Après de longues années dans les nuages, pour ne pas dire dans la brume, Sky a pris son envol sur iOS, avant son lancement sur d'autres supports prévu un peu plus tard. Ce premier jet, ou plutôt chapitre intitulé Children of the Light s'élève-t-il encore plus haut que les oeuvres précédentes de ThatGameCompany, en l'occurrence flOw, Flower et surtout Journey, référence d'envergure en matière de jeu vidéo artistique ?
D'emblée ou presque, les éléments formant l'ADN du studio de Jenova Chen se manifestent. De grands espaces aux reliefs épurés, où le vent plane sur les vaguelettes d'eau, caresse les brins d'herbe, voire les dunes de sable, une gestion de la lumière tantôt éblouissante, tantôt en clair obscur pour souligner les zones d'ombre - du décor comme du récit d'ailleurs - et des envolées vertigineuses dans les cieux parfois peuplés d'étranges créatures. Une atmosphère résolument posée, propice à la contemplation au son de mélodies parfois mélancoliques ou inquiétantes, entrecoupées d'ébouriffantes symphonies. Et un gameplay qui semble s'éloigner des conventions traditionnelles du jeu vidéo, encourageant la curiosité au travers d'un léger tutorial, avec la liberté mais aussi les errances que cela suppose.
Et la lumière fut
Car à l'instar de Journey, notre avatar s'éveille un peu au milieu de nulle part, sans information claire sur le scénario, l'objectif, ou la marche à suivre, en l'absence totale de narrateur et de dialogue. La vocation de Sky s'avère pourtant assez simple, puisqu'elle se résume globalement à une quête de lumière, qu'il faut restaurer dans cette constellation de mondes, tout en utilisant son rayonnement pour y parvenir. Des bougies servent ainsi à éclairer les lieux, éclaircir des plantes noirâtres, déclencher divers mécanismes et faire apparaître d'autres personnages au grand jour, qu'il s'agisse d'esprits stellaires ou de véritables joueurs en ligne, la dimension communautaire constituant également une composante essentielle de cette expérience quasi mystique.
L'amitié donne aussi des ailes
L'avancée repose fondamentalement sur l'exploration, des étoiles d'enfants augmentant le nombre d'ailes, et de fait la durée des vols, de manière à atteindre les endroits auparavant inaccessibles. Des ancêtres donnent des bénédictions, qui s'apparentent à des sorts magiques synonymes de capacités temporaires tantôt anecdotiques, tantôt très utiles, et surtout une multitude d'expressions en échange de chandelles collectées, la principale monnaie de Sky pour nouer des amitiés. Bien qu'il soit possible de parcourir les niveaux en solitaire, l'épopée se montre nettement plus simple, et enrichissante à plusieurs. Le concours d'autres compagnons se révèle en effet nécessaire à l'entrée dans certaines zones, qui viennent ainsi élargir progressivement cet univers.
Jeux de mains, jeux de copains
Encore faut-il se faire d'abord des amis, que l'on peut ensuite tenir par la main, ou porter sur ses épaules. Ces interactions à la fois profondément signifiantes d'un point de vue relationnel, et pratiques en tant que mécaniques de jeu, permettent aux plus expérimentés d'endosser le rôle de guides. D'autres actions deviennent ensuite réalisables, telles que les congratulations, les étreintes, et les offrandes, à commencer par celles de coeurs, voués à étoffer ses expressions, outils essentiels de la communication, et pas que dans Sky d'ailleurs. Une interface de chat existe en sus, dans l'optique notamment de connaître le vrai nom d'un camarade, créé au hasard le cas échéant, ou d'avoir des conversations moins laconiques.
La force des liens du coeur
Au delà d'une option pour bloquer ou signaler les mauvaises rencontres, rares ici, Sky encourage évidemment les bons sentiments, notamment le partage, l'entraide et le respect. En témoignent les cadeaux que l'on a loisir d'envoyer à ses compères, davantage de possibilités apparaissant à mesure que les liens se resserrent, de manière à pouvoir les rejoindre à terme par téléportation. De quoi faciliter la tâche, assez aisée dans l'ensemble, même si quelques sections sont potentiellement (o)rageuses, en particulier celles qui requièrent des sauts ou des atterrissages précis, du fait de la nature flottante des commandes et de problèmes récurrents de la caméra semi automatique (l'usage d'une manette améliore sensiblement les choses).
Constellations d'esprits à l'horizon
Bien qu'il n'y ait guère de pénalité à échouer, Sky dévoile une réelle exigence à la fin, éprouvante et symbolique à plus d'un égard, une invitation à revivre l'aventure de multiples fois. A la clé, le développement des aptitudes, des relations et des items de personnalisation de son avatar, y compris des instruments de musique, un foisonnant florilège de récompenses incontestablement stimulant, a fortiori au fil des saisons et des contenus additionnels qui s'annoncent. Les impatients et les collectionneurs devront cependant se délester d'un pécule non négligeable au vu du tarif des packs, mais le modèle économique de ce free-to-play plutôt fair-play s'exprime à travers son approche décidément généreuse, comme une main grande ouverte.