Une fois n'est pas coutume, Microsoft tenait a priori une sympathique exclusivité, qui plus est d'un genre qui - s'il n'est pas complètement tombé en désuétude - se fait de moins en moins présent dans le paysage vidéoludique actuel. Mais pour autant, Super Lucky's Tale mérite-t-il de délaisser les mastodontes de la plate-forme pour endosser ses habits de renard ? Rien n'est moins sûr...
Souvenez-vous, c'était il y a un an à peine : pour aider l'Oculus Rift à prendre son envol, le studio Playful proposait un jeu de plate-forme taillé pour la réalité virtuelle. Lucky's Tale, mettant en scène un joyeux renard, et sonnait alors comme un clin d'oeil à l'homme grâce à qui ce projet avait pu voir le jour : Palmer Luckey. Un peu plus d'un an après, voilà que la mascotte rousse revient déjà faire parler d'elle, sans accessoire cette fois. Et si l'expérience du premier épisode pouvait jouer sur la nouveauté du hardware qui l'hébergeait, que dire de cette suite qui va devoir assurer le show seule en scène ?
I should be so Lucky
Notre sympathique renard revient donc a priori en pleine forme pour proposer une aventure plus conventionnelle, puisque dépourvue de sa dimension de réalité virtuelle. A l'instar des standards de la plate-forme 3D dont il s'inspire sans rougir, Super Lucky's Tale ne s'embarrasse pas d'un scénario particulièrement élaboré, et ce n'est franchement pas ce qu'on lui demandait. On considérera donc le Livre des Âges trouvée par la soeur du jeune goupil comme un bon moyen de découper la progression en quatre chapitres et autant de mondes. Une progression classique mais efficace, puisqu'elle permet de radicalement changer d'environnement à chaque page tournée. Et si le jeu démarre plus que mollement, les niveaux proposés gagnent vite en complexité et en variété.
Et comme l'opposition zoologique fonctionne toujours bien dans les cartoons et autres productions colorées du genre, ce sont des vilains chats qu'il va falloir ici affronter, sbire après sbire, pour finalement remonter jusqu'au boss des Mistigris. Force est de constater que l'univers coloré fonctionne relativement bien, et plaira à coup sûr aux joueurs en quête d'une sympathique bouffée d'oxygène, ou à nos juvéniles têtes blondes. Bon, ça , c'est quand le jeu ne bugue pas complètement et coupe sans prévenir le son, ne laissant d'autre choix que de redémarrer la console...
Il flotte, Georgie
Et si le postulat de départ plaira sans doute à nos joyeux bambins, il n'est cependant pas particulièrement recommandé de les éveiller au genre roi des années 90 avec Super Lucky's Tale, sauf à vouloir les en détourner pour toujours. Car derrière ses tons colorés et sa bonne humeur inébranlable, notre joyeux renard s'avère d'une raideur que l'on retrouve plus volontiers du côté des aïeuls grabataires. Il ne faudra pas avoir eu bien longtemps en mains le jeu de Playful pour se rendre compte de la rigidité amidonnée qui caractérise notre sympathique mascotte.
On retrouve avec Super Lucky's Tale la maniabilité caractéristique des jeux de plate-formes développés à la va-vite après le carton commercial de la PlayStation première du nom. Imprécise, sèche et victime de latences incompréhensible : la palette de mouvements coche toutes les cases qu'il fallait à tout prix éviter. Et que dires des sauts - essentiels au possible dans un jeu de plate-forme, si ce n'est que leur flottement permanent semble recalculer la courbe de déplacement toutes les deux secondes, rendant l'exercice pénible et ô combien rageant.
14 nuances de carbone
Et comme si cela ne suffisait pas, les environnements pourtant chatoyants et bon enfant se révèlent particulièrement compliqués lorsqu'il s'agit de les explorer avec de tels boulets ferrés aux pattes. Rien de neuf sous le soleil, tant le jeu se contentera de recycler de bout en bout des phases vues et revues dans tous les canons du genre, mais l'imprécision permanente de notre héros rend du coup l'exercice bien plus retors qu'il n'y parait. Ses temps de chargements semblent eux aussi venus du fond des âges, puisque la moindre zone souterraine fera au final rebrousser chemin aux plus téméraires, alors imaginez entre les niveaux...
Super Lucky's Tale aurait pu se contenter d'être simplement générique, empruntant ici et là des idées recyclées mais correctement exécutées, mais par je ne sais quel miracle, tous les emprunts de l'ami Lucky se cassent les dents sur le dur trottoir de la réalité. Jamais inventif dans son gameplay, Playful semble trembler de la main à chaque prélèvement de mécaniques sur un vieux bout de papier carbone. le moindre double-saut réclamant un semblant de précision peut ainsi coûter plusieurs vies, sans parler des collisions plus qu'hasardeuses du côté des ennemis comme des environnements. Et la caméra ! Parlons-en de la caméra : corsetée et contrainte, elle semble toute droit sortie du premier épisode, sans qu'aucune effort n'ai été tenté pour l'adapter à un jeu en trois dimensions. Une véritable faille temporelle, nom de Zeus !
Same, but different
Il est d'autant plus dommage de voir le jeu se jeter la tête la première dans tant de collets qu'il offre au sein de chaque niveau un sympathique variété d'objectifs. A l'instar d'un Banjo-Kazooie, pour ne citer que l'influence la plus évidente, il y aura bien plus à faire dans chaque environnement de Super Lucky's Tale que de foncer tête la première vers le Trèfle à quatre feuilles final. L'exploration est en effet récompensée de plusieurs manières : trouver les cinq lettres qui composent le mot LUCKY débloquera par exemple un Trèfle supplémentaire, sachant que les lettres collectées le restent une bonne fois pour toutes.
Chaque niveau abritera également des souterrains proposant des phases de pure plate-forme (bancales) ou des puzzles (bidons) dissimulant parfois un Trèfle bonus, qui viendra grossir le compteur nécessaire pour progresser. Malheureusement, cette collecte s'adressera surtout aux acharnés, tant Super Lucky's Tale se laisse explorer comme la bouche d'un patient carié chez le dentiste. Seule la maniabilité aux fraises insufflera donnera un peu de fil à retordre même aux joueurs les plus aguerris, et on les comprend parfaitement.