Donné pour mort il y a encore quelques années, le jeu de skateboard tente en 2020 son fat come back, et profite de l'été pour faire souffler le doux vent de la nostalgie alors qu'une génération entière entame son crépuscule. Et avant de profiter du retour en grâce de la série résolument orientée arcade du père Faucon, et la promesse de revoir un jour la licence Skate sur le devant de la scène, Easy Day profite d'un climat favorable pour dégainer Skater XL, une nouvelle approche qui emprunte pourtant beaucoup à la simulation d'EA Black Box.
Oubliez les tricks de folie à une main où les 1080° craqués : avec Skater XL, il va falloir (ré)apprendre à jouer, comme si l'on montait pour la première fois sur LA planche. Rejeton illégitime de Skate, la vision d'Easy Day reprend le principe de la séparation des membres (surtout les inférieurs), et avec un panard par stick, le choix de personnaliser un avatar goofy ou regular aura plus que jamais son importance. Le contenu bien maigre au lancement permet d'ailleurs de ne pas passer un temps infini lorsque vient l'heure d'habiller sa ragdoll : si les marques propres à univers du skate ont répondu présent en masse, c'est bien la planche à roulettes qui semble avoir fait l'objet de toutes les attention, en témoignent les nombreux skins et autres châssis disponible, là où les pauvres humains se battent avec la couleur d'un T-shirt un peu triste. Le studio nous avait prévenu : Skater XL préfère accuser quelques lacunes sur le plan technique, pour mieux proposer un gameplay réaliste, et tant pis pour les esthètes.
T'as pas deux sticks ?
Dans les faits, le jeu accuse en effet un retard criant quand vient l'heure de tester ses réflexes au sein des cinq environnements proposés au lancement. Encore un peu raide au démarrage, Skater XL tente de fait un audacieux pari : pour vraiment prendre son pied, il va falloir per-sé-vé-rer. Cela tombe plutôt bien, puisque les novices et vieux grinders un brin rouillés pourront profiter de leur innocence pour ouvrir la looooongue liste de défis en forme de tutoriel proposée pour chaque lieu emblématique de la discipline : de Downtown Los Angeles à la rampe isolée en passant par l'indispensable école d'outre-Atlantique. Sortir un ollie ne déboussolera personne, puisqu'il faudra maintenir un stick vers le bas (ou le haut pour un nollie) avant de le relâcher pour quitter quelques instants la terre ferme.
En orientant ledit stick à la relevée, on sort d'office quelques front- ou back -sides, qui attestent de la précision peut-être un peu trop poussée de Skater XL, qui ne pardonne presque aucune faute d'input. Si votre pouce change ne serait-ce qu'a minima l'angle avant la relâche, et il faudra improviser avec un skate récalcitrant. En le rabaissant à mi-distance en cours de saut, on prépare heureusement un manual à la retombée, qui s'avère finalement bien généreux, en maintenant presque infiniment l'équilibre. C'est toujours ça de pris. Les exercices s'enchaînent, et l'on commence à placer ses premiers tricks, en déclenchant un petit coup de stick opposé à gauche ou à droite après avoir décollé, et les nombreux challenges proposés au long des cinq environnements permettent progressivement d'assimiler les bases, et de progressivement élever son niveau de jeu. Les habitués de la série d'Electronic Arts retrouveront les grabs situés sur les boutons de tranche, mais les gâchettes servent désormais à la rotation, au sol comme dans les aires, une approche intéressante une fois intégrée, qui permet de doser assez précisément ses angles à la retombée, pour mieux se concentrer sur la figure à plaquer.
C'était un skater garçon
Mais c'est précisément là que le bât blesse, puisque la proposition d'Easy Day ne fera clairement pas les affaires de tous les "sk8ter bois" de l'Hexagone. Skater XL est sur le fond solide et dense, et ne dévoile ses véritables charmes qu'à force de répétition et de peaufinage de sticks bien orientés. Mais il mise tellement sur son gameplay, qui tente peut-être plus que Skate de s'approcher des sensations de la discipline et surtout de son exigence, qu'il en oublierait pour ainsi dire tout le reste. Certes, la liste de figures imposée pour chacun des environnements relativement variés permet de diversifier ses figures et d'entrevoir petit à petit comment réaliser un enchaînement propre et classieux, mais ceux qui ne seraient pas sensible à cette quête infinie d'un run parfait (ou presque) n'auront plus grand chose à se mettre sous les roues. C'est d'autant plus dommage que l'apprentissage s'avère tout de même satisfaisant, mais la route est effectivement longue, et semée de gamelles.
Sans mode Carrière, sans missions à réaliser, sans véritable autre objectif que celui de devenir jour après jour meilleur, Skater XL pourra paraître bien chiche aux yeux des affamés de la discipline, qui n'ont pas eu grand chose à se mettre sous la dent ces dernières années. Autrement dit, ne trouveront en lui la satisfaction que les joueurs consciencieux, l'amour de la planche chevillée au corps, et peu regardant sur la technique de cette nouvelle simulation. Skate avait beau être proche en termes de sensations, il n'en oubliait pas pour autant de proposer quelques modes de jeux différents, sans parler du multijoueur. Ici, seule la perfection et la gestion toujours plus fine des variantes et des gaps donnera aux plus insatiables de nombreux os à ronger, et ce jusqu'à la moelle. Les autres, insuffisamment stimulés par une proposition clivante, tourneront sans doute vite en rond, espérant trouver dans un mythique 900° le sens de la vie. Allez savoir.
Des lendemains qui grindent
Skater XL se contente quant à lui d'un minimum quasi-syndical, dans le fond comme dans la forme : avec seulement cinq environnements, certes suffisamment variés pour multiplier les approches, il ne faut pas s'attendre à voir du pays, surtout que la plastique du titre n'est franchement pas des plus reluisantes. Quelconques sans être particulièrement laids, les stages donnent l'impression de n'exister que dans un vase clos, et l'on se demande comment des ralentissements intempestifs peuvent survenir quand il y a si peu à afficher à l'écran. Située en plein désert, The Big Ramp permet avec ses pentes vertigineuses de claquer des 1440° les doigts dans le nez, mas atteste de l'aridité des environs, comme si l'équipe avait été obligée de trancher dans le vif pour s'en tenir à un coeur fruité surprenant entouré d'une meringue insipide et trop présente en bouche. Alors certes, les promesses de voir des créations communautaires font évidemment espérer des lendemains qui chantent, et la communauté PC n'avait d'ailleurs pas perdu un instant pour recréer certains niveaux emblématiques de Tony Hawk's Pro Skater, qui manquent pour l'instant à l'appel. Et ce ne sont pas les trois ajouts préalablement dévoilés par le studio qui pallieront pour l'instant cette regrettable absence. Mais il parait que l'espoir fait vivre.
La sentence s'applique de la même manière à la bande-son, sympathique mais ô combien frugale, qui finira inlassablement par lasser même les fans d'Interpol ou de Band of Horses, puisque les morceaux reviendront toujours trop vite, et sans prendre la peine de réellement s'enchaîner. On comprend sans doute mieux le regard figé par l'effroi des quatre (!) noms du skate proposés dans le menu, en sus de deux ragdolls à vêtir selon ses goûts. Et le terme n'est pas usurpé, puisque nos skater boys (et girls) polygonés se transforment en... tas de polygones inertes dès qu'ils entrent en contact avec tout ou partie du décor, et n'hésite pas à finir leur course dans les positions les plus improbables, qui généreront à coup sûr quelques francs éclats de rire en cours de partie. Mais ceux de l'assemblée qui aura payé plein pot cette vision encore très incomplète retiendront alors peut-être une larmichette au milieu de cette foule hilare. Les collisions aléatoires n'arrangeront évidemment rien, et bon nombre d'ollies finiront dans un parterre de fleurs pour des raisons parfois contestables. Heureusement que la présence d'un replay permettra aux plus patients de sauvegarder pour l'éternité un run classieux et varié, au sortir duquel on aura forcément pris un pied monstrueux, en ce disant qu'il y aurait eu tellement de (belles) choses à faire avec Skater XL...si seulement il donnait l'impression d'en avoir fini avec son early access. Et ce n'est certainement pas la palanquée de mises à jour proposées en l'espace d'une semaine qui nous donnera pour l'instant cet impression.