Après Katana ZERO en avril dernier, Devolver Digital s'intéresse une fois de plus à une production dont le héros peut défier les lois du temps. Run and gun qui semble avoir dans son ADN des traces de Hotline Miami, Max Payne et Tony Hawk, My Friend Pedro est suivi depuis longtemps par les amateurs de ballets balistiques. Mais le résultat est-il, comme le dit l'expression un brin obsolète, de la balle ?
Une entrée fracassante. Un saut depuis un skateboard duquel naît un triple boucle piqué du plus bel effet. Un tourbillon de bastos viennent se ficher dans les buffets de deux gredins qui n'ont pas eu le temps de réagir. S'ensuit un coup de pied dans le membre indéterminé d'un autre cadavre, à la trajectoire parfaite et à la puissance suffisante pour tuer un troisième larron. Pour finir, un rebond sur le mur le plus proche avec ricochets multiples sur une plaque en acier pour refroidir un lascar en embuscade plus haut. Retour à la vitesse normale. La pièce est clean. On a le sentiment du devoir accompli. Et l'appétit grand ouvert, prêt à se bâfrer d'autres séquences de nettoyage maîtrisé, explosif, où chaque geste à l'écran fait songer à un bon John Woo sous une substance illicite inconnue. Ou un truc encore plus fort. Du genre qui laisse bloqué de l'autre côté. Oui car, rappelons-le, au début de My Friend Pedro, tout ce que vous savez de votre protagoniste masqué, c'est qu'il doit tuer des gens, plein. Et que c'est une banane qui le lui ordonne.
Histoire antioxydée
Je ne vous cacherai pas que la trame n'est à aucun moment le point fort du jeu de Deadtoast. Le décalage entre l'ultra-violence et la présence d'un fruit qui parle fait sourire, autant que certains phylactères où apparaissent des répliques d'ennemis liées à leur "clan". Mais les quelques bribes de scénario semblent là parce qu'il le fallait, pas parce qu'il y avait de l'inspiration - ce qui permet d'écarter le cannabis des drogues employées pendant le développement, si j'en crois une chanson de Billy Ze Kick. Les motivations - les raisons qui mènent à traverser une ville déserte, des chantiers désaffectés ou encore des égouts, guns à la main - et la révélation finale : c'est au mieux un sourire si vous êtes sous psychotrope, au pire, dans la sobriété, la sensation d'avoir un gros majeur dressé devant vos mirettes. Mais, bon, on est venus pour quoi, en fait ?
Style loving you
Pour flinguer. Avec style. Sur des morceaux électro lourds, puissants et entraînants. Là en revanche, pas de problème, on en a pour notre argent. Et contrairement à ce que l'on pourrait croire avec ce shooter à défilement horizontal tourbillonnant, le cerveau est largement mis à contribution. La coordination, surtout. Sous notre impulsion, le héros fait montre de nombreuses qualités. Il se meut avec agilité, vise avec une certaine précision, que l'on ait un stick analogique sous le pouce droit ou un clic de souris sous l'index. Acrobate, il peut rebondir sur les murs ou tourbillonner en vue d'éviter les projectiles ennemis et se mettre en boule façon Samus Aran lorsque des passages étroits se présentent. Mais ça, ce ne sont que les bases.
À mesure que l'on progresse, on lui découvre d'autres talents, comme ce coup de pompe dévastateur (mais à l'animation clairement grotesque), la capacité de marcher en équilibre sur des containers roulants, de continuer à tirer accroché à une corde, ou simplement lancé à toute allure sur un skateboard que l'on peut, en outre, envoyer dans une bouche. Tout ça - avec un arsenal complet allant d'un simple pistolet au fusil de chasse en passant par un Uzi dans chaque main (aucun problème de visée, grâce à un verrouillage de la deuxième arme) - pour jouer les poseurs. Au ralenti.
Banana Split Second
On se trouve vite en mesure de "freiner" le temps. Il s'agit de la mécanique indispensable pour rendre l'expérience foutrement jouissive, aussi bien à jouer qu'à regarder. Si vous arrivez à enchaîner les bonnes esquives, indispensables, et les galipettes, que vous vous faites au maniement (un peu flottant avec des réactions parfois étranges à l'approche d'un rebord), le défouloir peut se muer en une série de chorégraphies superbes, en tableaux où le sang se mêle langoureusement aux étincelles et autres explosions. Il n'y a pas une seule méthode, un seul chemin, pour se débarrasser d'une escouade. Un petit coup d'oeil, de la créativité, et de la mobilité. L'usage du bullet time devient une seconde nature, un pré-requis pour s'assurer un flow de tricks et un multiplicateur vibrants, un score et un classement pas trop dégueulasses une fois un niveau vaincu.
Ciao Plantain
Des stages, on en trouve une quarantaine. Certains plus tournés vers la castagne, d'autres vers la plate-forme de précision question timing pour éviter d'enclencher des alarmes. Quarante, c'est bien, surtout qu'il y a des variations sympathiques, comme cette course-poursuite à moto. Mais la vérité, c'est qu'on se sent plutôt frustré par la brièveté globale. La difficulté normale, fort conciliante en termes de récupération d'énergie et de visée des ennemis, c'est vite plié : 3 heures en prenant en compte d'éventuels trépas. La plus ardue se montre à peine plus relevée une fois que l'on maîtrise tout sur le bout des doigts et que l'on a mémorisé, comme dans un jeu de course, la trajectoire et les obstacles. On regrette évidemment que l'ensemble évolue assez peu, tant en termes de résistance ennemie que d'objets du décor bien placés et ayant un impact potentiel (couteaux, poêles à frire, bonbonnes, ballons de basket...). Mais peut-être s'avérait-il nécessaire de ne pas en faire trop, histoire d'avoir toujours la banane, et d'éviter l'indigestion.