Du haut de ses 30 ans, le hérisson bleu est déjà une antiquité dans le jeu vidéo. Mais avec Sonic Frontiers, la mascotte de SEGA veut nous prouver qu’elle est au top de sa forme et qu’après toutes ces années, elle peut faire peau neuve. Sommes-nous en face d’un vrai tournant pour la franchise ou plutôt d’une énième tentative ratée d’occuper la scène vidéoludique actuelle ? On s’est frotté à lui pendant quelques heures et on s’est (bien) fait piquer.
Pour son retour, cinq ans après la sortie du très moyen Sonic Forces, le hérisson bleu a voulu bousculer ses propres codes et viser la lune. Objectif : transposer la dimension platformer 2D/3D dans un monde ouvert. Eh oui, l’anthropomorphe sait vivre avec son temps ! Malheureusement, c’est un décollage raté pour Sonic Frontiers qui ne permet pas à la franchise de retrouver ses lettres de noblesse.
Sonic Frontiers sombre du côté obscur
30 ans plus tard, il y a des choses qui ne changent pas à l’instar du Dr. Eggman/Robotnik, grand méchant de Sonic Frontiers. Dans cette nouvelle aventure, la machiavélique tête d'œuf se rend sur une île en vue de s’emparer des secrets des anciens. Pour ce faire, le scientifique mégalomane n’hésite pas à transférer sa conscience à l’intérieur d’une stèle mystérieuse. Une quête de pouvoir et de savoir qui va se traduire par un échec. M. Moustache réveille en effet une technologie high-tech qui l’envoie dans un autre monde : le Cyberespace. Ce n’est guère mieux pour les amis de Sonic qui, en approchant de l’île de Kronos, vont être aspirés par cette dimension numérique et perdre leur enveloppe corporelle. Au hérisson de les aider à la récupérer, de rassembler les Émeraudes du Chaos, de battre des Titans et de faire échouer les plans de son rival de toujours.
Ça peut paraître étrange de s’attarder sur l’histoire et la narration mais cet épisode renforce ces deux aspects. On a ainsi un scénario plus sombre et mis en scène par tout un lot de cinématiques. Un platformer plus bavard qu’à l'accoutumée qui tend plus vers le jeu d’aventure. Mais rien que là, le soft n’est pas à la hauteur de ses ambitions. Si le ton inquiétant entrecoupé de blagues ne se révèle pas vraiment maîtrisé et déconcertant, c’est surtout l’agencement du récit qui se montre très lourd. Après s’être efforcé de regrouper des Jetons souvenir, Sonic pourra s’adresser à Amy, Tails ou Knuckles pour faire progresser la trame de l’histoire. Dès qu’une conversation se termine, le jeu nous somme de nous rendre directement à un autre endroit de la carte pour avoir la prochaine discussion. Et parfois entre les deux, des mini-jeux / missions insipides où l’on doit par exemple pousser des boules vers notre compagnon. Et c’est comme cela… tout le temps !
Tous les travers d’un monde ouvert générique
Encore maladroit dans sa narration, Sonic Frontiers dérape totalement lorsqu’il s’agit de livrer sa vision du monde ouvert. Car oui, cet épisode a cédé aux sirènes tentantes de l’open world pour le « meilleur » mais surtout et essentiellement pour le pire. Les cinq îles de Starfall Islands sont de vastes zones dont chacune des cartes se découvre au fur et à mesure… comme dans Far Cry avec ses maudites tours radio. Sauf qu’ici, on doit résoudre des défis-mystères, souvent au moyen de la Course-boucle. Une capacité qui permet à notre hérisson de courir en laissant un sillage lumineux derrière lui pour briser des seaux invisibles ou en combat, la défense des ennemis. Ces challenges peuvent prendre la forme de cristaux à allumer en les frappant rapidement, d’un point à rejoindre dans le temps imparti, de tas de sable à détruire etc.
Des activités résolument génériques proposées jusqu’à l’excès. Des missions secondaires qui pourraient susciter un intérêt pour souffler un peu entre ces mini-jeux FedEx ? Pas le moins du monde. Sans savoir pourquoi, il y a quand même un jeu de pêche qui sert à glaner les objets de l’open world en attrapant du poisson…
La structure du jeu est navrante d’autant que pour débloquer l’accès à des rails, des glissières pour se déplacer bien plus vite sur la map, il faut obligatoirement passer par ces points d’intérêt… qui manquent justement cruellement d’intérêt. Et tous les niveaux souffrent de ce déroulé qui se répète jusqu’à l'écoeurement. Ces activités mises de côté, la plus grosse tâche de notre héros aux basquettes rouges est de collectionner les Émeraudes du Chaos. Soit au cours des « quêtes » qui suivent les échanges avec nos amis, soit en déverrouillant une Unité, un artefact géant, avec des Clés d’Unités. Des passe-partout octroyés en fonction des résultats dans les niveaux du Cyberespace, des stages classiques en 2D/3D.
Des sensations mitigées
Malgré les tentatives de le garnir, le monde ouvert de Sonic Frontiers est finalement désespérément vide et techniquement daté avec certains effets comme la pluie et des textures qui ne sont même pas dignes d’une PS4. Les rails aériens et rampes, qui laissent toujours un arrière-goût étrange d’avoir été installées à la va-vite, apparaissent régulièrement en décalé à cause d’un clipping des enfers. C’est dommage car si la course à fond les ballons à travers la map n’est pas spécialement intéressante, les sensations sont plutôt bonnes voire grisantes lorsque l’on enchaîne les plateformes et que l’on rebondit sur les bumpers.
Dans le fond, tout cet open world blindé d’activités fastidieuses semble n’être qu’un faire-valoir pour les niveaux à l’ancienne du Cyberespace. C’est dans ces moments que l’on oublie les problèmes de structure et autres pour un plaisir plus simple et nostalgique. Celui de foncer à toute vitesse dans les environnements (Green Hill, Sky Sanctuary…) connus avec les qualités et les défauts de la franchise, comme celui de tomber dans le vide sans trop percevoir notre erreur. Une parenthèse enchantée, décidément beaucoup trop courte, même en refaisant les niveaux pour remplir les quatre objectifs, et qui ne peut s’apprécier qu’au prix d’une progression lourde.
De retour à la (dure) réalité, on est confronté à d’autres aspects qu’on verrait davantage dans un jeu d’action-aventure : l’évolution type « RPG » et les affrontements. Sonic va pouvoir améliorer sa compétence naturelle de coureur en ramassant des Kocos, des créatures perdues, et en les ramenant à son propriétaire pour les échanger contre un boost de vitesse ou afin d’emporter plus de Rings - les pièces dorées qui font office de points de vie. Avec des graines de puissance rouges ou bleues, notre hérisson pourra aussi perfectionner son attaque et sa défense.
Mais la mascotte de SEGA peut également se reposer sur une série d’aptitudes pour triompher des ennemis normaux, des boss et des Titans. De bons moments ? Non. Le système de combat est plutôt pauvre, rébarbatif et les rencontres peuvent vite être un calvaire, à cause notamment de la caméra qui peut entacher la lisibilité de l’action. Et que dire des grands boss et des Titans, des méchants très haut perchés sur lesquels il faut monter ? Ceux qui ont fulminé devant Shadow of the Colossus vont sûrement revoir leur jugement. C’est le souci de Sonic Frontiers : il tente plein de choses, mais hormis les niveaux classiques avec les défauts inhérents à la licence, rien ne fonctionne véritablement.