Gran Turismo est une licence à la fois adulée et détestée. Attendue comme le "Messie" par tous les amateurs de sports mécaniques, qu'ils soient des passionnés pointus ou des amateurs éclairés, elle se voit souvent reprocher de rester très classique. Cette version Sport ne s'affiche pas réellement comme un nouveau Gran Turismo, puisqu'elle n'est pas numérotée. Classique certes, mais toujours bien au milieu de la route.
Gran Turismo fête ses 20 ans avec cette édition GT Sport résolument tournée vers les compétitions en ligne. Quatre ans après le sixième épisode, on aurait pu penser que les évolutions allaient être majeures, à une époque où la concurrence est capable de sortir un jeu sinon nouveau, au moins réactualisé, tous les deux ans. De plus, Polyphony Digital dispose de moyens très conséquents et d'une expérience énorme en la matière...
Votre salon auto exclusif
Déjà appréciable sur les versions Alpha et plus récemment sur la version bêta, l'interface mérite que l'on s'y arrête quelques instants. Elle est tout simplement superbe de sobriété et d'élégance. C'est bien simple, elle ne ferait pas tâche chez un concessionnaire auto, simplement en laissant tourner en boucle les illustrations des menus et les informations affichées.
On y trouve une foule d'informations, d'illustrations et de documentaires sur certains modèles de voitures, des marques et des personnages importants de la course automobile. C'est une véritable petite encyclopédie qui concerne un peu moins de 200 voitures. Ici, c'est le royaume de l'esthétisme. Gérez votre garage, vos tenues, vos livrées et mettez tout cela en scène pour prendre des clichés photoréalistes.
Ce souci du détail, cette élégance, le sentiment de sérieux qui émane de tout cela, laisse présager du meilleur... pour ceux qui ne connaissent pas du tout la série Gran Turismo. Les autres réaliseront bien vite que tout cela est déjà vu dans Gran Turismo 6, pour une large majorité du contenu. De plus, le soin apporté à l'interface peut paradoxalement lui porter préjudice, car on comprend alors beaucoup moins certains oublis comme la simple présence d'une touche pour passer à l'épreuve suivante en mode carrière. Il faut à chaque fois revenir un menu en arrière pour lancer le choix suivant. C'est un détail, mais répété des dizaines de fois, il agace.
Rien de nouveau sous le capot
En quatre ans, on pouvait penser que Polyphony allait trouver de quoi dépoussiérer un peu ses concepts vieillissants. Malheureusement, on retrouve quasiment la même chose avec un habillage à peine modifié. Le mode Arcade propose trois niveaux de difficulté pour des courses très courtes (à l'exception de la boucle nord évidement). Ne cherchez pas de challenge ici. Même en difficile, il suffit d'assurer un minimum pour terminer avec une bonne avance. L'IA n'a pas évolué, elle n'a aucun comportement qui puisse laisser transparaître quelque forme d'intelligence que ce soit. On s'ennuie vite dans les courses arcade. Elle se rabat aussi allègrement sur vous en intérieur et utilise des points de freinages fantaisistes.
Vient ensuite la "campagne" qui se décline sous trois type d'épreuves. L'école de conduite n'est autre que la transposition des anciens permis. Elle n'a cependant ici pour but que de vous apprendre les rudiments des trajectoires et du comportement des voitures, en fonction de la conduite. Si vous n'êtes pas dans le trip super player, il suffira de valider au moins le bronze pour débloquer une voiture.
Les Missions vous demandent d'arriver en tête d'une course ou d'atteindre une certaine vitesse. Il s'agit du prolongement de l'école de conduite, puisqu'en en appliquant les principes, vous en viendrez aussi facilement à bout que les course arcade.
Enfin, le mode Expérience du Circuit mélange les deux concepts précédents en vous faisant passer un examen contre la montre sur des portions, puis sur un circuit entier, pour vérifier vos compétences. Autant dire que ces trois modes sont assez rébarbatifs pour tous ceux qui ne sont pas des staikanovistes du volant. Mais si vous appréciez les mises à l'épreuve, ils vous tiendront en haleine une douzaine d'heures.
Gran Turismo light
Une fois qu'on a gratté un peu la peinture et retiré le vernis, on constate donc que le ramage ne vaut pas le plumage. Le nombre de voitures ne serait pas un souci (Project Cars ne fait pas mieux, Forza est en revanche bien au dessus) si elles avaient chacune leur personnalité propre. D'accord, les comportements des différents types de chaines motrices sont respectés, mais ils sont uniformes et simplement impactés par la puissance. La conduite est strictement conforme à ce que chacun a déjà pu expérimenter avec la bêta. Qui est elle même conforme à GT6. Elle reste donc malgré tout précise.
Sur la piste, on est surpris du faible nombre de circuits réels. Il y a bien sûr la boucle nord, ainsi que le tracé GP du Nürburgring, Bathurst ou Brands Hatch, mais la majorité des tracés sont fictifs. Même s'ils sont assez intéressants ils ne remplaceront jamais l'ambiance que l'on peut trouver sur un Spa par exemple. Il manque même Le Mans, ce qui est un comble ! En fait, il n'y a que 6 circuits réels ! Une grosse perte de contenu par rapport à GT6 !
Ce manque de contenu est en totale incohérence avec ce qui est mis en avant dans GT Sport, à savoir les compétitions en ligne adoubées par la FIA. En effet, comment se targuer d'être The Real Driving Simulator et vouloir proposer une expérience ultime avec aussi peu de tracés officiels ? Le sport auto est bien plus vaste que cela !
Punition en ligne
Gran Turismo Sport affiche qu'il est compatible VR. Mais à l'image des circuits, celui-ci ne propose que des expériences virtuelles et pas une immersion dans l'ensemble des courses. Il faudra se contenter d'un système en 1Vs1 très étriqué. On passera donc ici aussi rapidement à autre chose, même si l'expérience est très réussie et donne envie d'aller plus loin. C'est d'ailleurs sans doute l'équipement le moins cher qu'on puisse trouver pour conduire en VR.
Cette "autre chose", ce pourrait être le mode en ligne, qui justifie l'appellation Sport de cet épisode. Et là, il va y avoir du lourd, des championnats dans tous les sens avec plein de niveaux de réalisme, pour parler aussi bien aux novices qu'aux amateurs éclairés, la possibilité de proposer ses propres championnats avec ses règles, d'engager des amis sur plusieurs semaines... Bref des choses qui paraissent évidentes dans l'optique d'une vision très communautaire, qu'on nous avait annoncé pour les jeux de voitures du futur et qu'on pouvait espérer pou un nouveau GT.
Non. Comme dans la bêta, trois courses sont proposées toute la journée et elles n'ont pas changé depuis la sortie du jeu, et ne durent pas plus de 15 minutes. Les premiers véritables championnats débutent en novembre. Des courses sprint, pas d'endurance, pas d'arrêts aux stands. Un oval et deux tracés courts pour le moment. C'est dommage, les arrêts aux stands sont très bien conçus et demandent au joueur d'être fin stratège, aussi bien sur sa consommation de carburant (la richesse peut être modilée en cours), que sur les choix des travaux à faire devant le box. Mettre juste ce qu'il faut d'essence ou changer les pneus... Le mode Sport permet d'apprécier le système de pénalités et de se rendre compte qu'il y a encore beaucoup de travail...
Le rang de pilote reflète fort logiquement le niveau du conducteur en fonction de ses résultats. Jusqu'ici, tout va bien. Le Rang de Fair Play est ce qui doit permettre à tous de s'amuser tout en n'étant pas dans une course de stock car. Sortez de la piste, touchez un concurrent et vous serez pénalisé et irez jouer avec d'autres chauffards. Le souci, c'est que les pénalités s'accumulent. Par exemple, si vous sortez de la piste, vous perdez du temps, mais vous pouvez également écoper d'une pénalité de temps que vous pouvez récupérer en levant le pied. En faisant cela, vous devenez un danger pour votre suiveur qui ne s'attend pas à vous voir si lent. Il vous rentre dedans, écope ainsi lui même d'une pénalité et le cercle infernal continue...
De plus, le moindre contact, quel qu'il soit, et quelle que soit son intensité est sanctionné de la même façon. Vous êtes depuis longtemps à l'intérieur et on se rabat sur vous ? Vous serez pénalisé. Quelqu'un rate son freinage et vous rentre dedans ? Vous serez pénalisé. Les pénalités, c'est une bonne idée, encore faut-il y appliquer quelques règles sportives et les énoncer clairement. Avant d'accéder au mode Sport, il faut regarder deux courtes vidéo éducatives. Si la course auto n'est certainement pas un sport de contact, il peut arriver que les voitures se touchent sans se rentrer dedans. GT Sport n'en a cure.
En revanche, si on le compare à ses homologues consoles dans les mêmes modes de courses publiques, le système fonctionne bien dans l'ensemble. On est plus sur des courses de contacts systématiques, même si cela arrive évidement de temps en temps de tomber sur des mauvais coucheurs. En ce sens, l'objectif est atteint.
Un pari sur l'avenir ?
Objectivement, le bilan de ce GT Sport semble mitigé. Mais cela reste Gran Turismo. C'est à dire techniquement très abouti , constant sur la conduite, très agréable au volant, beau à regarder. Question comportement on est sur des bases classiques et connues. Toujours aussi agréable au volant et toujours aussi inutile sur la terre pour les rares passages en rallye. On est sur une texture qui transforme l'adhérence en piste de patinage et pas en chemins de terre.
En l'état, GT Sport propose des challenges redondants, mais qui sauront plaire à ceux qui aiment enchaîner les défis. Passé une vingtaine d'heures de jeu, ils se tourneront vers quelques achats de voitures et quelques variantes cosmétiques avec les "Miles", qui sont une sorte de monnaie alternative pour shopping et des voitures exclusives. L'assiduité des pilotes est récompensée par des voitures tous les jours, son expérience aidant, du nouveau contenu est débloqué. Voilà qui motive, surtout si vous avez quelques amis dans la course.
S'il faut que GT dépasse le statut de bon jeu pour reprendre celui de mythe de la simulation sur consoles, il lui faut absolument évoluer sur sa partie Sport et courses en ligne, en proposant plus d'épreuves originales, plus de contenu et plus d'informations. Il reste à espérer que tout cela servira à émuler une communauté qui, si elle prend, pourrait faire de GT un succès. Le dernier écueil qu'il faudra éviter, c'est de rendre tous ces nouveaux contenus payants. Il serait dommage que Gran Turismo soit si dépouillé pour être rhabillé au fur et à mesure sur le dos des pilotes. Sa structure pourrait aisément être adaptée à cette pratique.
En attendant, si vous avez une bande d'amis férus de simulation, il faudra se rabattre sur les salons pour se concocter des courses assez longues et adaptées aux besoins. Absolument tout est paramétrable pour passer de bons moments au volant pendant les longues soirées d'automne.
Bref, il reste de la route à faire et des kilomètres à avaler, car les autres sont passés devant. Il faut maintenant non seulement prendre l'aspiration, mais aussi l'inspiration, pour revenir.