Constitué d'une petite poignée de personnes, le studio anglais Brave At Night fait paraître sa toute première production en mars dernier sur Steam. Intitulé Yes, Your Grace, le titre se présente comme un jeu de gestion tout de pixels vêtu et dans lequel chacun de vos choix aura une incidence directe sur la survie de votre royaume.
Souverain de Davern, le roi Eryk doit tout à la fois administrer son royaume, donner satisfaction à ses sujets et gérer ses trois turbulentes mais adorables filles. Et voilà qu'un certain Beyran, roi brigand à la tête d'une armée de milliers d'hommes, s'apprête à envahir le royaume pour réclamer ce qu'il estime être son dû : la main de Lorsulia, aînée du roi Eryk.
Le discours d'un roi
L'intégralité de l'aventure se déroule entre les murs du château de Grevno. Le roi Eryk, incarné par le joueur, peut circuler entre les différentes sections du château : la salle du trône, les jardins, le donjon... Les environnements du jeu sont dans l'ensemble limités, se cantonnant à une dizaine de tableaux avec assez peu d'interaction. Ils n'en demeurent pas moins jolis et colorés, même s'il faut apprécier ce style visuel très pixelisé. De chouettes compositions musicales accompagnent les déambulations de notre souverain dans le domaine quand bien même cela finit forcément par tourner un peu en boucle.
Car il s'agit avant tout d'un jeu de gestion à tendance narrative : le joueur passera le plus clair de son temps à calculer les ressources du royaume et à dialoguer avec les personnages. Le temps de jeu est ainsi découpé en semaines, que le joueur pourra passer une fois que tous les entretiens principaux se seront déroulés. Chaque semaine débute dans la salle du trône et, une fois qu'il en sort, le joueur accède à une représentation du château lui permettant d'en rejoindre les sections ainsi que les personnages qui s'y trouvent. De petites icônes sur la carte lui indiquent si un dialogue est optionnel (icône verte) ou au contraire obligatoire (icône bleue) pour pouvoir passer à la semaine suivante.
C'est à quel sujet ?
Avant toute chose, il incombe au roi Eryk d'écouter les doléances de son peuple. Au début de chaque semaine, une file de solliciteurs se constitue dans la salle du trône. Chacun de ces pétitionnaires vous fera part de son embarras (fils disparu, auberge pillée par des barbares, maladie qui ronge un village...), à la suite de quoi vous devrez accéder ou non à leur requête. Le roi ne pourra satisfaire tout le monde car il dispose de ressources limitées. Celles-ci se divisent en plusieurs catégories : l'or et les provisions d'une part, les forces armées et le taux de satisfaction du peuple d'autre part. Chaque requête implique de dépenser un peu d'or ou de provisions (ou d'envoyer un homme de main comme on verra plus bas), sachant que si ces deux ressources venaient à manquer, ce serait le game over assuré.
Le joueur devra être attentif à la nature de la demande car les ressources s'épuisent à vitesse grand V. Par ailleurs, si vous faîtes preuve d'un peu trop de générosité, certains n'hésiteront pas par la suite à inventer des bobards pour vous soutirer quelques piécettes : à vous de séparer le bon grain de l'ivraie dans les récits que vous font les pétitionnaires. A noter que si la localisation est correcte dans l'ensemble, il y a tout de même quelques loupés, avec des répliques non traduites ou carrément incomplètes. L'intégralité des répliques de Yes, Your Grace est d'ailleurs "doublée", mais seulement par des sortes de borborygmes rendant compte de l'état d'esprit du locuteur.
(I Can't Get No) Satisfaction
Si vous aidez un pétitionnaire honnête, le taux de satisfaction général augmentera, ce qui vous permettra de percevoir davantage d'impôts. A la fin de la semaine, un récapitulatif des dépenses et des gains engrangés est proposé sous la forme d'un tableau. Avant de passer à la semaine suivante, le joueur pourra décider de dépenser son or ou ses provisions pour préparer les batailles futures, renforcer les défenses du château ou bien faire appel à ses hommes de main pour les jours à venir. Ces derniers sont au nombre de trois : le général, la sorcière et le chasseur, et se débloquent au fil de l'aventure. Ils peuvent servir à régler les problèmes des pétitionnaires ou bien à prospecter dans les villages du royaume à la recherche de ressources ou d'objets spécifiques nécessaires à l'accomplissement d'objectifs secondaires.
Attention toutefois : si le taux de satisfaction arrive à zéro, la révolte grondera et vous serez obligé de dilapider une bonne partie de vos ressources pour apaiser la colère du peuple. C'est un vrai jeu d'équilibriste auquel le joueur s'adonne, d'autant que le titre nous donne bien souvent l'impression que les ressources ne vont pas tarder à manquer. Prenez soin malgré tout de ne pas refuser trop souvent de venir en aide à vos sujets car ils pourraient bien vous rendre la pareille par la suite...
Un homme plein de ressources
Au-delà de ce morcellement en cinquante semaines, le titre se divise en deux parties distinctes, chacune s'achevant par une bataille décisive. Le roi doit préparer ces dernières et le jeu prend un malin plaisir à faire monter la tension, entre les commentaires alarmants de votre conseiller Audry et les ressources qui ne cessent de s'épuiser tandis que votre armée est loin d'être prête. Malheureusement, cela retombe un peu comme un soufflé au moment fatidique, la faute à une mise en scène très minimaliste et elliptique lors des batailles. De plus, si le joueur a dû s'escrimer à faire tenir la baraque auparavant, on a la vague impression que le jeu lui rend la vie facile lorsqu'elles se déroulent et qu'il fallait vraiment saboter sa partie pour ne pas y être préparé.
La notion de choix reste malgré tout primordiale dans le jeu, d'autant qu'elle concerne également la trame narrative elle-même. Le roi Eryk sera régulièrement soumis à des dilemmes impliquant généralement la survie du royaume et le bonheur de sa femme et de ses filles. Les scènes de dialogue entre le roi et ses dernières sont touchantes et c'est un crève-coeur que d'aller à l'encontre de leur épanouissement, en favorisant par exemple des alliances militaires. Promettre la main de sa fille à un puissant seigneur voisin octroiera au roi un appui conséquent lors de la bataille à venir, mais la pauvrette ne vous le pardonnera sans doute jamais. A l'issue des sept-huit heures nécessaires pour finir le jeu, le sort des personnages principaux vous est résumé, chacun étant la conséquence de vos choix au cours de l'aventure.