Les fans de ce genre en forme de mot-valise qu'est celui du metroidvania ont de la chance, tant le genre a l'air de profiter depuis quelques années de vents favorables, et qui semblent pour l'instant ne pas faiblir. Mais même avec une forte demande, ce dernier ne saurait se reposer trop longtemps sur ses lauriers, faute de générer une certaine forme de déjà-vu. Qui a dit "rogue-like" ?
Voilà sans doute pourquoi votre serviteur a dressé une oreille curieuse à l'annonce de Kunai, un représentant vraisemblablement azimuté du genre, qui n'hésitait pas à mélanger bien des inspirations disparates, pour nous en mettre plein les yeux. Désormais disponible sur PC et Switch, que peut-on attendre du second jeu de TurtleBlaze ? La réponse se trouve au bout d'une corde...
iPad Thaï
Sans doute soucieux de s'inscrire dans la longue tradition héritée de la saga Metroid, Kunai s'autorise un brin de classicisme durant ses premières minutes, alors que votre avatar gît en lévitation dans un tube opaque remplit de liquide rougeâtre. Mais la folle nature reprend bien vite ses droits, alors qu'il se voit délivré par une intervention militaire, pour mieux apparaître sous les traits d'une... tablette. Mais n'allez pas comparer Tabby à votre vieil iPad qui peine désormais à dépasser l'heure d'autonomie. Que nenni : malgré son apparent sourire, notre cher device cache un redoutable combattant, qui va bientôt maîtriser avec une apparente décontraction les arts ninja. Seule adepte des armes de jet parmi une myriade de soldats aux pétoires explosives, notre petite tablette va vite pouvoir compter sur les éponymes kunais, qui vont lui permettre de se déplacer avec vitesse et agilité dans les différentes zones de tout bon metroidvania qui se respecte. La carte fait heureusement bien le job, et un bon vieil appel à un ami vous garantira de ne jamais être perdu trop longtemps, histoire de ne perdre personne en route.
I Kunai Lied
Assignées aux deux gâchettes, ces armes ninjas ne sont pas destinées à l'attaque, mais agissent comme deux grappins particulièrement agiles et faciles à manier. C'est sans aucun doute la grande force du jeu de TurtleBlaze : derrière son respect relativement convenu de tous les codes du genre, Kunai se démarque par un rythme et une action effrénés qui le font assurément sortir du lot. En quelques minutes, Tabby ne touche pour ainsi dire plus sol, se balançant au bout d'une corde, ou se servant des ennemis robotiques comme de vulgaires tremplins. Il faut dire que le katana fait des merveilles, une fois les patterns adverses connus. Chaque antagoniste demande en effet un petit temps d'observation, avant de pouvoir être balayé sans même s'arrêter avec les augmentations de rigueur. Metroidvania dans l'âme, Kunai abat petit à petit ses cartes avec pas mal de justesse, et préfère mettre l'accent sur les quelques items plutôt que de les distribuer par dizaines. La présence visuelle et sonore de bons vieux routeurs vous permettront de vous connecter au store online, puisque telle est l'époque, afin d'y laisser une partie de votre paie dans de bien sympathiques améliorations.
Merveilles du monde (numérique)
Il faudra de toutes façons faire un choix, puisque les améliorations coûtent la peau des fesses, même numériques, et seuls les explorateurs minutieux pourront s'offrir de nombreuses améliorations tout en aiguisant leur katana. Seule ombre à l'horizon : en l'absence de tout système de téléportation (un comble), il faut se farcir de (trop) nombreux allers-retours, ce qui fait perdre à Kunai de son charme, même une fois le dash débloqué. Le retour en arrière sera toutefois l'occasion de vérifier l'effectivité de vos pétoires, puisque les ennemis retors d'alors se transformeront en chair à canon binaire quelques heures plus tard, procurant une certaine dose de satisfaction bien méritée. Mais si chaque adversaire rencontré demande un brin d'observation, certains boss (et pas que le dernier) pourront occasionner quelques hurlements et autres injures à destination de leurs génitrices respectives, la faute à un choix tranché qui oblige à se retaper de bien nombreuses phases avant de pouvoir retenter sa chance, et découvrir de nouveaux patterns agaçants. Sans parler des dialogues, qui repassent une tête à chaque tentative.
やめてください !
Heureusement, Kunai sait se faire pardonner grâce à une écriture qui trolle et décoche pics à tout va, notamment via les rencontres des quelques villes du jeu. L'industrie du jeu vidéo n'est pas épargnée, et nous adresserons une mention tout ce qu'il y a de plus spéciale à la bourgade de "Robotaku", qui concentre tout ce que le japon a pu produire de catchphrases weeb et autres oniiiii-san de rigueur. Un délice. Dommage que cette inventivité ne se retrouve pas plus globalement dans la direction artistique : si certains apprécieront peut-être le minimalisme de ses décors, la sensation de parcourir un jeu Flash est trop souvent présente, surtout lors des cutscenes, qui se la joue petit bras. Malgré ce dépouillement parfois monacal, l'action parvient par moments à se montrer peu lisible, la faute à une myriade d'effets qui viennent perturber l'action. La sentence est malheureusement sans plus de clémence en ce qui concerne les musiques, assez banales et qui tendent vite à se répéter. C'est bien dommage, tant la concurrence dans le domaine s'avère pléthorique. Les plus téméraires repartiront même après leurs six-sept heures de jeu à la recherche des galurins optionnels qui font office de récompenses, afin de profiter jusqu'au bout des délicieuses grimaces de la plus expressive des tablettes numériques.