Qui l'eût cru ? Alors que les aventures de Samus Aran devaient s'écrire en trois dimensions, Nintendo dévoilait cet été l'arrivée d'un nouvel épisode à l'ancienne, Metroid Dread. Chargé de renouer avec les bases de la série tout en y apportant une conclusion - que l'on imagine temporaire-, cet épisode développé par Mercury Steam peut-il seulement avoir les épaules assez larges pour honorer son rendez-vous avec l'histoire ? Avec une combinaison de gravité, tout est pourtant possible.
Peu de séries peuvent se targuer d'avoir à ce point laissé une trace indélébile dans le jeune médium jeu vidéo que les aventures de Samus Aran : si plus personne ne parle aujourd'hui de Doom-like pour désigner un FPS, le genre du metroidvania reste toujours aussi sémantiquement rattaché à la série entamée en 1986 sur Famicom Disk System. Mais c'est peu dire que de l'eau a coulé sous les ponts depuis la sortie des épisodes Fusion et Other M, les deux derniers représentants du genre, et les vieux flibustiers de l'espace peuvent légitimement se demander si Nintendo est encore capable de tenir la dragée haute face à une concurrence désormais pléthorique, et surtout très inventive. Heureusement pour eux, les espagnols de Mecury Steam ont fait le pari de se montrer sans concessions. Pour un titre édité par le constructeur de Kyoto, voilà qui n'est assurément pas banal.
Attachez vos ceintures (de Kuiper)
Le producteur Yoshio Sakamoto, aux commandes de la saga Metroid depuis le début des années 1990, avait tenu à rapidement planter le décor : si ce nouvel épisode renoue avec les origines de la série, c'est aussi pour mieux conclure un arc scénaristique entamé il y a 35 ans. L'intrigue commence donc juste après le dénouement de Fusion, alors qu'un nouveau parasite X est aperçu sur la planète ZDR, malgré les efforts de Samus pour l'éradiquer. Ni une, ni deux, la Fédération Galactique envoie sa propre version du commando Ginyu pour mener l'enquête : un septuor de robots du nom d'EMMI, pour Explorateurs Mobiles Multiformes Interplanétaires.
Mais après un silence radio qui n'annonce rien de bon, la célèbre chasseuse de primes est évidemment désignée pour aller voir ce qu'il se passe : immunisée contre le parasite, elle seule est à même d'opposer une résistance à l'envahisseur qui avait nécessité la création des Metroïdes par les Chozos. Que ceux qui n'auraient pas en mémoire les us et coutumes de la tribu, largement détaillés dans la trilogie (pour l'heure) Metroid Prime se rassurent : Nintendo a bien conscience du temps écoulé depuis, et propose une remise en contexte avant de partir à l'aventure, histoire que tout le monde s'y retrouve à peu près. Épisode 2D oblige, il faudra en revanche se passer de document, et compter sur le visuel pour nous tenir en haleine.
We Love ZDR
C'est justement un Chozo que la belle rencontre dès son arrivée sur ZDR, mais les retrouvailles sont aussi brèves que glaciales : une ellipse plus tard, on retrouve Samus défaite, et une fois de plus dépouillée de son attirail. Une fois encore, tout est à refaire. Heureusement, l'IA de son ancien mentor est également de la partie, et c'est depuis les profondeurs de la terre qu'il va falloir retrouver le chemin de la surface, et supprimer une nouvelle menace. En effet, les EMMI ont entre-temps pris de soin de devenir hors de contrôle, et cherchent à exterminer Samus sans ménagement. Autant dire que la mission n'a plus rien d'un exercice de routine.
Guidée par la voix robotique d'Adam Malkovich, notre héroïne va devoir naviguer entre les sept biomes de cette planète hostile. Des environnements plus variés que jamais, qui proposent tous une ambiance particulière, et s'articulent véritablement les uns dans les autres. D'abord un peu guidée, la progression laisse rapidement le joueur trouver son chemin, et faire bon usage des missiles, morphball, grappins et autres accélérations pour progresser dans ce labyrinthe qui nécessite d'être véritablement attentif en tous circonstances. À l'instar de l'opus fondateur, Metroid Dread est un titre exigeant qui n'épargne rien aux joueurs, et c'est tant mieux. L'aventure est évidemment plus simple qu'en 1986 grâce à un système de téléporteurs qui raccourcissent les distances, mais aussi par la mise en surbrillance des types de portes et autres blocs à détruire sur la carte. Dommage que l'arsenal en expansion complexifie un peu trop la prise en main, ce qui n'est pas sans occasionner quelques ratés, de ceux qui peuvent vous coûter la vie.
Les EMMI de mes ennemis
Cette volonté de ne rien céder se trouve largement illustrée par la principale nouveauté de cet épisode : les fameux EMMI. Ces sept robots patrouillent inlassablement une zone de chaque biome, en scannant les environs à la recherche d'un mouvement, ou d'un bruit qui trahirait la présence d'une gêneuse. Lorsque l'on pénètre dans leur périmètre, la traque commence, et Samus devient alors une véritable proie : au moindre contact, l'EMMI l'attrape, et il faut faire preuve de solides réflexes pour ne pas aussitôt voir apparaître l'écran de game over. Le contre, hérité de Samus Returns offre en effet une chance de pouvoir s'échapper, mais la fenêtre de tir est aussi mince qu'aléatoire.
Si l'on s'habitue à régulièrement trépasser, la montée en gamme (et en dangerosité) des robots-tueurs réussit à installer un climat de tension, sinon de peur, tant il faut surveiller le moindre bruit de pas pour espérer s'en sortir. L'effet est réussi, et la signature sonore de ces antagonistes malgré eux offre ainsi quelques sueurs froides, sans évidemment parvenir au niveau du glaçant "Staaaaars" de Resident Evil 3.
Chaque traque se ponctue finalement par le même combat de boss (une bien vilaine manie que Nintendo cultive ces derniers temps), qui permet à Samus d'utiliser le tout nouveau canon Oméga, un tir surpuissant qui peut annihiler un EMMI à la fois, mais qui nécessite une charge longue et surtout peu ergonomique, avec sa vue de trois-quarts. Toujours est-il que grâce à ce septuor, Metroid Dread offre jusqu'à son dénouement des séquences tendues, qui se moquent de l'infinie montée en puissance de Samus.
Terre de contrastes
C'est qu'il y en aura, des items à trouver dans les profondeurs de ZDR : pour affronter l'ultime défi lié aux Métroïdes, la chasseuse de primes devra multiplier les aller-retours, parfois guidée par les conseils d'Adam, seul guide à qui l'on peut de temps à autre se raccrocher. Si les joueurs attentifs et rompus à l'exercice trouveront rapidement leur chemin une fois en possession d'une capacité supplémentaire, Metroid Dread est de ces jeux qu'il ne faut jamais laisser reposer trop longtemps, sous peine de se gratter la tête à la reprise. Heureusement, l'aventure est si prenante que l'on ne voudrait jamais reposer la console. L'équilibre y participe d'ailleurs grandement : en plus des EMMI suscités, les boss plus classiques de cet épisode offrent eux aussi un challenge relevé. Malgré des dizaines de missiles et quelques réserves de vie, il faudra bien vite apprendre par cœur les patterns de chacun pour triompher, et ces combats parfois dantesques rappellent avec bonheur les plus belles heures de la série.
Et tant qu'à parler de beauté, Metroid Dread profite évidemment de l'écran contrasté de la Switch OLED pour briller à sa façon : les profondeurs de ZDR ressortent évidemment mieux sur la nouvelle console, et les haut-parleurs plus fins permettent de profiter d'une bande-son toujours discrète, mais qui ne manque pas de rendre quelques vibrants hommages aux thèmes culte de la série, Brinstar en tête. Mais si l'aventure tente (à son niveau) de bien belles choses sur le plan de la mise en scène, grâce à des plans très dynamiques qui voient s'enchaîner à la quasi-perfection gameplay et cut-scenes, la technique affiche encore quelques faiblesses lors de certaines transitions. Qu'importe : à 60 FPS, l'action reste aussi frénétique que promise et l'on profite d'autant plus de la variété des décors proposés, qui prennent (enfin) quelques libertés en dézoomant lors des moments opportuns.
See you next mission
La dimension conclusive de Sakamoto est également au rendez-vous, mais il faut malgré tout attendre les dernières heures de l'aventure pour que le rythme s'accélère, et achève de relier une tripotée d'épisodes dans un duel final délicieusement retors... qui donne très envie de relancer immédiatement une nouvelle partie avec l'apparition du mode Difficile ! Et peut-être, qui sait, espérer profiter d'une séquence finale moins abrupte que celle qui s'offre par défaut en mode Normal. Car malgré un parallèle pertinent avec le principe de la dissuasion nucléaire rapidement exprimé, les aventures de Samus Aran n'auraient-elles pas mérité une conclusion plus étoffée ? Avec un taux de complétion honorable mais encore incomplet après une dizaine d'heures de jeu, votre serviteur devra encore explorer les profondeurs de ZDR pour découvrir si une séquence supplémentaire viendra récompenser les chasseurs de 100%. Et très franchement, la proposition est suffisamment alléchante comme ça.