Que feriez-vous s'il vous était donné la possibilité de changer le cours du temps et de sauver un être cher d'une mort certaine ? C'est à cette question pour le moins délicate que se propose de répondre la dernière oeuvre en date du studio italien Ovosonico, déjà responsable du sympathique Murasaki Baby sur la PS Vita de Sony. Explorant cette fois le genre en vogue de l'aventure narrative, Last Day of June nous propose le récit intimiste d'un homme en deuil.
Tout se déroule pour le mieux pour Carl et June, qui filent le parfait amour. Un jour, ils décident de passer un peu de temps au bord de la mer, sur le ponton qui les a vu se rencontrer. La demoiselle projette d'offrir un cadeau à son bien-aimé mais, malheureusement, l'orage se met à gronder et nos deux tourtereaux sont contraints de vite regagner leur voiture et de rentrer. Roulant sous une pluie battante, leur véhicule effectue une embardée pour éviter un obstacle sur la route et s'écrase en dehors de la chaussée. Si Carl échappe au pire en ne perdant « que » l'usage de ses jambes, June n'a pas cette chance et décède dans l'accident.
Du temps a passé depuis le drame, mais Carl ne se remet toujours pas de la disparition de June. Une nuit, tandis qu'il ne parvient pas à dormir, le bonhomme se rend à l'aide de son fauteuil roulant dans l'atelier de peinture de sa défunte moitié, où se trouvent des toiles représentant certains personnages : des habitants du village dans lequel réside le couple. Carl découvre qu'en effleurant ces toiles, il peut revivre les heures qui précèdent l'accident à travers le regard d'un de ces habitants. Carl remonte ainsi le temps et s'aperçoit que les actions de ces individus peuvent influer sur le cours des évènements et, l'espère-t-il, empêcher le drame de se produire.
Un jour sans fin
La narration se veut ainsi originale, puisque le joueur contrôle tour à tour Carl puis un des quatre personnages représentés sur les toiles de June, qui ne sont débloqués qu'au fur et à mesure de l'aventure : l'enfant, la meilleure amie, le chasseur et le vieil homme. Des zones du village hors de portée pour certains personnages la première fois peuvent ainsi être rendues accessibles par d'autres, une fois ces derniers pris en main. Cette narration à plusieurs voix rend la progression d'autant plus ingénieuse qu'elle permet au joueur de découvrir petit à petit les différentes zones à parcourir. À savoir que sont dispersés dans celles-ci une vingtaine d'items souvenirs à récolter, cinq par personnage secondaire, permettant d'étoffer un peu le background de ces derniers.
Quand il prend le contrôle d'un personnage, le joueur effectue tout d'abord un certain nombre d'actions d'apparence anodine (jouer au ballon, emprunter une corde, déblayer la route...) sans forcément avoir le recul nécessaire pour en saisir les conséquences ; puis la journée se termine et l'accident se produit, avant que Carl n'émerge du tableau. Au joueur alors de comprendre comment faire en sorte que de la combinaison des actions de chaque personnage découle la résolution heureuse voulue par Carl. Si certaines séquences déjà résolues par le passé sont raccourcies, la résolution finale, à savoir l'accident, doit être visualisée à chaque fois qu'un personnage est contrôlé, ce qui peut finir par lasser le joueur.
Toutefois, on peut signaler que cette répétition contribue à la dimension tragique du personnage de Carl, qui est contraint de revivre encore et encore le drame, et ce malgré ses tentatives pour l'éviter. Le caractère immuable des évènements est également figuré par la cloche du village, dont le tintement solennel rythme la narration.
Quand sonne l'heure
La direction artistique de Last Day of June rend compte d'une certaine mélancolie qui habite le titre. Ses personnages, aux visages arrondis et aux traits doux, sont immédiatement reconnaissables et les rapprochent de ceux d'un conte enfantin. Ils ne s'expriment que par l'intermédiaire d'onomatopées, accentuant le caractère universel du propos développé dans le jeu : la difficulté pour Carl, le protagoniste, de faire son deuil. Par ailleurs, le joueur évolue dans un cadre bucolique, principalement le hameau dans lequel habitent les personnages, voire onirique, lorsque Carl visualise les souvenirs de son couple la nuit.
Plus frappant encore, tout le visuel du jeu évoque la peinture à l'aquarelle avec ces touches de couleurs aux tons pastel, à l'image des toiles de June, et confère au village ce sentiment doux-amer qui caractérise également le personnage de Carl. Pour accompagner la quête de ce dernier, la musique de Steven Wilson, tantôt folk, tantôt atmosphérique, remplit parfaitement son office. Le leader du groupe Porcupine Tree signe là une partition en raccord avec l'ambiance du titre.
Malheureusement, les quelques énigmes qui émaillent le jeu se révèlent trop simplistes et peu nombreuses pour tenir en haleine le joueur bien longtemps. La mise en scène accompagne les diverses actions du joueur et l'assistent fortement dans la résolution des énigmes, rendant le jeu un peu trop dirigiste. D'autant plus que le titre s'achève en à peine trois heures, ceci en comprenant la récolte des items souvenirs mais nous laissant un peu sur notre faim.