Lors de la Gamescom de Cologne, entre deux bretzels, Julo avait pu voir Where The Water Tastes Like Wine. Comme on le voit dans sa vidéo, il n'avait certes pas tout compris (il faut dire qu'il est assez idiot)*, mais ce qui lui avait été donné de voir l'avait suffisamment intrigué pour titiller sa curiosité...
Il faut dire que sur le papier, il avait de bonnes raisons d'être emballé le père Julo. En effet, Where the Water Tastes Like Wine (WtWTLW pour faire plus simple) est le nouveau projet de Johnnemann Nordhagen. Le même qui s'était fait connaître en tant que programmeur de Gone Home, un titre qui - que l'on aime ou pas - était indéniablement original dans son gameplay, mais surtout dans son mode de narration, permettant de mettre en lumière ce qui deviendra le "walking-simulator". Ici, son postulat de départ (raconter un pan de l'Histoire de l'Amérique à travers une multitude de récits) a lui aussi tout pour nous intriguer.
Bien qu'il soit complètement différent sur le principe et dans le déroulement linéaire des walking-simulator, WtWTLW reste un titre dans lequel le narratif prime sur le reste. L'histoire, ou plutôt les histoires, que l'on va nous raconter représentent en effet l'alpha et l'oméga du jeu.
Sur la route
L'aventure commence dans un bar où une bête partie de poker perdue face à un loup anthropomorphe (doublé par Sting soit dit en passant) amène une sorte de pacte du diable philosophique. Pour contenter le loup et rembourser notre dette, on nous somme ainsi d'arpenter les Etats-Unis d'est en ouest et de sud en nord en quête d'histoires, racontées par les personnes qui croisent notre chemin, pour les faire perdurer en les transmettant oralement aux quatre coins du pays. Avec une explication si flou, difficile de comprendre de but en blanc ce qui va en découler. Et c'est aussi le cas une fois le jeu entre les mains, étant donné qu'à part quelques indications basiques, il n'y pas de vraiment de tutoriel dans le jeu, ni de phase d'apprentissage. Dès le début, sans véritable explication, on a déjà à disposition l'intégralité des possibilités de gameplay sous les yeux, et cela n'évoluera plus, sans pour autant savoir réellement ce qu'on peut en faire dans l'immédiat, étant donné que l'apprentissage et la compréhension des mécaniques se feront petit à petit pendant les premières heures de jeu.
Raconte-moi une histoire
Ainsi, une fois que le loup nous lâche au nord-est des US (dans le Maine très exactement), on se retrouve dans la peau (façon de parler) d'un squelette avec pour seul effet un baluchon sur le dos. On se déplace ainsi librement, à pied, sur une carte 3D, à travers tous les états d'Amérique du Nord. Régulièrement on croisera sur notre route des personnes ou des lieux à fouiller qui nous raconteront une histoire. Toutes ces histoires, très courtes, tenant en à peine quelques phrases, retraceront diverses mésaventures en lien avec l'Histoire et/ou le folklore nord-américain de diverses époques allant de la Grande Dépression de années 30 au mouvement hippie des 60's. Joliment écrites et superbement illustrées, leurs sujets sont variés et peuvent aller de la petite histoire légère où l'on croise une fille avec ses chatons, au drame du père qui découvre son enfant décédé, en passant par le mysticisme d'un démon ailé. En tout, on compte un total de 219 récits que l'on pourra collecter à travers le pays. Au coeur de l'objectif principal de notre personnage, on trouve surtout 16 vagabonds, que l'on croisera en cours de route dans des campements. Chacun possédant sa propre histoire, il faudra, au cours de la nuit passée avec eux autour du feu, partager les histoires récoltées précédemment selon ce qu'ils ont envie d'entendre. Concrètement, si l'on nous demande une histoire drôle, triste, effrayante ou pleine d'espoir, il faudra piocher dans le tas d'aventures récoltées et trouver quelque chose qui corresponde à la demande du vagabond. Si l'on arrive à le contenter, on finira par boucler son histoire, qui viendra elle-même s'ajouter à la liste de celles que l'on possède déjà. Pour remplir le contrat imposé par le loup et donc finir le jeu, il faudra compléter la totalité de ces 16 histoires.
* (NDJulo : hummm... j'avais donc bien tout compris !)
Un road trip game
Il y a dans le déroulement et les sujets abordés du jeu un côté artistique indéniable, inspiré par la littérature américaine. On retrouve une ambiance à la Steinbeck décrivant les fantômes du passé de diverses époques des Etats-Unis, ainsi que des personnages qui semblent sorti d'Huckleberry Finn et du Kerouac, pour le côté road trip enrobé dans un surréalisme qui puise dans la « beat generation » en général. Il se dégage du jeu une certaine nostalgie, mais surtout la tristesse d'une fin d'époque et une exaltation de la transmission orale qui s'est perdue de nos jours.
Quand le vin tourne au vinaigre
Si l'idée et le fond du titre sont à saluer pour l'intelligence qui s'en dégage, pour sa part artistique et aussi philosophique, malheureusement la forme, la mise en pratique qui permet à toutes les pièces de s'emboiter, dessert le propos général du jeu. En cause tout d'abord, la rapide redondance des situations. Une fois que l'on a fait son premier tour des US et collecté un certain nombre d'histoires, on ne fait que répéter la même chose inlassablement pour récolter des récits qui finissent par se ressembler les uns aux autres et perdent la puissance de leur propos. À partir de ce moment, qui intervient somme toute rapidement, le titre perd sa magie et on ne pense plus qu'à faire avancer l'aventure en nous déplaçant d'un point A à un point B pour boucler au plus vite les histoires des 16 vagabonds. Autre gros problème : les déplacements de notre personnage sont très lents. On peut certes ponctuellement faire du stop sur les grands axes routiers (malheureusement en sens unique et pas spécialement efficaces) ou se déplacer de ville en ville en train, pour accélérer un peu nos déplacements, mais on passera malgré tout les trois quarts du temps de jeu à marcher à une allure de promenade, avec pour résultat un ennui profond qui s'installe, doublé d'une aversion pour les musiques qui accompagnent notre personnage. Ces dernières étaient pourtant réussies (illustrant elles-aussi les différents styles US allant du blues, au folk, en passant par la country), mais leur passage en boucle finit par taper sur le système. Toutes ces choses, ainsi que d'autres aspects plus légers tels qu'une carte supposée nous aider à nous retrouver mais qui n'est franchement pas lisible, viennent gâcher l'expérience de ce qui est aurait pu être une expérience narrative incontournable.