Après sa première aventure isométrique dans le monde du RPG, Mario a développé une double personnalité, l'une plutôt solitaire en papier, et l'autre intimement liée à Luigi. Le moment est toutefois venu de réunir ces deux dimensions, histoire d'affronter une menace démultipliée. Mais l'union fait-elle toujours la force ?
Il suffit parfois d'un courant d'air pour tout chambouler, à commencer par le livre de Paper Mario. Ses pages laissent alors malencontreusement s'échapper les habitants de cet univers dans celui de Mario & Luigi. Résultat, tout le monde y existe en double, une expérience assez particulière pour découvrir la face cachée de chacun. Mais avec deux Bowser, le pitch passe d'autant plus vite à Peach, en l'occurrence son double enlèvement. Nos plombiers moustachus héritent ainsi d'une double mission, sauver à la fois les princesses et les Toads de papier pliés aux quatre coins du Royaume Champignon. Comme de coutume dans la saga, AlphaDream a évidemment dû se débrouiller avec peu de substance scénaristique pour concocter Mario & Luigi : Paper Jam Bros. Et la réunion de ces deux dimensions n'apporte pas grand chose, si ce n'est un humour au troisième degré soigneusement souligné par la traduction, plus épatante que jamais. Car le studio nippon a préféré rire de cette succession de péripéties absurdes qui tombent souvent à plat, au sens propre ou au figuré.
Carton pâtes
De toute façon, les Mario RPG - tout spécialement ceux en compagnie de Luigi - ne reposent pas sur le récit, à l'opposé de la plupart des représentants du genre. Ces aventures naissent d'une idée de gameplay, la matière première pour construire ensuite le décor et l'histoire tout autour. Celle-ci se révèle donc encore tirée par les moustaches, néanmoins l'auto dérision aide à avaler la pilule d'un tel enchevêtrement de 2D et de 3D, même sans Dr. Mario. Nos trois héros s'appuient littéralement sur les propriétés du papier et des polygones pour évoluer à travers l'environnement, chaque personnage ayant son bouton attitré, qu'il s'agisse de sauter lors des habituelles phases de plateforme, ou de se glisser entre deux parois étroites, un talent dont le filiforme Paper Mario est le seul à disposer. S'y ajoutent de nouvelles actions en trio, plutôt originales d'ailleurs, qui donnent progressivement accès aux différentes sections de la carte, sans oublier la course turbo. Cette dernière permet notamment d'attraper les Toads paniqués, une activité récurrente parmi les quêtes.
Collecte de champignons
En effet, suivant un découpage étonnamment classique, cet épisode demande d'accomplir des tâches confiées par les Lakitu pour avancer. Elles consistent à des mini jeux d'adresse, des quizz ou des séances de recherche, souvent ponctuées de combats afin de délivrer les Toads des griffes des ennemis. Les chapitres se concluent régulièrement par une bataille un peu longuette à bord d'un Titancarton, dans la lignée de celles des précédents opus avec Bowser ou Luigi géant. Bien que ces joutes se déroulent désormais au sein d'une arène en trois dimensions, avec des zones pour récupérer de l'énergie via un exercice rythmique, le ridicule assumé de ce spectacle a surtout des allures de nouvel hommage aux séries Tokusatsu, pas nécessairement connues pour leurs inventivité. La redondance de la trame confirme ce manque d'inspiration, à l'instar du recyclage de nombreuses attaques frères. Heureusement, Paper Mario amène avec lui une ramette de techniques en trio aussi dévastatrices que ludiques, et ce n'est pas son seul argument de poids.
Supra Paper Mario
Rien ne change durant les déplacements sur la carte, puisque les ennemis demeurent visibles de manière à tenter de les éviter ou de les prendre par surprise (et vice-versa). Cependant une fois le combat engagé, Paper Mario déploie les aptitudes spécifiques que lui procure le matériaux dont il est constitué. Tout d'abord il peut bondir plus longtemps grâce à sa légèreté, pratique pour esquiver certains assauts, même si cela suppose de gérer l'atterrissage différemment. Or le timing (un chouïa plus tolérant) et l'assimilation des patterns adverses restent essentiels, au point de neutraliser les dommages, voire de contre-attaquer. Idem pour les phases offensives, où Paper Mario étale toute sa puissance. Sur le papier, ses caractéristiques semblent plus faibles que ses compères, mais il est capable de réaliser des copies de lui même, ce qui multiplie proportionnellement le nombre de ses coups. En outre ses doublures jouent le rôle de gardes du corps, les (ré)générer coûtant un tour. Pas cher pour une telle arme de destruction massive, y compris face à des énergumènes dont la déclinaison aplatie se révèle également plus rugueuse...
Origamiibo
Cet épisode conserve pourtant l'option autorisant de réessayer à l'infini en cas d'échec, ainsi que le mode (très) facile, avec l'impossibilité de décrocher les prix des défis experts pour unique contrepartie. Évidemment les facétieux Boss sont susceptibles de froisser les néophytes, le temps de découvrir leurs faiblesses, toutefois le challenge perd en relief. Pire, les cartes personnages obtenues par le biais des amiibo compatibles se montrent d'une efficacité démesurée. Et si la restriction d'un usage par combat contrebalance quelque peu leur impact, les versions brillantes créées à partir de deux figurines identiques en remettent une couche avec des points étoiles bonus destinés aux cartes de combat. Ces dernières ne nécessitent pas d'amiibo et introduisent un système nettement plus équilibré, qui remplace ingénieusement les stickers jetables du dernier volet de Paper Mario en guise de magie. L'élaboration des paquets étoffe sensiblement l'aspect stratégique tout en stimulant la collectionnite, tandis que la chasse aux haricots pour booster ses troupes prolonge l'intérêt sur le long terme. De là à penser qu'AlphaDream songe déjà à autre chose, il n'y a qu'un pas.