En 2016, les joueurs PC découvraient Owlboy, savoureux fruit pixel art entretenu pendant 9 ans par la petite équipe norvégienne de D-Pad Studios. Une réussite. En 2018, voilà qu'un autre projet scandinave - suédois, pour être précis - très patient (7 ans de développement pour Joakim "Konjak" Sandberg) sort enfin. Lui aussi a des airs de jeu 2D 16/32 bits et semble plus que plaisant. Et devinez quoi ? Il l'est.
Iconoclaste. Si l'on se fie à la définition du Larousse : "qui est ennemi de toute tradition, qui cherche à faire disparaître tout ce qui est le passé". Le titre colle plutôt bien à ce qui est raconté dans ce jeu étonnamment loquace (dans une VF parfois très Google Trad). On y incarne la très taciturne Robin, jeune mécanicienne de la Colonie 17. Son job, qu'elle effectue clandestinement, elle l'aime, elle l'adore. Mais le régime en place, lui, est du genre à considérer l'usage de son énorme clef comme un pêché. Après que son hérésie a été démasquée, les choses commencent à s'emballer. Pourquoi ne pas réparer la planète et ses habitants, en découvrant les secrets de l'étrange religion que tout le monde craint aveuglément et qui puise la ressource principale sans se poser de questions ? Accompagnée de pirates, de rebelles, ou encore d'un frère un peu trop protecteur, la voilà partie pour des aventures passionnantes, bourrées de personnages charismatiques, dont le ton se révèle bien plus sombre que ce que laisse penser la réalisation chatoyante...
Robin déboîte
C'est forcément ce que l'on remarque en premier : Iconoclasts a fière allure et nous met face à un joli dessin-animé de pixels. A l'instar d'Owlboy, cité plus haut, il marie une direction artistique solide à un soin appliqué au moindre détail du monde exploré, plus que ravissant et offrant une belle variété, ainsi qu'aux animations de personnages remarquablement dessinés - seul point qui pourra décevoir les puristes de la pureté : l'un d'entre eux va avoir une blessure grave à gauche puis à droite selon la direction dans laquelle il regarde... Nous voilà donc face à un ravissant mix de plate-forme, d'exploration et d'action qui, à plus d'un moment, nous fera voir en lui du Metroid, du Wonder Boy, du Treasure des années 90 et du Metal Slug. Sauf qu'il se permet, en dehors de sa structure avec carte et de son action débridée dont les résultats explosifs envahissent l'écran, de dépasser ses inspirations tranquilou.
If you can dodge a wrench...
La progression dans le monde semi-ouvert de Joakim Sandberg, qui, au passage, ne faillit jamais du côté de la prise en mains, mise sur votre faculté à employer une panoplie amenée à évoluer - sans notion de leveling. On va découvrir Robin très agile, capable de s'accrocher à des corniches pour gagner de la hauteur, ou de se faufiler dans des conduits plus étroits. En mesure de taper fort en effectuant des attaques plongées, ou de flinguer à tout va et filer des coups de clef. Son outil aura d'autres fonctions : débloquer des mécanismes, s'accrocher à des boulons pour prendre de la hauteur ou la jouer tyrolienne, activer des roues dentées à l'aide d'un tournoiement, ce qui pourra également mener à une électrification temporaire de l'héroïne mais aussi de ses projectiles... Côté pétoire, un lance-grenades et un autre tir au résultat étonnant viendront prêter main forte. Pas uniquement pour désintégrer de façon basique des ennemis dont les faiblesses n'apparaissent pas toujours évidentes.
Mécano pas miro
La grande réussite d'Iconoclasts tient dans cet équilibre entre action et réflexion, grâce aux objets en votre possession qui vont être employés pour des idées de gameplay lumineuses. Chaque tableau traversé, et par moment optionnel, tiendra, souvent, davantage du casse-tête. Trouver comment amener certaines caisses à bon port, activer un lampion électrique ou une plate-forme mouvante ne réagissant qu'aux explosifs, traverser un champ de piques sans égratignure, réussir à atteindre un coffre avec un sésame que l'on porte tel un légume dans Super Mario Bros. 2, intervertir une position de manière opportune : vos neurones vont se voir stimulés aussi souvent que possible pour éviter de tomber dans la monotonie d'un simple shooter. Et cela vaut aussi pour les boss, qui parviennent à ne jamais se ressembler et demanderont à des instants précis de coopérer avec (voire d'incarner) un autre protagoniste. Bien sûr, l'esquive au cheveu près et l'arrosage seront souvent de mise. Mais pas sans un minimum d'observation des routines et des points faibles. Le renouvellement quasi-constant permet de passer de bons moments jusqu'à un final, une douzaine d'heures plus tard, pour le moins surprenant.
Et la bobinette cherra
Et au bout, justement, on ne retient que le bon, présent en masse, y compris dans la bande-son. Si l'on a une déception, c'est celle que les améliorations (protection contre une attaque, plus de temps électrifié, déplacement plus rapide, puissance ou temps de rotation de la clé revus, respirer plus longtemps sous l'eau...), en "craftant" des matériaux sur des établis, ne changent que peu de choses. Placés dans trois slots, elles n'aideront pas de façon significative quelqu'un souhaitant mettre le challenge global à sa portée, d'autant que leur utilisation dépend de jauges qui se vident au moindre contact. On pourra aussi constater que le New Game +, en conservant le matos, est assez évitable mais que le mode Défi, où un dommage subi signifie la mort, aura de quoi plaire aux plus cinglés qui, on en est certains, tomberont vite amoureux de cette production magnifique et intelligente.