie et Activision sauront rester raisonnables en proposant, comme dans un vrai MMO, des patchs conséquents et gratuits, et des extensions payantes une fois ou deux par an... Parce qu'en l'état, dix ans, ça va être long. Mais la vraie question, et je ne doute pas que vous l'aurez compris, est la suivante : Destiny est-il un vrai "MMO FPS" à l'écoute de ses fans, ou une simple cash machine à DLC aux prix exorbitants ? Ça, seuls l'éditeur et le développeur le savent aujourd'hui.