Lors de la sortie de Resident Evil 7 biohazard, Capcom avait provoqué la polémique en passant du traditionnel gameplay à la troisième personne à une vue à la première personne. Si certains ont reproché au jeu de dénaturer la série, la critique et le public dans son ensemble ont été réceptifs à ce que les développeurs de Capcom ont fait dans les premières mésaventures d'Ethan Winters. Un peu plus de quatre ans plus tard, propose la suite de ces dernières, toujours avec une vue subjective. Ce "huitième" épisode est cependant loin d'être une simple redite. Un jeu entre tradition et modernité, comme dirait l'autre.
Resident Evil Village est la suite directe de Resident Evil 7 biohazard. Voilà. C'est à peu près tout ce que nous avons le droit de vous dire à l'heure actuelle au sujet de l'intrigue de ce nouvel épisode. Blague à part, Capcom nous a effectivement communiqué une liste d'éléments liés à l'intrigue de Resident Evil Village à ne pas aborder dans notre test. Pour ne pas gâcher le plaisir de la découverte nous avions de nous-mêmes décidé de ne pas trop entrer dans les détails à ce sujet. Ce "huitième" Resident Evil raconte donc la suite des mésaventures d'Ethan Winters, le protagoniste du précédent volet. Après les événements survenus dans la maison des Baker, Ethan et sa femme Mia ont été contraints de déménager en Europe pour leur sécurité.
Devenus parents d'une petite Rosemary, le couple tente tant bien que mal de se reconstruire. Malgré un traumatisme toujours bien présent, et géré différemment par l'un et par l'autre, Ethan et Mia semblent tant bien que mal y parvenir. Les choses dégénèrent cependant brutalement lorsqu'un soir Chris Redfield et ses troupes débarquent dans la maison du couple. Ethan voit alors l'ancien membre de l'équipe Alpha des S.T.A.R.S. abattre sa femme de sang froid et enlever sa fille. Assommé par ses assaillants, Ethan se réveille dans la neige complètement déboussolé après une attaque visiblement violente subie par le convoi qui le transportait. Lâché dans un mystérieux village situé en Europe de l'Est, le jeune papa va devoir partir à la recherche de sa progéniture tout en devant composer avec des chefs de village totalement dérangés qui, en plus d'être a priori impliqués dans la disparition de Rosemary, ont décidé de faire de lui leur jouet.
Resident Evil 4 + 4
Dans le titre de ce test, nous nous demandons si Resident Evil Village n'est pas l'épisode le plus audacieux de la série. Plusieurs éléments de ce nouvel épisode permettent de soulever cette interrogation. Malheureusement, le risque de spoiler empêche de les évoquer précisément. Parmi les tournants marquants et audacieux de la série Resident Evil se trouvent le changement de gameplay effectué dans Resident Evil 4 (soit dit en passant, Village y fait comme prévu énormément penser à différents égards) et le changement de point de vue de Resident Evil 7 biohazard. Dans Resident Evil Village, cette audace se manifeste de plusieurs manières. L'une d'elles se situe au niveau de la mise en scène et du gameplay de certaines séquences, avec du jamais vu dans la série jusqu'à présent. Ici, la peur et le stress peuvent être déclenchés de diverses manières et c'est appréciable (même s'il est possible de dire que ce nouveau titre ne fait à aucun moment aussi peur que les premières heures de Resident Evil 7 biohazard).
Cette audace s'exprime également dans la narration et plus particulièrement via des choix effectués par Capcom dans la dernière partie du jeu. Ces décisions sont bien senties et apportent une certaine fraîcheur à ce "huitième" épisode. Paradoxalement, le principal bémol qui peut être émis au sujet de l'aventure concerne lui aussi la dernière partie du jeu dans lequel l'horreur cède sa place à l'action. Dans les faits, ce virage peut se comprendre étant donnée l'histoire racontée ici. Mais il n'aurait pas été désagréable que Capcom s'enfonce dans un style horrifique plus proche de ce qu'il propose plus tôt dans l'aventure. Cela étant dit, la variété des séquences et leur durée font que le titre jouit d'un rythme à la fois soutenu et maîtrisé qui tient en haleine le joueur tout du long. Pas de longueurs ou de remplissage inutile ici. Les fans de la série seront de plus ravis de découvrir des choses en rapport aussi bien avec Resident Evil 7 biohazard que la série dans son ensemble. Et histoire de préparer l'avenir, le jeu pose également son lot de nouvelles questions. Un vrai plaisir pour les fans de longue date de la saga de Capcom.
Du point de vue de la durée de vie, la traversée de l'aventure ne prendra logiquement pas autant de temps chez tous les joueurs. Un habitué des Resident Evil qui soigne son inventaire et qui prend le temps de faire des allers-retours pour obtenir des objets inaccessibles initialement pourra boucler la campagne en environ 11 heures en difficulté Standard. Un utilisateur qui veut simplement progresser dans l'intrigue pourra très certainement finir le jeu une première fois en moins de dix heures. Comme souvent dans les titres de la série, Village se prête bien au jeu des runs multiples avec des conditions progressivement simplifiées. À noter de plus qu'en terminant le jeu une première fois, le joueur débloque le mode Mercenaries, qui ajoute son lot de défis sur lesquels les plus motivés pourront se pencher pour débloquer des bonus. Pas bouleversant, mais son inclusion reste cependant appréciable.
Plus claire la lumière, plus sombre l'obscurité...
Ceux qui se souviennent de la toute première annonce de Resident Evil 5 se rappellent que le concept initial derrière le jeu était que la peur viendrait cette fois d'une luminosité trop prononcée, luminosité empêchant le héros de voir correctement les dangers devant lui. Dans la version finale du jeu, cette idée était cependant pour ainsi dire absente. Si Resident Evil Village ne reprend pas ce concept, il n'en est pas moins l'épisode de la série qui se sert le mieux de la lumière et de ses variations. Et de loin. D'une certaine manière, l'audace du jeu se ressent également à ce niveau. En cas de changement brutal d'éclairage ambiant, par exemple, la vision d'Ethan aura besoin d'un bref instant d'adaptation. De plus, certaines scènes se déroulent dans une obscurité quasi totale. Des séquences voient leur impact sur le joueur renforcé par la manière que les ennemis ont de se tapir dans l'ombre et d'en sortir progressivement. Comment le jeu exploite la lumière et dans certains cas l'absence son absence est véritablement un des points les plus marquants, dans le bon sens du terme, de ce nouvel épisode.
Toujours à propos de la lumière, Capcom a, dans sa communication au sujet de Resident Evil Village, mis en avant la compatibilité du jeu avec le ray tracing sur les plateformes de nouvelle génération et l'impact que cette technologie a sur le rendu du jeu. Manette en mains, il est indéniable que le Ray tracing apporte quelque chose aux environnements et à leur réalisme. Les lumières "rebondissent" sur les objets de manière plus authentique pour proposer un éclairage dans son ensemble plus réaliste. Et globalement, le frame rate tient bien le coup avec le Ray tracing activé. Avec le "RT on," le jeu tourne globalement à 60 images par seconde avec de légères baisses lors de certaines séquences. Si ces baisses ne sont pas trop gênantes, les joueurs qui désirent un framerate en béton armé peuvent désactiver l'option. Les éclairages en prennent un petit coup, mais le jeu reste très beau et le frame rate ne bouge plus. C'est vous qui voyez comme dirait l'autre. Votre serviteur a en tout cas choisi de traverser l'aventure avec cet effet activé, les pertes en termes de fluidité n'étant pas suffisantes pour nécessiter sa désactivation.
Capcom dans du beurre
Pour ce qui est des graphismes de Resident Evil Village dans leur ensemble, il est indéniablement possible de parler d'une grande réussite aussi bien technique qu'artistique. Capcom semble maîtriser le RE Engine et le jeu est pour le moins irréprochable techniquement, un léger clipping mis à part. Qu'il s'agisse des décors, des personnages ou du bestiaire, l'ensemble se montre très propre et ne souffre pas d'aliasing (et bénéficie d'une résolution en 2160p sur PS5 et Xbox Series X). Les environnements sont variés, détaillés et extrêmement propres. Les visages, comme celui d'Heisenberg, sont par ailleurs extrêmement réussis et réalistes (une poignée d'autres, comme celui de Mia ou du marchand, semblent un cran en-dessous mais font figure d'exceptions) Esthétiquement, Capcom a là aussi abattu une quantité conséquente de travail. Travail de qualité qui plus est. Si le village n'est pas sans rappeler certains décors de Resident Evil 4, les autres environnements sont à la fois variés, et pour certains proposent des choses réellement inédites. Mentions spéciales au magnifique château Dimitrescu et sa décoration très riche pleine de dorures ainsi qu'à un passage vertigineux dont le contenu doit être passé sous silence.
Niveau son, Capcom a là aussi fait de l'excellent travail. Les personnes qui décident de jouer avec un casque seront par exemple maintenus dans un état de stress quasi permanent avec un ensemble de sons et autres bruitages qui, lorsqu'ils ne sont pas de fausses alertes, indiquent que le danger est tout proche. Les musiques se font quant à elles relativement discrètes mais se déclenchent quand les situations le nécessitent, afin d'augmenter la tension et la sensation d'urgence par exemple. Toujours à propos des mélodies, il est possible de souligner que d'une zone du jeu à l'autre, Resident Evil Village propose des ambiances sonores sensiblement différentes. Certaines pistes ne ressemblent par ailleurs pas à d'autres entendues précédemment dans la série.
En ce qui concerne les dialogues, il convient de préciser que votre serviteur a joué avec les voix américaines. Et si le jeu des acteurs est dans l'ensemble satisfaisant, certains comédiens, comme ceux d'Ethan Winters et Heisenberg pour ne pas les nommer, ont une certaine tendance à surjouer. Le héros n'est par ailleurs pas aidé par les petites phrases de type "action hero" un peu kitsch qu'il lance à différents moments de l'aventure (même si certaines peuvent d'une certaine manière se comprendre vu le contexte dans lequel elles sont lancées). Le jeu ne marquera certainement pas pour ses dialogues. Les petits couacs du côté de l'acting ne viennent cependant pas gâcher le plaisir procuré par le jeu dans son ensemble.
Action, réflexion
Du côté du gameplay, les joueurs de Resident Evil 7 biohazard seront ici en terrain connu. Capcom a cependant procédé à quelques ajouts. Comme dans le précédent épisode, Ethan peut se protéger avec ses bras afin de limiter les dégâts subis. Avec le bon timing, le héros a cependant désormais la possibilité de contre-attaquer. Dans certains lieux visités par le joueur au cours de l'aventure, Ethan a également la possibilité d'utiliser un élément du décor pour bloquer une issue et limiter les points d'attaque potentiels des ennemis. Autre nouveauté, le héros va croiser des animaux à différents moments de son aventure. Si le joueur le souhaite, il va pouvoir chasser ces animaux et les remettre au marchand afin de booster de manière définitive ses statistiques (comme sa barre de vie ou sa capacité à sprinter par exemple). En parallèle, Village met l'accent sur l'artisanat. S'il a sans surprise la possibilité de crafter des objets de soin dans la plus pure tradition des Resident Evil (mais avec une recette différente), il peut également fabriquer diverses munitions à l'aide d'objets récupérés un peu partout.
Qui dit Resident Evil dit bien évidemment énigmes. Et elles sont ici présentes en nombre. S'il s'agit la plupart du temps de trouver la partie manquante d'un objet et d'ensuite le replacer là où il était à l'origine, quelques énigmes sont plus originales peuvent exploiter le moteur physique du jeu ou demander au joueur de travailler son timing. Les habitués de la série ne devraient pas rencontrer trop de difficultés à compléter les différents puzzles, ce qui rend ces derniers satisfaisants et ne casse pas le rythme de la progression évoqué ci-dessus. Pour en revenir au combat, Ethan est confronté à un bestiaire varié aux caractéristiques, comportements et points faibles eux aussi variés. S'il est toujours plaisant de récupérer des armes de plus en plus puissantes et d'exploser les ennemis qui barrent la route du père désespéré, une personne qui prend le temps de fouiller les environnements et de résoudre les puzzles facultatifs ne devrait pas rencontrer de soucis d'approvisionnement en munitions et pourra donc affronter tous les ennemis qu'il croise. Et cela peut contribuer à accentuer le sentiment d'être face à un jeu d'action qui déplaira peut-être légèrement aux puristes du Survival Horror.
Éveil des deux sens ?
Si Resident Evil Village exploite bel et bien les gâchettes adaptatives de la manette DualSense, il faut bien admettre que l'utilisation qu'elle en fait est relativement timide. De plus, il apparaît que ces mêmes gâchettes ont du mal à suivre lors des séquences à l'action la plus soutenue. Certains tirs, au shotgun par exemple, pourront être accompagnés d'une résistance de la gâchette pour simuler la gâchette de l'arme. Mais lorsque le joueur tir de manière rapide et répétée, l'effet n'est pas toujours présent. Resident Evil Village bénéficiant d'emblée d'une ambiance et d'une atmosphère pour le moins immersives, une utilisation plus approfondie de la DualSense aurait encore plus plongé le joueur dans le cauchemar éveillé d'Ethan. Cette remarque est de l'ordre du détail vis-à-vis de la qualité d'ensemble du titre. Les fonctionnalités de la DualSense faisant partie des arguments de vente de la PS5, la chose méritait d'être soulignée.
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L'AVIS DE LA RÉDAC' | ||||
D'AUTRES MEMBRES DE L'ÉQUIPE VOUS DONNENT LEUR AVIS... THOMAS PILLON : Ayant abandonné Resident Evil 7 en cours de partie, c'est sur la pointe des pieds que j'ai lancé cet épisode Village. Si l'accueil des locaux n'a évidemment pas été des plus chaleureux, force est de constater que cette aventure roumaine m'aura enfin réconcilié avec la série. Profitant de la nouvelle génération de consoles pour offrir un travail tout simplement remarquable dans la gestion des ombres, de la lumière, mais aussi de la spatialisation du son, Resident Evil Village offre une ambiance dense, souvent terrifiante, qui m'aura fait hurler bien plus d'une fois. Si cette part du contrat est allègrement remplie, l'aventure n'est pas parfaite, loin s'en faut. On pardonnera sans doute plus facilement les petits accrocs de game design aussi nombreux que bénins, et qui ne facilitent pas toujours la progression, mais difficile de passer outre le personnage d'Ethan Winters, cumulant écriture à la ramasse et interprétation complètement ratée. Mais que l'on ne s'y trompe pas : malgré ces quelques loupés, l'oppression qui marque ce quasi-hommage au quatrième opus laissera son empreinte dans bien des esprits, et sa galerie de personnages souvent marquants fait de Resident Evil Village une raison supplémentaire de préférer la campagne. Avec une telle maîtrise de l'horreur et de l'oppression, Capcom est bien redevenu le maître de l'horreur, même s'il faudra encore quelques efforts pour enfin quitter le domaine de la série B. Oui, comme BioHazard. |
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L'AVIS DE LA RÉDAC' | ||||
D'AUTRES MEMBRES DE L'ÉQUIPE VOUS DONNENT LEUR AVIS... GIANNI "PLUME" MOLINARO : Mettons de côté le fait qu'Ethan Winters ruine presque à lui tout seul toutes les bonnes intentions de ce Resident Evil Village. Oublions que son personnage est extrêmement mal développé et ne sait pas quand la fermer. Occultons qu'il soit toujours un peu trop pataud lorsqu'il faut se mouvoir rapidement face à un boss autrement plus rapide. Ne parlons pas non plus de la dernière ligne droite de l'aventure, vraiment trop tournée vers l'action. Concentrons-nous sur ce que le jeu de Capcom a de bon. Parce que le niveau atteint parfois des sommets. La technique et l'artistique se marient à merveille pour procurer des sensations d'immersion incroyables. Lorsqu'il est question de survie, d'horreur, d'énigmes, et d'exploration avec un petit noeud à l'estomac et une larme en regardant sa réserve de munitions alors qu'on entend grogner à proximité, Resident Evil Village nous éblouit. Il est bizarre, juste comme il faut. Il ose certaines choses qu'on aurait pas crues de la part de son développeur, ne fait pas trop long et sait entretenir son tempo, de quoi se dire qu'il ne manque finalement que quelques ajustements à l'éventuelle suite pour que la formule atteigne son apogée. |