Si d'aucuns qualifiaient autrefois de walking simulators certains titres comme Gone Home ou encore Everybody's Gone to the Rapture, le genre a depuis gagné ses galons, grâce principalement à la scène indé : The Vanishinf of Ethan Carter, Firewatch, What Remains of Edith Finch et j'en passe. Ayant déjà un bon pied dans l'édition de jeux à dominante narrative, Daedalic Entertainment nous invite cette fois à parcourir un vieil hôtel à l'abandon et qui regorge de secrets dans The Suicide of Rachel Foster, du studio romain ONE-O-ONE Games.
Après avoir assisté à l'enterrement de sa mère, Nicole Wilson doit se rendre au Timberline, hôtel familial perché dans les montagnes du Montana, afin de finaliser les démarches administratives nécessaires à sa mise en vente. Une fois sur place, elle est contrainte d'y séjourner car une tempête de neige historique balaye la région et l'empêche de quitter les lieux...
Hotel Montana
Quiconque aura lu le Shining de Stephen King ne pourra s'empêcher de penser au destin de la famille Torrance, prisonnière de l'hôtel Overlook dans les mêmes circonstances. Mais les références au chef-d'oeuvre du maître de l'horreur ne s'arrêtent pas là : y sont mentionnés dans le jeu un personnage nommé Danny, une pièce appelée Overlook, le bourdonnement d'abeilles et même la crainte de mourir de froid ou de voir l'hôtel exploser, double-clin d'oeil aux fins divergentes entre l'adaptation de Kubrick et le livre.
La principale qualité du titre tient à son atmosphère, pesante tout au long des trois heures nécessaires pour clore l'aventure. Le titre joue essentiellement sur ce que l'on croit voir ou ce que l'on a l'impression d'entendre, sans jamais céder à la facilité d'un jump scare outrancier. Injonction nous est d'ailleurs faite de jouer au casque, pour une meilleure immersion : le travail effectué sur les bruitages et le sound design en général est très subtil et nous plonge dans une angoisse permanente. Pour vous dire, il m'est arrivé de me retourner plusieurs fois, IRL, car je n'étais pas certain que le son mat qu'il me semblait avoir entendu provenait du jeu. Techniquement, le jeu n'est pas irréprochable, avec quelques textures flottantes ou bugs sonores, mais rien d'entravant pour l'immersion.
Just in Timberline
The Suicide of Rachel Foster s'inscrit vraiment dans la lignée d'un Firewatch : un personnage isolé du reste du monde, guidé au téléphone par un unique interlocuteur, ici Irving, un agent de la FEMA (organisme américain pour les secours d'urgence). Et de la même façon que le jeu de Campo Santo, les dialogues bénéficient d'une écriture mature et d'une interprétation toute en nuance de la part des comédiens de doublage. L'intrigue se dévoile au fur et à mesure de leurs conversations à distance et des découvertes que fait Nicole au gré de ses pérégrinations dans l'hôtel, intimement liées au destin tragique de Rachel Foster une dizaine d'années auparavant. On en apprend aussi davantage sur leurs passés respectifs et si certaines révélations peuvent paraître prévisibles, l'ensemble se laisse suivre sans déplaisir.
J'évoquais au début de ce test le qualificatif peu reluisant de walking simulator , mais il est vrai que l'on pourra reprocher au jeu de nous mettre dans la peau d'un personnage particulièrement lent dans ses déplacements. On aimerait pouvoir prendre nos jambes à notre cou mais il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas d'un survival horror mais bien d'un jeu d'aventure narrative : pas d'armes à portée de main, seulement trois objets utiles parmi lesquels un microphone nous permettant de distinguer certains sons autrement inaudibles... Leur utilisation est vue principalement à des fins de mise en scène, toujours dans l'optique de flanquer la frousse aux joueurs, mais ils ne sont que trop peu exploités. L'essentiel du gameplay consiste en réalité à parcourir les moindres recoins de l'hôtel en se servant de la carte puis à contacter Irving pour faire progresser le jeu.