S'il ne fallait retenir qu'une seule nouvelle licence sur la génération de consoles Nintendo précédente, ce serait sans l'ombre d'un doute Splatoon. Piloté par Hisashi Nogami (alors producer pour la première fois sur un titre majeur), le TPS venu de Kyoto faisait la part belle à la jeunesse : nouvelle équipe, nouveau talents, Splatoon se voulait la vitrine flambant neuve du constructeur. Deux ans plus tard, voici que débarque une suite que tout le monde attendait, au vu du succès phénoménal de la récente Switch depuis son lancement. Mais le cartouches, surtout celles remplies d'encre, ça coûte cher. Alors, faut-il changer de machine pour suivre le mouvement, le remplissage de l'ancienne est-il suffisant (en plus d'être écologique) ?
Splatoon 2 capitalise sans prise de tête sur tout ce qui a contribué au succès du premier épisode, à commencer par une esthétique nippone, colorée et gentiment agressive, qui se la joue à la cool jusque dans les dialogues. Et il faut reconnaître qu'il s'en sort plutôt bien dans ce domaine ! La place centrale s'est resserrée pour mieux nous faire lever la tête sur les buildings environnants, et les nouveaux personnages tenant les quelques boutiques présentes ont meilleure allure en termes de design. Les répliques de chaque protagoniste restent loufoques et amusantes juste comme il faut, et les jeux de mots sont légion sans donner l'impression de venir gratter la blague facile. Chapeau la trad'. En revanche, on regrettera quand même un petit coup de mou sur l'aspect graphique du titre : le changement de génération n'aura pas été plus bénéfique que ça à Splatoon 2, qui compense ses graphismes un peu flemmards par une identité visuelle toujours efficace et marquée.
Forget the frag
Difficile de parler de Splatoon 2 sans définir ce qu'est finalement un TPS où la Guerre de Territoires est érigée en projet de société : deux équipes de quatre Inklings s'affrontent au sein d'arènes fermées, à grands coups d'encre colorée, afin de marquer leur... territoire. Pas de classe déterminante ici, c'est le choix de votre arme primaire accessible en fonction de votre niveau qui orientera votre style et votre rôle au sein d'un affrontement. Au delà des classiques pétoires de rigueur (à savoir toutes les armes de courte portée ressemblant de près ou de loin à des calibres connus), Splatoon 2 tire intelligemment parti de sa spécificité zoologique pour proposer un arsenal peu commun, parmi lequel on trouvera aussi bien l'emblématique rouleau démesuré qu'un seau de jet au rayon d'action limité mais très large.
Cette approche n'est bien évidemment pas le fruit du hasard, puisque la tactique à adopter n'est pas tant de réduire l'adversaire en charpie chevrotinée que de recouvrir la plus grande surface au sol possible en l'espace des deux minutes trente allouées à chaque affrontement. Ce changement de paradigme, rafraîchissant dans l'univers parfois recentré sur lui-même du TPS multijoueurs, oblige ainsi les participants à mettre de côté le culte du frag pour ne plus se focaliser que sur la manière la plus efficace de conquérir son espace. L'adversaire demeure avant tout un horripilant gêneur à éliminer, mais plus pour l'empêcher de nuire que pour le simple kif du sang versé. La maniabilité à base de gyroscope propre à la série (désactivable si elle vous donne des boutons) fait évidemment son retour, pour le bonheur des petits et des grands, et fonctionne toujours aussi bien. Que les adeptes de la manette Pro se rassurent : quelle que soit la configuration choisie, cette insertion du motion gaming répond au doigt et à l'oeil, y compris sur l'improbable Joy Con Grip !
Le gros relounge
Puisque les approches de cette quête de couleur s'avèrent presque aussi nombreuses que les armes disponibles, les parties s'enchaînent pour rarement se ressembler, tant chaque configuration peut d'un seul coup changer leur déroulement. Protecteur de la blondeur de nos chères têtes devant l'Éternel, Nintendo n'avait pas jugé pertinent de proposer avec Splatoon premier du nom un système de chat vocal à proprement parler.
Il faut croire que de l'eau a coulé sous les ponts depuis, puisqu'en sus du bon vieux système qui consistait à balancer des phrases déterminées via les quatre touches de la croix, vous pourrez désormais hurler toute la joie ou la rage qui vous habite directement dans les esgourdes velues de vos co-équipiers d'un soir. Ou élaborer une stratégie hein, ça marche aussi. Concrètement, comment ça se passe ? Eh bien... on seiche (hohoho) les amis. Car étant dans l'impossibilité de tester la fameuse application "Nintendo Lounge", nous n'avons pas pu tester les insultes de génitrices par dispositif interposé, et croyez bien que cela nous peine... Nous reviendrons ici-même vous en parler dès que possible.
Grinding is my middle name
Tout comme son aîné, sur qui il semble calquer religieusement son déroulement, Splatoon 2 ne se dévoile qu'après de nombreuses parties, puisqu'il associe l'équipement disponible au niveau atteint en ligne. Il faudra donc jouer des pouces contre le reste du monde libre pour voir sa jauge progresser et ainsi accéder à de nouvelles possibilités. Dans les faits, le grinding exigé par Splatoon 2 se révèle, passé la douzaine de niveaux, assez long et parfois même décourageant, pour peu que la nouvelle arme alors débloquée ne vous fasse pas sauter au rideau.
Compétitif à souhait, le jeu exigera une certaine régularité pour étoffer suffisamment son arsenal avant de se sentir libre de trouver enfin sa combinaison idéale. Chacune des trois pièces d'équipement (des pieds à la tête, en passant par le torse) possède également sa propre jauge d'expérience, et octroie ainsi avec le temps des capacités bonus bienvenues. D'abord limités à deux nouvelles capacités au début, les sneakers et casquettes avancées permettront de gratter jusqu'à quatre d'entre elles, de quoi varier les plaisirs une fois en face de l'adversaire. C'est alors avec peine que l'on se séparera finalement de sa chemise slim-fit préférée pour passer dans une catégorie supérieure, non sans reprendre l'exercice depuis le début...
Comment veux-tu que je tentacule ?
Heureusement, le matchmaking demeure très cohérent dans les groupes de niveaux sélectionnés en ligne, et si les matchs classés devront attendre d'avoir atteint un niveau à deux chiffres, il y a de quoi trouver son bonheur dans chacune des quatre catégories proposées. Cependant, on regrettera à nouveau que Nintendo n'ait pas trouvé un subterfuge afin d'écourter l'attente parfois infinie qui verra débarquer ce foutu huitième joueur dans la room afin de lancer la partie : la situation s'est un peu trop souvent présentée pour ne pas finir par lasser sur la durée, et ce n'est pas le Splatfest de ce week-end (#TeamGlace) qui nous aura rassuré sur la question.
D'ailleurs, les rudimentaires mais sympathiques mini-jeux qui permettaient de tuer le temps entre les joutes ont mystérieusement disparu, le seul disponible devenant alors le sound test amélioré, où chaque musique pourra être le prétexte à un rhythm game peu inspiré (le Squid Beatz du premier épisode, pour les anciens). La bande son de Splatoon 2 est elle aussi à l'image du premier épisode : sympathique mais inégale. Aux côtés de sons funk dominés par des guitares vibrantes cohabitent les trips électro parfois un peu confus.
Au saumon, mon préféré !
La bonne surprise attendue se trouve sans doute dans la présence d'un nouveau mode intitulé "Salmon Run" et au potentiel lolesque assez élevé : une (seule) équipe de quatre squids doit cette fois affronter non pas leur semblables, mais trois salves successives de vermines venues du fond des mers, chacune embarquant avec elle un Salmonoboss porteur d'oeufs lumineux. Une fois la bête terrassée, les coquilles jonchant le sol devront être déposées avec amour et rapidité afin de marquer suffisamment de points, et ainsi remporter la manche. Le problème, c'est que ces ovocytes n'attireront pas que votre seule convoitise, puisque vos ennemis se feront alors un plaisir de vous en déposséder. Ah, et l'eau qui monte quand le temps se gâte également. Chienne de vie.
Vous envoyant en pleine mer, le mode Salmon Run se veut malgré lui une parabole du travail salarié : obligés d'occuper leur temps libre, les Inklings se voient affublés d'une salopette jaune reconnaissable entre mille et d'un matériel imposé par l'employeur. Eh oui, dans ce mode jouable aussi bien en ligne qu'en local (potes vendus séparément), l'arme qui vous servira à gagner votre croûte change aléatoirement à chaque vague ! Voilà de quoi mettre du piment dans chaque partie, et vous obliger à la polyvalence. La coopération a vraiment du bon et apporte un renouveau bienvenu au potentiel addictif assez prononcé. Chaque Salmonoboss nécessitant un chouïa de tactique pour lui faire cracher son butin, il faudra coordonner ses actions pour ensuite assister à une chevauché héroïque de squids remontant la route qui les mène au panier. Le vent nous fait avaler des litres d'eau salée, les mouettes s'en donnent à coeur joie, mais quand on rentre à la maison, transpirant dans une combinaison étouffante, on sait pourquoi on fait ce métier.
Bitter Suite Symphony
Sorti de ce mode ichtyen, ce qui manque vraiment à Splatoon 2, c'est la véritable sensation de nouveauté. Car pour tout le reste, cette version Switch donne l'impression de se contenter un peu trop facilement de la formule de base initiée il y a déjà deux ans. Évidemment, ceux qui découvriront la licence avec cette seconde itération auront tout le loisir de se faire les dents armés du plaisir de la découverte, mais il nous faut le préciser clairement : les accros de Splatoon premier du nom ne seront guère surpris par cette suite qui n'en est pas vraiment une. La rotation des maps limitées à deux par heure en fonction du type de match sélectionné mériterait également de gagner en souplesse, car bien que les parties s'enchaînent sans crier gare, ceux qui auront le malheur de se logger à une heure pile en seront pour leurs frais.
Heureusement, les nouvelles armes disponibles s'avèrent toutes intéressantes et bien pensées : on salue d'abord le chromo-jet, qui permet de prendre vos adversaires de haut grâce à un jetpack à l'usage limité dans le temps, et permet non seulement de faire pleuvoir de puissantes balles explosives, mais également de percer les lignes ennemis en infiltrant subrepticement des zones défendues, avant de retourner automatiquement au point de départ. Pratique pour grignoter du terrain mais également venir en support à ses braves coéquipiers, le chromo-jet remporte le prix du jury dans nos coeurs. La bombe-curling vous fera quant à elle spammer le bouton de tranche pour balancer en ligne droite des mines explosives qui repeindront également le sol sur leur passage. Pratique pour créer des ouvertures, elle se révèlent maléfiques lorsque celles de l'ennemi honni vous encerclent pour vous faire la peau... Et pour les fans de l'auto-référentiel, il y existe également une attaque rodéo qui émet le même bruit qu'un certain dinosaure vert, avis aux amateurs.
There goes my hero
On aurait bien vite tendance à l'oublier, mais Splatoon 2 n'est pas qu'un TPS orienté multijoueurs : à l'instar du premier épisode, le mode solo vous propose de suivre une histoire - fort peu passionnante au demeurant - mais aussi et surtout de faire vos classes. Organisé en cinq mondes où il faudra d'abord découvrir l'entrée des différents niveaux avant de s'y attaquer, ce mode "Héros" n'est pas à bouder, surtout pour les bleus fraîchement débarqués de leur salon. Splatoon 2 réussit assez brillamment à éviter le piège évident du long tutoriel scénarisé pour proposer un challenge sans cesse renouvelé, et qui se révèle être une très bonne école proposant une formation reconnue par l'État, et ce sans passer par APB.
Et puisque Nintendo n'a jamais pris le temps de soigner cette volonté maladive de planquer d'abondants items à dénicher partout, le solo de Splatoon 2 tiendra plus longtemps que prévu en haleine les complétionnistes acharnés (et ils sont nombreux). Chaque stage renferme en son sein un Sardinium (à moins qu'il ne faille employer le féminin ? Nous prions nos amis de l'Académie Française se pencher sur le sujet au plus vite) et un document plutôt bien dissimulés, et qui représentent autant d'occasions de refaire un run avec une nouvelle arme. Si les documents permettent de lever le voile sur l'intrigue OSEF, les Sardiniums (plus facile avec le pluriel, tiens) débloqueront de précieuses améliorations pour les trois types d'armement disponibles.
She's got a ticket to ride
Mais la meilleure raison de retourner le mode Héros réside sans aucun doute dans la collecte des tickets ! Ces bons gagnés à la sueur de votre front permettent comme dans la vraie vie de faire la queue au food truck garé en bas de chez vous, et d'ainsi vous délecter de succulents mets à déguster sur le pouce, fissa. Octroyés pour 20 matchs, les bonus proposés permettent de booster une statistique particulière, mais également l'expérience ou l'argent ramassés en ligne. Merci Omar le Homard ! Ces précieux sésames vont sans doute devenir aux yeux des joueurs de Splatoon 2 la concentration de toutes les convoitises dans les mois à venir... Ça tombe bien, les points accumulés lors des missions au goût de saumon permettent également d'aller retirer des prix au guichet des fiers marins ! On y retourne ?