En l'espace de quelques années, l'éditeur Annapurna Interactive s'est imposé avec une certaine forme de maestria dans l'univers en expansion de l'édition de petites perles indépendantes. Autant vous dire qu'après avoir littéralement halluciné devant un certain Outer Wilds plus tôt cette année, nous attendions avec une impatience certaine leur nouvelle production en date : Sayonara Wild Hearts.
Avec un titre aussi farfelu et une esthétique aussi singulière, il était écrit quelque part qu'il reviendrait à votre serviteur la charge de plonger la tête la première dans cette pastille pop qui mise beaucoup sur l'aspect visuel pour nous proposer une expérience peu commune. Faites péter votre meilleur casque, les enfants, on part en balade.
She's a Queen
Sayonara Wild Hearts nous narre donc les aventures sous acide d'une jeune femme ayant eu le coeur brisé, et rapidement plongée dans un univers ô combien coloré dans lequel elle devra affronter une poignée de bandes rivales au look délicieusement rétro. Le tout dans des décors urbains infusés de néon et lorgnant le psychédélique. Quelque part entre Tron et Grease, sur fond de pop, si tant est que cette comparaison ait un sens. Rien que ça. Nébuleuse et volontairement onirique, la trame en forme d'évasion est un simple prétexte pour nous plonger à travers une vingtaine de stages, à la poursuite de ces belles et gracieuses antagonistes en teddy, les Wild Hearts, à qui il faudra donc dire... Sayonara. Dans la peau de son alter ego nocturne, The Fool, notre héroïne écumera les routes à 100 à l'heure pour trouver sa rédemption amoureuse. Parenthèse onirique qui se justifie à elle seule, l'expérience visuelle et sonore s'apparente à l'écoute dans un état plus ou moins second d'un bel album de pop acidulée lancé à la tombée de la nuit. Malgré quelques soucis de visibilité assez rares, les suédois du studio Simogo ont vu juste en ayant la folie des grandeurs : le titre s'éclate (et nous aussi), change constamment de forme, et se permet toutes les folies. Et autant vous dire qu'en ouvrant sur du Debussy, le jeu a tiré sans sommation en plein coeur de votre serviteur...
À coeur sauvage, rien d'impossible
En pratique, Sayonara Wild Hearts combine les mécaniques classiques d'un jeu de rythme à des situations (très) variées, dans lesquelles la course et le combat chorégraphiés se donnent toutes les peines du monde pour nous offrir un spectacle renversant. À pied, en skateboard, à moto, en voiture et plus si affinités, notre héroïne aura pour mission de récupérer en rythme les palpitants disséminés sur son parcours, le tout sans trébucher, afin de viser le high score et la médaille d'or qui va avec. Chaque séquence du jeu nous présente au travers de différents niveaux le nouveau gang ennemi à approcher, puis à défaire, dans un enchaînement de pastilles à la durée croissante, qui s'étendent de 30 secondes à quelques minutes. Le jeu joue d'ailleurs à fond la carte du "moment", faisant montrr la pression avant de balancer un déluge torrentiel de mélodies électro-pop délicieusement acidulées, lors d'affrontements dantesques et mémorables. La présence des vibrations HD sur Switch renforce évidemment l'immersion, et bat la mesure du bout des doigts, sur certaines séquences triées sur le volet. Difficile de ne pas bouger la tête ou d'accompagner à tue-tête les voix de Linnea Olsson, en arborant un large sourire. L'éclate, qu'on vous dit.
Yu Suzukeyboard
Begin Again, Dead of Night, ou encore Mine : la bande-son composée par Daniel Olsén enchaîne les tubes indie pop à la vitesse de l'éclair, et accompagne toujours à merveille le déluge visuel qui sévit à l'écran. Sayonara Wild Hearts ne manque pas non plus d'aller piocher dans un vaste panel de classiques du jeu vidéo : les parcours d'OutRun, les phases de Space Harrier, les descentes de Tony Hawk Pro Skater, les polygones de Star Fox, la vitesse d'un Sonic Adventure, les drifts bonus de Crazy Taxi, Rez et plus largement l'oeuvre de Tetsuya Mizuguchi : les exemples ne manquent pas pour renouveler sans cesse l'intérêt, quitte à voir arriver le générique de fin et découvrir l'identité de la narratrice turbo-guest un peu trop vite. Les stages s'enchaînent si bien que les accros à la formule devront nécessairement aller chercher l'or et les quelques collectibles présents dans les 23 pistes pour prolonger l'expérience. Certains stages/morceaux s'avèrent d'ailleurs bien plus retors, et demanderont une certaine abnégation pour espérer remporter le précieux métal. Deux sympathiques modes bonus seront également à débloquer, et les cryptiques Énigmes du Zodiaque pourraient donner un peu de fil à retordre aux plus atteints. Comme un bon album, les mélomanes relanceront de temps à autre la galette pour saigner tel ou tel single sur le bout des doigts, avant de le laisser reposer quelques temps, pour mieux le ressortir sur un coup de tête, à la tombée de la nuit, histoire de se refaire un petit kiff dans un état au moins second.