Avides d'Histoire, nous avons pu nous jeter comme la misère sur le pauvre monde sur le prochain gros wargame du studio Paradox Interactive : Victoria 3.
Depuis Crusader Kings 2 , le studio de développement et éditeur suédois Paradox Interactive a su s'ouvrir à une audience plus large. Car autrefois, ses jeux étaient réservés à une petite caste de joueurs PC ayant une passion commune pour la gestion de tableaux et de cartes. Paradox revient en cette fin de l'an de Grâce 2022 pour nous proposer la suite de son célèbre Victoria 2 datant de 2010. L'objectif est évidemment de moderniser la recette tout en proposant quelque chose de plus complet. Un pari réussi ? C'est ce que nous allons voir.
Victoria 3 : se plonger dans un nouveau monde
Si vous avez déjà quelques connaissances sur les jeux Paradox grâce à Crusader Kings 2 et 3, sachez que la plupart ne vous serviront à rien. En effet, Victoria 3 est un peu une plongée dans un nouveau monde dans lequel on tâtonne et l'on apprend avec de la persévérance et surtout de la ténacité. Comme toujours avec une production historique Paradox, on débute notre aventure en choisissant un pays. Victoria 3 ne déroge pas à la règle et vous propose un très large choix dans l'une des très nombreuses nations de 1836, date à laquelle débute cet épisode. Le jeu couvre dès lors une vaste période de 100 ans pour se terminer à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale, en 1936, point de départ de l'autre gros jeu de Paradox Interactive : Hearts of Iron IV. L'occasion de traiter du XIXe siècle dans tous ses aspects, qu'ils soient politiques, économiques ou sociaux. Et Dieu sait à quel point cette période est vaste, de la démocratisation de la machine à vapeur à la Guerre de Sécession en passant par les grèves de la faim des suffragettes, Paradox a voulu se montrer le plus exhaustif possible. Sans pour autant oublier que le modèle économique de ses wargames repose sur un système de DLC. Il faut donc accepter le fait que certaines notions du jeu puissent avoir le droit à un traitement moins égalitaire que d'autres car il est de toute façon impensable de pouvoir traiter de 100 ans d'Histoire de l'humanité d'une seule traite dans un jeu vidéo.
Un tutoriel salvateur et obligatoire pour votre bien
Une fois que vous avez choisi une nation à jouer, il s'agira d'en prendre la tête de 1836 à 1936, en croisant les doigts pour que celle-ci ne s'effondre pas économiquement, socialement ou militairement entre temps. Tout reposera exclusivement sur votre habilité à manœuvrer votre économie, les marchés de l'offre et de la demande, la politique intérieure et extérieure, la diplomatie et bien évidemment la guerre. C'est bien simple, c'est le jeu Paradox à l'heure actuelle qui réclame le plus de gestion de votre part, et de loin. Heureusement Paradox vous offre la possibilité de découvrir le jeu via un large tutoriel dans lequel vous pouvez jouer au choix : la Suède, la Belgique, le Chili ou la Colonie du Cap. Bien plus complet que les autres tutoriels des productions précédentes, celui-ci est obligatoire pour bien comprendre les bases du jeu au risque d'être perdu, voir pire, dégouté au bout d'une heure. Même avec celui-ci, on se retrouve à de nombreux moments à ne plus savoir quoi faire, et le titre vous force à explorer par vous-mêmes les différents onglets pour vous faire la main.
Un jeu complet et complexe
Malgré l'ajout de ce tutoriel salutaire, il faut bien admettre qu'il est très difficile de comprendre les bases de Victoria 3 en quelques heures et il est nécessaire d'attendre au minimum 5 heures de jeu avant de pouvoir commencer à faire évoluer notre nation de manière positive. Il sera d'ailleurs obligatoire de vous lancer dans une partie d'essai avant de rentrer dans quelque chose de plus sérieux.
Pour vous faciliter la vie, Paradox a voulu réaliser une sélection de pays recommandés via 3 grands groupes : la domination économique (USA, Grande-Bretagne, Brésil, Empire Ottoman), l'hégémonie (la Prusse, l'Espagne, le shogunat Japonais et l'Egypte) et les sociétés égalitaires (France, Russie, Chine de Qing, Mexique). Dans ce dernier groupe il s'agit avant tout de nations ayant eu au moins une grande révolution durant la période 1836-1936. Mais pas de panique, si votre choix se porte sur un autre pays comme l'Autriche, la Perse ou le Danemark, c'est aussi possible. Toutefois inutile de vous prévenir que jouer la chefferie Maasaï (Kenya) est bien plus complexe qu'une nation comme la France ou l'Empire Ottoman. Ceci s'explique par la taille de la population, le niveau de son armée, les technologies et bien d'autres choses. Mais si le jeu débute avec une base historique rien ne vous empêche par la suite de totalement changer le destin d'une nation. On peut par exemple imaginer les peuples zoulous s'unirent pour repousser le Royaume-Uni et bouter les tuniques rouges hors d'Afrique ou pourquoi pas la Prusse totalement détruire et décortiquer la République Française. Tout est à votre portée, et seule votre imagination est une réelle limite.
L'argent, le nerf de la guerre
Tout va dépendre de vos choix diplomatiques et économiques qui sont très nombreux. Au niveau de l'économie il est par exemple tout à fait possible de faire chuter un pays en réduisant au plus possible l'offre pour faire gonfler la demande. Si c'est un peu plus complexe sur les produits simples comme le bois qui est disponible un peu partout dans le monde, c'est une toute autre affaire pour l'acier. On peut par exemple imaginer faire du "chantage à l'acier" à l'Autriche avec la Suède qui regorge de cette ressource dans son sous-sol. Inversement la France et l'Angleterre peuvent décider de couper l'exportation des produits de luxe à certains pays, créant ainsi des mécontentements chez les élites. Le marché mondial fonctionne sur un système de routes commerciales d'importations et d'exportations. Lui même est conditionné par le nombre de convois que vous avez dans votre pays (convois maritimes ou terrestres).
L'autre moyen de gagner de l'argent est par la gestion du budget de l'Etat. Chaque région rapporte en impôts et certaines peuvent devenir déficitaires en cas de guerre. En début de partie avec la France par exemple, la Normandie est une région très riche qui apporte beaucoup d'argent en impôts. C'est l'inverse pour l'Auvergne qui a une population beaucoup moins nombreuse (2,55 million contre 1,44 millions d'habitants). S'ajoute à cela les traités diplomatiques, suite à une guerre, qui peuvent apporter beaucoup d'argent (réparations de guerre) et enfin... la colonisation ! Un axe fondamental qui s'impose (hélas) comme une nécessité pour la majorité des pays d'Europe afin de devenir compétitif et de ne pas se faire avaler par le voisin.
La diplomatie et les conflits
Car très vite vous allez apprendre que votre voisin ne vous veut pas que du bien. S'il est possible de nouer des relations diplomatiques et des alliances, vous verrez que certains pays n'hésitent pas à mener un combat à mort à une autre nation. Naturellement c'est le cas entre la France et la Prusse avec un enchainement d'événements qui va avoir lieu en jeu et qui reprend évidemment des événements réels de l'Histoire de l'Europe (et du monde). Cela se symbolise par l'apparition d'un pop-up avec une explication historique à la clé. Décidemment, ce Victoria 3 est très complet. C'est sa force et peut être aussi sa faiblesse car parfois c'est un peu une usine à gaz avant de comprendre ce qui est en train de se dérouler devant nos yeux. Quoiqu'il en soi, il faut bien admettre qu'un gros travail a été réalisé pour rendre le jeu agréable au tout venant avec une direction artistique assez fabuleuse, notamment une carte du monde plus belle que jamais et qui fourmille de détails. Elle est d'autant plus épatante qu'elle évolue avec les années et qu'elle réagit aux décisions des joueurs. C'est le cas par exemple avec la construction de la Tour Eiffel à Paris. Enfin, quelques lignes pour parler de la musique et plus généralement de la gestion sonore de ce Victoria 3 qui est un véritable délice audio. Entre les thèmes musicaux et les différentes atmosphères qui s'offrent à nous, c'est un petit plaisir auditif qu'il est difficile de bouder. Cela renforce l'envie de naviguer sur la carte pour voir ce que font nos voisins.