La vie peut parfois nous désarmer pour mieux nous envoyer sans crier gare un bon coup dans les valseuses, profitant de notre empathie et de notre faiblesse envers ce qui est esthétique. "Ooooh mais qu'il est mignon" peut-on rapidement s'extasier devant une boule de poils aux yeux de biche, ou un nouveau-né gazouillant. Mais attention à ne pas trop vite baisser sa garde.
Et si j'espère que les défenseurs des animaux et les jeunes parents me pardonneront cette introduction a priori quelque peu sans lien avec un platformer 2D qui se pare des mêmes teintes violettes qu'un certain Fe pour faire les yeux doux à votre serviteur, il ne sert à rien de se voiler la face : que ce soit votre petit dernier ou le premier jeu de Bishop Games, il faut toujours voir si la plus brillante des médailles ne cache pas un diabolique revers.
Strength in Numbra
N'ayant jamais mis les pieds au Canada, j'avais jusqu'ici une sympathie certaine pour ce pays où l'ancien vénérable rédacteur en chef de votre site préféré profite quotidiennement du sacrilège de la poutine (surtout pour un Belge). Mais tout cela risque fort de voler en éclat, la faute à Light Fall, qui démarre pourtant de fort belle manière, en vous plaçant aux commandes d'un petit être aussi muet que mystérieux, et qui ne dévoilera qu'au fur et à mesure de l'aventure sa vraie nature, notamment grâce au Captain Obvious maison qui prend la forme d'un vieux hibou pourtant aussi peu au fait que vous sur les tenants et aboutissants de cette courte aventure.
L'intrigue succincte mais suffisamment intrigante pour devenir un élément narratif structurant suffit en tout cas à donner un cadre à Light Fall, et à dévoiler peu à peu son univers, peuplé de divinités païennes et de mécanismes mystiques. L'équilibre est ainsi respecté, puisque la narration n'empiète jamais sur les phases de gameplay, dans la mesure où l'oiseau de nuit vous racontera sa life sans que cela n'interrompe l'action, hormis quelques saynète de fin de niveau qui permettent de répondre aux questions soulevées lors des premières minutes de jeu.
Frédéric Bec Biaisé
Mais si l'amour dure trois ans, l'idylle naissante qui laissait espérer une expérience sympathique et bien fichue tombe rapidement en miettes, comme un brutal réveil ou les vapeurs de l'alcool laissent place à une dure et brutale réalité. C'est d'autant plus dommage que les mécaniques de gameplay introduites au fur et à mesure s'avèrent de prime abord sympathiques et plaisantes : notre avatar est en effet rapidement amené à maîtriser le Shadow Core, un cube aux propriétés bien pratiques, surtout lorsque l'on incarne un héros de platformer.
Concrètement, vous pouvez matérialiser un cube à l'envi en appuyant une seconde fois sur le bouton de saut : plutôt que d'effecteur une pirouette supplémentaire, le Shadow Core apparaît sous vos pieds, et ce jusqu'à quatre reprises, permettant ainsi de gagner des hauteurs insoupçonnés, ou au contraire d'éviter une mort stupide en créant au dernier moment un petit bout de plancher des vaches en suspension. De base très plaisantes, ces mécaniques s'enrichissent peu à peu, et vous pourrez par exemple prendre le contrôle du Shadow Core pour vous en servir comme bouclier, ce qui permet en plus d'ouvrir les vannes au gameplay émergent et de varier les situations. Un temps seulement.
It's only a trust fall
Mais alors, que peut-on reprocher à ce petit jeu qui semble pourtant abattre ses atouts au fur et à mesure ? La réponse est simple : son exécution. Si l'on finira par faire avec ce système qui colle littéralement votre personnage à chaque paroi (stoppant ainsi brutalement l'action), les bugs qui stoppent l'utilisation de votre Shadow Core finiront par avoir raison des plus philosophes de nos lecteurs. Car on aurait finalement pu pardonner à Light Fall sa difficulté en dents de scie si ses mécaniques permettaient décemment de passer entre les gouttes à la faveur d'une phase inspirée. Assez mal dosés, les quelques niveaux voient s'enchaîner de véritables balades de santé avec des pics d'exigence qui surprennent, et ce jusqu'au bout de l'aventure.
Il faudra ainsi s'armer de courage pour finalement rapidement voir le bout du tunnel, sans finalement aucune raison de pousser plus loin l'expérimentation. C'est d'autant plus dommage que Light Fall proposait assez de contenu pour tenir un peu plus longtemps que les quelques heures nécessaires pour en faire le tour. Avec un mode Contre-la-Montre débloqué d'entrée de jeu et des zones cachées à l'intérieur de chaque niveau qui permettaient d'en apprendre un peu plus sur le mystérieux background du jeu, on tenait là un sympathique jeu de plate-forme avec une mécanique originale. Encore faillait-il vraiment donner envie d'y retourner...