Forcément, lorsqu'un studio composé d'anciens de Telltale et de Disney se forme, ça a tendance à intriguer. Et lorsqu'il annonce qu'il va proposer un jeu d'aventure à embranchements, avec images ravissantes à l'appui, on est conquis d'avance. Mais Oxenfree, qui avait piqué notre intérêt il y a quelques temps et que l'on a suivi avec attention, est-il aussi surprenant qu'il en a l'air ?
Combien de films montrent une bande de jeunes traversant un véritable cauchemar après avoir décidé de passer la nuit dans un lieu reclus ? Combien qui en en voient aller enquêter sur une légende urbaine et réveiller des forces surnaturelles ? Autant d'alertes pour éviter les ennuis qu'une petite poignée d'ados américains a oublié au moment de prendre le dernier ferry vers une île - ancienne base militaire recyclée en zone touristique - désertée. Et évidemment, lorsque Alexandra, que vous incarnez, va s'intéresser de près à une histoire d'esprits hantant les lieux, la fiesta va tourner court. Et il sera vite question de trouver un moyen de se tirer sans encombres aux côtés de son beau-frère Jonas, de son meilleur pote Ren, de la discrète Nona et de la très bitch Clarissa.
Il est déjà thriller ?
Oxenfree appartient à cette catégorie de jeux narratifs qu'on qualifie volontiers de "walking simulators", dans laquelle se retrouvent des Gone Home, The Vanishing of Ethan Carter, Proteus ou encore The Stanley Parable. Comprenez que vous allez essentiellement passer votre temps à vous balader en étant témoin plus qu'en agissant directement sur votre environnement par le biais d'éventuelles énigmes. Des puzzles, vous n'en trouverez pas. Les éléments avec lesquels vous entrerez en connexion serviront à vous raconter des histoires, celle de l'île et des événements qui s'y seraient produit par le passé. Est-ce à dire que vous n'allez rien vivre ni ressentir ? Pas exactement. Cela pour une bonne raison : le jeu de Night School Studio vous sollicite en permanence tandis que vous gambadez à la recherche de vos compagnons et de solutions d'évasion. Et comment donc Houston ? Avec des dialogues omniprésents (et superbement écrits) pour lesquels votre participation sera souvent capitale.
Bla bla, car...
A l'instar de ce que l'on trouve dans expériences signées Telltale, vous êtes régulièrement soumis à des choix de réponses face à certaines situations et répliques. Trois possibilités orales qui apparaissent sous forme de bulles et s'estompent assez vite pour laisser place à votre silence. Ce qui nous fait quatre options qui peuvent, à certains moments importants, déterminer le destin de l'héroïne et, surtout, façonner les relations qu'elle entretient avec chacun des autres acteurs de cette fable surnaturelle et frissonnante. Suivant votre comportement, l'issue de l'aventure et l'épilogue auront des tonalités très différentes. Ajoutez à cela l'emploi d'une radio dont les fréquences feront avancer le schmilblick et en diront davantage sur l'histoire de l'île à des endroits-clés, ainsi que des lettres éparpillées pas faciles à trouver dans les différentes zones à explorer, et vous éprouverez, assez naturellement, l'envie d'y retourner après un premier run (évalué à 5 heures de jeu environ). Seul petit problème : il faudra tout recommencer depuis le début, aucun chapitrage et aucune possibilité de sauvegarde ne permettant de retourner aux instants où tout peut basculer.
Flot naturel
Ce genre de handicap ne freinera pas tout le monde, étant donné qu'Oxenfree dispose d'atouts artistiques et narratifs assez imparables. Sa direction artistique d'abord. Vu en 2D, avec une caméra assez éloignée, son coup de crayon rappelle le très cartoonesque Broken Age ou encore The Cave. C'est suffisamment varié, coloré, détaillé et bien animé pour qu'on le trouve immédiatement adorable. Et puis cette ambiance entre Scoobi-Doo, Poltergeist et Les Goonies, avec une bande-son signée scntfc (Sword & Sorcery) qui nous ramène droit dans les années 80... Sans chercher à se transformer en machine à jumpscare comme le très gore Until Dawn, elle parvient néanmoins à entretenir un climat d'inquiétude et de suspense savamment dosé, avec de nombreuses surprises. Quant aux discussions entre les protagonistes, fichtrement attachants et dont on va apprécier l'évolution, elle permettent de maintenir un rythme absolument parfait. Aucun temps mort pendant que vous avancez, aucune longueur. Et aucune sensation que les échanges et remarques ont été enregistrés par des doubleurs (parmi lesquels on retrouve Gavin Hammon et Erin Yvette, qui ont officié sur The Walking Dead ou encore Tales From The Borderlands) enfermés dans des cabines isolées. Tout paraît terriblement naturel et coulé. Et rend l'expérience globale (entièrement en anglais, attention) terriblement satisfaisante.