Après trois jeux sortis au rythme effréné d’un par an, c’est le moment pour Supermassive Games de conclure la saison 1 de The Dark Pictures Anthology avec l’ultime épisode The Devil in Me. Une histoire qui plaira sûrement aux accros des documentaires Netflix sur les tueurs en série.
Comme Man of Medan, Little of Hope ou House of Ashes, The Dark Pictures Anthology : The Devil in Me est un « film interactif » qui fait cependant évoluer sa formule. Pour le meilleur ou le pire ?
Je crois que nous avons affaire à un serial killer
Avec le succès des documentaires ou séries Netflix comme Dahmer ces dernières années, Supermassive Games ne pouvait pas rêver d’un meilleur timing pour sortir The Devil in Me. Comme tous ces programmes, le jeu s'intéresse à un serial killer - à prononcer avec l’accent de Serge Karamazov cela va de soi - et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit d’Henry Howard Holmes. Un monstre qui aurait commis deux cents meurtres, mais qui n’a été jugé que pour ceux qui ont été répertoriés (27), faisant de lui le premier tueur en série américain. Un assassin qui attirait et piégeait ses victimes dans son Hôtel de l’Exposition Universelle, surnommé également le Château des meurtres après tous les événements qui ont eu lieu, avant de s’adonner à un véritable jeu de massacre dans sa demeure construite sur-mesure pour ses pratiques morbides.
C’est dans une réplique de cette bâtisse, possédée par un riche homme, reclus et obsédé par H.H. Holmes du nom de Granthem Du’Met, qu’une équipe de documentalistes est invitée après avoir reçu un mystérieux appel. Un coup de fil providentiel qui pourrait bien leur permettre de sauver leur émission consacrée aux criminels les plus importants de l’histoire, dont les audiences fondent comme neige au soleil. Au bout, ce n’est pas une opportunité en or qui attend les reporters mais l’horreur la plus totale. The Dark Pictures, ou même Until Dawn pour citer une autre œuvre du studio, a en fait dans les clichés. Et si c’est parfois une faiblesse, c’est aussi l’une des plus grandes forces. C’est en partie pour cela que c’est divertissant et The Devil in Me ne déroge pas à la règle.
Bien que très classique, le scénario dans son ensemble fonctionne grâce à un antagoniste charismatique omniprésent qui épie les moindres faits et gestes des vidéastes pour mieux se lancer à leur poursuite et les étriper. Une sorte de boogeyman à la Michael Myers qui semble indestructible. L’est-il vraiment ? Si l’on note des problèmes de rythme, on apprécie quand même de retrouver une ambiance qui prend un peu plus de temps. Une bonne atmosphère entre Saw, The Collector et autres films du genre qui emprisonnent leurs proies dans une maison pour s’amuser avec.
Certains pourront peut-être déplorer l’abus trop facile de jumps scares à réveiller un mort, mais encore une fois, dans le cadre des productions Supermassive, ça ne nous choque pas tant que cela pour le coup. Même si ça tombe à l’eau 100% du temps. Non, on plaisante, on s’est fait avoir quasiment tout du long, y compris lors de passages ultra téléphonés. Merci les potards sonores qui sont poussés à fond pour être sûr de susciter des réactions. Le fait que le jeu soit davantage plongé dans l’obscurité que ses prédécesseurs participent aussi à ce climat horrifique.
The Devil in Me reproduit les mêmes erreurs
Si nous n’avons pas grand-chose à reprocher à l’ambiance, le reste est plus critiquable. Comme les autres jeux de l’anthologie, The Devil in Me souffre malheureusement de certains problèmes identiques. Les cinq personnages que l’on contrôle au fur et à mesure ne provoquent pas d’empathie et de ce fait, leur sort nous importe peu voire pas du tout en vérité. Et ce malgré la présence de Jessie Buckley (The Lost Daughter, Men…) qu’on ne peut pas vraiment tenir pour responsable du résultat décevant. Les vrais stars, et on insiste là-dessus, sont le tueur, la maison et les animatroniques flippants que l’on croise régulièrement.
Encore une fois, on a le droit à deux histoires d’amour différentes qui ne sont pas maîtrisées. L’écriture est ici à mettre en cause, clairement, mais l’autre problème est d’ordre technique. Pour un jeu très narratif, qui mise tout sur ses héros, la modélisation et les animations du visage ne sont pas suffisamment réalistes et crédibles, ce qui affecte directement le comportement des personnages. On a trop souvent des regards vides, robotiques qui ne nous permettent pas de ressentir quelque chose. Et c’est le même constat pour la synchronisation labiale qui n’est pas au niveau d’autres productions. Aussi, on s’étonne encore de voir des scènes, y compris d’action, interrompues brièvement par un écran noir, une icône et une barre de chargement. Peut-être un signe que pour la saison 2 de The Dark Pictures, il faut abandonner pour de bon la PS4 et la Xbox One et surtout travailler sur ce point pour ne plus briser l’immersion de la sorte.
Dans ce nouvel épisode, on a toujours des choix de dialogues ou d’action, guidés par le cœur ou la raison avec, à la fin, la mort ou la survie d’un membre ou de l’intégralité de l’équipe. Et ça peut aller très très vite. Sur un bête exercice de respiration, où il faut appuyer sur X au rythme des battements de notre cœur, on a perdu sans le vouloir un des personnages. À notre grand regret, on constate encore des réactions incohérentes, voire des absences de réactions, lors de décisions différentes. Cet épisode ne parvient pas à s’ajuster de manière fluide et cohérente. Concrètement, n’attendez pas du Detroit Become Human.
Des nouveautés de gameplay encore trop timides
À l’image d’House of Ashes, qui dépoussiérait un peu la formule, The Devil in Me tente des choses en incorporant plus de gameplay. Les personnages peuvent désormais courir, passer par-dessus un obstacle, grimper, s’accroupir, pousser des caisses pour les transformer en plateforme, voire jouer à l’équilibriste sur une planche au risque de mourir. Mais surtout, ils ont tous des outils qui permettent de progresser dans l’aventure et d’obtenir des documents scénaristiques essentiels pour la bonne compréhension de l’intrigue dans sa globalité.
Avec Erin, on peut utiliser un microphone pour entendre des cris et des pleurs en arpentant les couloirs de l’hôtel (notre moment préféré). L’améthyste de Kate lui redonne son calme dans une séquence particulièrement stressante pour elle et le joueur. Jamie se promène avec un multimètre pour rétablir le courant. L’occasion d’avoir un mini casse-tête très abordable où il faut réactiver dans un certain ordre pour ne pas faire à nouveau sauter les plombs. Ça part d’une très bonne intention, on n’en doute pas, mais pour l’instant, c’est sous-exploité. Et c’est peut-être le but recherché par Supermassive Games après tout, pour éviter d’affecter encore plus le rythme.