Returnal squatte le disque dur de notre PS5 depuis quelques semaines déjà, le temps de le retourner dans tous les sens, et même, d'y revenir ! La PS5 tient-elle là un vrai fer de lance, qui arrive certes en retard, mais à même de vous faire appuyer sur "F5" à longueur de journée sur vos sites marchands préférés pour tenter de dégoter la précieuse machine ? Il se pourrait bien que cela soit le cas...
Début décembre, après avoir reçu le bien le plus prisé de l'humanité à l'heure actuelle - sa propre PS5 - votre serviteur se voyait déjà comme le roi du monde, enchaînant les tests de jeux venus de toute part pour votre site d'actualités vidéoludique préféré. Mais le calendrier de sorties, bien chamboulé par la pandémie de COVID-19 qui règne actuellement sur nos soirées et nos libertés, en a décidé autrement et il aura donc fallu attendre avril 2021 pour enfin voir la couleur d'une "vraie nouvelle" exclusivité sur la machine de Sony. Mieux vaut tard que jamais, comme on dit parfois, mais l'attente valait-elle le coup ? La réponse en quelques paragraphes.
Le grand saut
Aux commandes de ce Returnal, on retrouve les Finlandais de Housemarque, spécialisés depuis plus de 25 ans dans le shoot'em'up, un genre "niche au possible", comme vous en conviendrez. Les plus marquantes de leurs productions ayant été "prêtées" aux abonnés PlayStation Plus à un moment ou à un autre, il est fort probable que vous ayez déjà posé vos gros doigts maladroits sur un épisode de la saga Super Stardust, Dead Nation ou encore Resogun, qui accompagnait alors la sortie de la... PS4. Et si Returnal est en retard de quelques mois de trop pour prétendre faire partie du line-up de lancement, on lui pardonnera. Reste que pour Housemarque le challenge est de taille : passer de "petits" jeux presque dignes de productions indépendantes au monde du "AAA". Spoiler : clairement, c'est réussi.
Veni, vidi, redii
Dans Returnal, vous suivez les aventures de Sélène Vassos, astronaute de son métier, dont la mission se résume à la découverte de "nouveaux mondes". Lorsque l'histoire débute, elle capte un signal de détresse, étrangement familier, provenant de "l'Ombre Blanche". Lancée à la poursuite de cet écho spatial, voilà qu'un des moteurs de son vaisseau s'enflamme à l'entrée dans l'atmosphère de la planète cible et qu'il se crashe avec pertes et fracas. Sonnée, notre aventurière part alors explorer les lieux, et découvre des ruines d'une vieille civilisation extraterrestre. Très vite, elle tombe sur un cadavre portant la même combinaison qu'elle... et se rend compte qu'il s'agit du sien ! À peine cinq minutes plus tard, c'est à son tour de passer de vie à trépas sous les coups de griffe d'une imposante forme de vie locale enragée. Point de lumière blanche, de purgatoire ou autre évocation de la vie après la mort. Non, juste un retour à la case départ, soit après que son vaisseau s'est écrasé...
Narration de qualité ?
Sélène réalise très vite, notamment grâce à quelques logs audio enregistrés par des versions précédentes d'elle-même, qu'elle est coincée dans une boucle temporelle sans fin, ou même la mort ne pourra pas la délivrer. Elle va donc enquêter sur les origines de ce mystérieux phénomène, tout en tentant de faire la lumière sur le destin tragique des habitants de cette planète infernale qui semble à l'abandon depuis des lustres. L'intrigue qui semble s'inspirer d'Edge of Tomorrow - certaines créatures semblent tout droit sorties ce cet excellent film - ou encore d'Un Jour sans Fin - les marmottes en moins - possède une narration diffuse, très intelligente, intervenant par le biais des registres cités plus haut, mais aussi quelques courtes cinématiques très elliptiques, ou encore, via des visions plutôt délirantes qui vont pousser Sélène, entre autres, à retrouver sa maison d'enfance sur la planète dans des passages en vue subjective qui se seront pas sans rappeler un certain P.T. ... La protagoniste est-elle vraiment saine d'esprit ? Rien n'est moins sûr.
En tout cas, une fois que vous avez mis un doigt dans ce cycle, vous aurez envie d'en voir le bout, savoir ce qui se passe dans la tête de l'héroïne aux yeux vairons. Cela d'autant plus qu'on ne vous gâche aucune surprise avec ce court synopsis, le jeu se permettant quelques pirouettes scénaristiques bien senties avec de la mise en abyme ou des passages vraiment inattendus et profondément marquants... Le tout est de plus soutenu par une très bonne version française, où la voix de la comédienne Juliette Degenne fait des merveilles. Le reste de la piste sonore sera du même acabit, avec des musiques dans le ton et qui soulignent merveilleusement l'instant, et on garde même à l'esprit un moment en particulier où toute la dramaturgie du propos prend des proportions déjà plus ou moins entendues dans l'Interstellar de Chistopher Nolan.
Enfin la vraie Next Gen ?
Le design global de Returnal se montre lui aussi très réussi, que ce soit au niveau des monstres ou des boss, très variés et qui semblent tout droit sortis des enfers pour certains, allant du plus ou moins gros et dangereux canidé à tentacules en passant par des trucs plus "méta" comme ces têtes d'enclume géantes, toujours à tentacules, et des décors, tous très superbes, avec leurs particularités, et notamment un code couleur très puissant. Si le jeu abuse un peu en proposant une revisite fréquente de chacun des lieux, après la première moitié du jeu, ceux-ci se parent de nouveaux tons chatoyants qui excusent presque ce retour et permettent une toute nouvelle découverte de ces salles dans lesquelles nous avons enragé en nous créant nos propres souvenirs et même, notre propre fan service.
Cette direction artistique racée bénéficie bien évidemment du support de votre PS5 flambant neuve, avec une réalisation solide. Le 60 fps est constant, malgré quelques légères chutes quand l'écran héberge de nombreux et dangereux rayons laser ou quand Sélène passe - quasiment jamais - devant un miroir. Les effets lumineux s'avèrent très réussis, comme les explosions ou nuages de boulettes colorées avec des codes très reconnaissables - attention au flingue tourelle qui tire en violet et pousse donc à esquiver inutilement ses propres tirs ! Les textures sont d'une grande finesse, même si l'on a remarqué quelques retard à l'allumage rapidement rattrapés, et, notons tout de même du popping d'environnement et de lumière d'ambiance, que ce soit de prêt ou de loin. Ces défauts sont corrigés à la vitesse de la lumière par la machine et nous avons mis plus de 10 heures de jeu avant de nous en rendre compte ! Sans HDR, le jeu demeure magnifique, mais si l'on active l'option sur un écran compatible, le rendu devient spectaculaire, avec un contraste démentiel qui ferait presque passer le jeu pour terne sur votre vieux téléviseur Full HD.
Double sens
Niveau contrôles, la manette de la PS5 fait des merveilles. Presque un sans-fautes. Le tintement des gouttes de pluie au tout début du jeu annonce la couleur sur la gestion des vibrations, tout simplement démentielles. Les sons qui sortent du micro de la manette accompagnent à merveille l'action. En revanche, on va un peu râler sur l'utilisation des gâchettes à retour de force : un seul mode permet leur utilisation, et L2 propose alors deux nuances de pression. Si elle est faible, vous visez et zoomez avec votre flingue. Si vous appuyez à fond, c'est le tir secondaire. Si vous choisissez de déplacer le tir secondaire sur un autre bouton, cela désactive la résistance. Et le testeur, bourrin dans l'âme, ne sait pas appuyer délicatement sur un bouton lors des phases d'action et déclenchait systématiquement le tir secondaire au lieu de viser... Pas très stratégique ! Et puisqu'il n'a pas voulu non plus se passer du retour de force, il a bouclé le jeu en entier en tirant au jugé, sans viser ! Mis à part sur Astro's Playroom et WRC 9 notamment, on n'a pas été complètement convaincu par les gâchettes pour l'instant et les développeurs feraient bien d'apprendre assez vite à proposer de la variété et du choix dans la configuration de cette dernière. Ce reproche n'est donc pas destiné au seul Returnal !
L'autre reproche que l'on peut adresser concerne la PS5 et en particulier la gestion des "défis". Impossible d'accéder à la liste complète, l'avancement buggue parfois et surtout, ne cliquez pas sur les défis quotidiens en cours de partie, cela vous fait quitter le cycle en cours sans possibilité d'y revenir ! Dans ce cas, retour à la case départ... Enfin, notons quelques bugs dans le HUD à la suite de la mise en veille de la machine - d'ailleurs, et c'est un gros point noir antiécologique au possible, impossible de continuer un cycle en cours autrement qu'en laissant en veille la machine, si on éteint, retour au site du crash... -, de légers bugs de collisions avec les portes, et un pathfinding des ennemis parfois hasardeux. Mais quand une grosse bestiole se coince dans le décor, franchement, comme vous allez pouvoir le voir après, en vrai, tel une bénédiction : le "bug en notre faveur", on apprécie !
One Credit Clear
Niveau action, la formule emprunte clairement ses codes au shoot'em Up. Le mythique P.N.03 n'est jamais très loin, le côté TPS est très bien maitrisé, avec une Sélène qui répond à merveille, s'exprimant avec des animations réussies et détaillées, faisant montre d'une parfaite mobilité et une grande réactivité dans les commandes de tir, d'esquive et de déplacements. Le grappin qui se déverrouille à la fin du premier tiers du jeu ajoute un dynamisme certain. L'arsenal disponible se révèle très varié, avec quelques armes ou tirs secondaires assez délirants, et parfois bien pétés, comme ce lance-roquette qui vide son chargeur en un instant ou ce laser horizontal en mode Cutter Plasma de Dead Space qui peut invoquer deux tourelles automatiques !
Certains boss n'ont pas fait un pli, quand on ne les a tout simplement poutrés au fusil à pompe. Les patterns des ennemis restent dangereux, notamment quand ils sont en groupe, mais les couleurs se distinguent aisément et on apprend vite à évaluer les dangers. Si jamais on galère un peu trop, l'aide à la visée peut se voir paramétrée et devient plutôt monstrueuse quand elle est réglée au maximum ! Notez la présence d'un mode défi avec classements, où votre serviteur à réussi à terminer certaines épreuves dans le top 3 mondial (OK, le leaderboard était composé de 17 joueurs au moment du TEST, mais tout de même).
Dans l'espace, personne ne vous entendra rager !
Si l'aspect action est réussi, peut-on en dire autant du côté Rogue-like qui vous fait perdre tous vos items, arme, artefacts de buff, accessoires et monnaie, et repartir sur le site du crash à chaque mort, soit le tout début du jeu ? Forcément, le concept ne plaira pas à tout le monde et en rendra chèvre plus d'un. Si une porte ouverte ou un mécanisme activé le reste définitivement, que vous gardez un certain type de monnaie et d'amélioration d'armes, il va falloir tout de même reconstruire son personnage depuis le début, en explorant à nouveau les premières zones avant de revenir plus fort pour la fin, tout en faisant bien attention à ne pas mourir au passage ! Et le danger ne vient pas que des ennemis. De nombreux objets sont ainsi "nocifs" et peuvent faire survenir un malus bien handicapant, il faudra bien peser le pour et le contre avant de les utiliser, tout comme ces parasites qui peuvent vous offrir un bonus non négligeable, mais avec toujours une certaine contrepartie.
On découvre tout cela et les multiples subtilités du jeu à la dure, bien souvent sans tutoriel. La clef pour réussir, c'est votre connaissance, mais le jeu va tenter de vous perdre en rendant procédurale l'agencement des 30-40 pièces qui composent chaque niveau, rendant l'ordre d'exploration et les bestioles rencontrées complètement différentes d'un run à l'autre. On reconnait aisément toutes les pièces que l'on va traverser mais leur organisation et leur garniture seront différentes. Quelques mécaniques d'exploration à la Metroid font leur apparition, avec des items permanents à débloquer comme le grappin évoqué plus haut. Le butin et les objets à crafter deviennent très aléatoires, ce qui rend la préparation parfois hasardeuse, très chanceuse. Il faut bien se mettre en condition et ne pas hésiter à faire des détours, quitte à perdre 2 heures de jeu à s'apprêter et s'organiser pour finalement craquer contre le boss du niveau suivant... Et revenir plus fort "mentalement" ! Cet aspect Rogue-like mélangé au shmup demande une concentration extrême et de tous les instants, avec un fort goût de revenez-y... Intense. Impossible de lâcher la manette tant qu'on n'a pas réussi à tuer ce fichu boss et découvert ce qui arrive à Sélène ! La mission de Returnal est donc réussie.