Le centième jeu de Team 17 (projets internes et édités inclus), c'est lui. PLANET ALPHA, démarré il y a quelques années dans les seules mains d'Adrian Lazar, ancien de IO Interactive, a la lourde charge de marquer une histoire débutée avec Full Contact il y a pas loin de 30 ans. Dans la ligne de mire de nombreux joueurs avertis qui ont immédiatement accroché à son esthétique science-fiction colorée et à son admiration manifeste pour Another World, ce titre peut-il aussi laisser son empreinte sur l'année 2018 ?
Un humanoïde longiligne vêtu d'une combinaison spatiale typée années 70 avance cahin-caha vers la droite de l'écran. Ralenti par d'évidentes blessures, il traverse plusieurs environnements désertiques et imposants, seul, jusqu'à atteindre l'entrée d'un temple face auquel il s'écroule. Écran noir. On le retrouve à l'intérieur, prêt à repartir. Où va-t-il ? Vagabonde-t-il au hasard ? Échappe-t-il à quelque chose? Est-il en quête d'une autre ? On ignore tout de ce qui le guide. Et ce mystère va être la première étape d'une invitation au voyage à laquelle il est bien difficile de dire non...
Luxe, calme et volupté ?
Il faudra un peu de temps avant d'envisager comprendre ce que nous réserve l'aventure proposée par PLANET ALPHA. Se présentant comme un jeu de plate-forme et de réflexion en 2D façon Another World ou Inside, il partage avec eux le goût du mutisme. Plutôt que de donner la parole à son protagoniste ou à ses éventuelles rencontres, le jeu de Planet Alpha Game Studio, opte pour un langage 100% visuel, maîtrisé. La narration environnementale s'avère d'une grande limpidité et favorise l'immersion grâce à une absence quasi-totale d'interface - les touches assignées au saut et à l'action/accroupissement ne sont montrées qu'une fois. Le plaisir de la découverte s'en trouve décuplé.
Il faut dire qu'on est accueillis comme des princes : herbes hautes chatoyantes, cascades impressionnantes, plantes géantes aux couleurs chaudes qu'on croiraient empruntées à nos fonds marins, créatures majestueuses nous observant au loin ou baleines volantes faisant planer leur ombre sur notre tête tout en poussant un cri puissant, petites raies luminescentes décollant à votre aproche, riches arrières-plans, ciels saturés de vie et de bonheur.... Les environnements initiaux rayonnent de quiétude, de beauté. Et même si tout cela est amené à changer à mesure que l'on avance - promis, pas de spoilers -, rassurez-vous : y compris dans des cavernes lugubres, au-dessus des nuages ou dans des décors qui évoqueront les usines de L'Odysée d'Abe, vous serez fréquemment en contemplation face à une esthétique léchée, un low poly bien poli et qui ne prends pas l'eau, hormis lorsque vous ne parvenez plus à distinguer le héros, et quelques effets de caméra qui accentueront avec brio le sentiment de solitude, d'oppression et parfois d'urgence...
Working day and night
On ne s'en doute pas au premier abord, mais ce titre minimaliste où l'on va passer la majeure partie de son temps à marcher, bondir, escalader des murs, glisser, et déplacer des blocs pour atteindre certaines hauteurs et rebords auxquels on s'accroche automatiquement, nous met face à plus d'une menace, souvent critiques pour la planète. Outre des éléments prenant soin de s'écrouler ou de bouger pour faire travailler vos réflexes et la maîtrise d'un saut qui ne répond pas toujours efficacement, des créatures mortelles vous attendent. Si l'on est pas équipé pour riposter, cela ne signifie pas qu'on est désarmé. Aimant alterner sur de l'infiltration, PLANET ALPHA vous propose régulièrement de vous baisser à l'abri des regards, de sortir la tête le temps de créer une diversion, de jouer avec les angles morts.
Il y ajoute un pouvoir important : le contrôle d'un cycle jour-nuit, sur les gâchettes, qu'on imaginait d'abord cosmétique. Servant évidemment pour une grande partie des casse-tête (toujours assez évidents, n'espérez pas vous arracher les cheveux), ce mécanisme interviendra plus d'une fois pour que la végétation ou la faune change de comportement. Des champignons qui poussent ou se renfrognent suivant la luminosité, des fleurs tirant des bombinettes explosives à la nuit tombée, des arbres qui s'illuminent et attirent les insectes, des plates-formes qui changent de place ou encore des arbustes luminescents qui procurent une longueur de saut boostée : le droit de manipuler le ciel selon nos envies figure comme une compétence tout à fait appréciable. En plus de nous laisser profiter d'effets de lumière somptueux, il s'intègre parfaitement et aide à bien soutenir le tempo de certaines séquences, pour peu qu'on soit suffisamment observateur pour ne pas passer par la case die and retry - qu'il sera cependant difficile d'éviter, en particulier lors des tests d'agilité en basse pesanteur, cachés dans certains chapitres.
Souviens-toi l'E.T. dernier
Au bout de quelques heures (qui peuvent s'allonger si jamais vous omettez certaines séquences donnant accès à la véritable fin), alors que les crédits défilent, on ne peut qu'être satisfait du parcours, bien rythmé et décidément magnifique, conçu par les développeurs, qui auront su susciter plusieurs sentiments comme la peur ou l'empathie. Mais aussi une certaine frustration à cause de différents bugs mineurs et de la façon dont sont gérées les réapparition après un décès inopiné. À plusieurs reprises, nous avons rendu l'âme à un cheveu de la solution à une situation urgente, voire juste après l'avoir trouvée. Si de manière général le respawn s'effectue quelques mètres en arrière, nous avons été parfois victimes de flash forward qui ne nous laissaient pas apprécier l'application de la solution et donc goûter la sensation d'accomplisement. Étonnant.