Que les choses soient claires dès le départ, Full Ace Tennis Simulator n'a rien d'une production gavée aux millions de Dollars. C'est l'oeuvre d'un tout petit studio indépendant français (composé de moins de personnes que les doigts de la main), la Galactic Gaming Guild. Il ne faut donc pas s'attendre à des prouesses technologiques graphiquement parlant, mais cette structure modeste ne les empêche pas de nourrir certaines ambitions en matière de simulation, dispensés qu'ils sont de séduire le grand public. Analyse de ce jeu fait par, et pour les puristes...
D'emblée, Full Ace donne le ton. Nous sommes ici face à une simulation dans tout ce qu'elle a de plus pur, de plus dur aussi. D'où la nécessité de s'astreindre à un tutorial avant d'entamer les matchs. Son rôle n'est pas uniquement didactique, puisque cette (longue) étape se charge de faire le tri entre les tennismen du dimanche, rapidement agacés, et les laboureurs acharnés de terre battue, dont Full Ace titillera immanquablement la curiosité. En effet le jeu ne se prend pas en mains en quelques secondes, ni même quelques minutes, vu qu'il demande carrément de réapprendre à jouer au tennis virtuel suivant sa philosophie résolument originale, et judicieuse.
Première particularité, l'obligation de préparer sa frappe du bon côté, en se servant de la gâchette droite ou gauche pour exécuter ensuite un coup droit ou un revers (chez un droitier). Cette latéralisation, qui se fait de plus en plus présente ces derniers temps parmi les jeux de tennis (dans Grand Chelem Tennis notamment), change considérablement la donne question gameplay. Au-delà d'une action supplémentaire à réaliser, déjà déterminante en retour de service, ce concept engendre globalement un choix préalable du type de coup, par exemple quand on cherche classiquement à contourner son revers afin de jouer un coup droit. Cela n'était souvent pas possible avec la méthode de détection automatisée d'après la trajectoire de la balle qu'utilisaient les productions d'antan, les plus récentes ayant recours à une activation manuelle restreinte au coup de décalage. En clair : une vraie trouvaille de design.
Refaire ses gammes...
S'y ajoute un système d'appui du bouton et de relâchement de la frappe en un ou deux temps, de façon à obtenir un coup plus incisif à sa guise. Un principe à double tranchant, car comme dans la réalité un boulet de canon bien placé peut directement faire le point, mais également se retourner contre son auteur, pris de vitesse dans l'hypothèse où l'adversaire se trouve au bon endroit, sans parler du risque accru de fautes. En parallèle, les variations de rythme, de longueur, d'effets et les petites balles cotonneuses s'avèrent tout aussi payantes en fonction de la situation. N'allez pourtant pas croire que se muer en crocodile, campant au fond du court pour attendre une défaillance adverse, soit chose facile !
Le timing très fin de Full Ace ne pardonne aucune approximation, surtout que par souci de réalisme, un coup identique n'aura pas toujours exactement le même résultat. Une thèse intéressante, dans la mesure où elle tient compte de la petite marge d'erreur qui existe bel et bien « en vrai », de sorte que personne n'est capable de planter systématiquement son ace au millimètre sur le T du carré... Par conséquent il arrive que l'on ait le doigt qui tremble au moment de servir sa deuxième balle, lorsque la tension monte. Cette approche, pas forcément du goût de tout le monde, repose heureusement sur un solide moteur physique et une pléthore de paramètres fort tangibles. L'authenticité des échanges s'en ressent, d'autant que les zones visées ne se cantonnent pas à de vulgaires patterns pré établis, la balle pouvant atterrir sur n'importe quel centimètre carré du court, voire des bâches.
Full Ace, ton univers impitoyable
Pas besoin de vous faire un dessin, on vendange ferme pendant les premiers matchs, où les roues de bicyclette sont monnaie courante. La petite balle jaune ne se laisse pas apprivoiser aisément, la placer constamment et précisément dans les limites du court constituant le principal défi, davantage encore que les problèmes posés par les adversaires. Ils n'ont cependant pas à rougir de leur intelligence artificielle, indubitablement élaborée. Cette dernière sait varier le jeu et s'adapter logiquement à la tournure des hostilités, tantôt en prenant la balle précocement, tantôt en ralentissant la cadence si besoin. En outre leurs caractéristiques distinctes suscitent naturellement différentes typologies stratégiques, sans que ces traits ne soient trop marqués, reflétant la tendance d'uniformité du tennis moderne.
D'ailleurs un mode Carrière grandeur nature vient nous y immerger, éventuellement corps et âme (il n'y a pas d'âge forçant à partir en retraite). Chapeau bas pour ce calendrier qui reprend semaine par semaine celui du circuit ATP, de même que son système de classement. Le vice a été poussé jusqu'à inclure un programme de génération très crédible des scores des autres matchs, y compris pour les tournois auxquels on ne participe pas. Franchement, une fois lancé dans la saison avec son dossard de 2000ème mondial à courir les qualifications, on s'y croirait. Ne manquent que quelques statistiques retraçant l'ensemble de la carrière, des aléas de santé ou financiers et une présentation un chouïa plus glamour pour complètement oublier son existence de tennisman non virtuel.
Un compétiteur complet et en progression
Pas de tenniswoman donc, ni de doubles, ou même de glissades visibles, en dépit de l'influence prégnante du terrain. C'est un fait évident de par son budget limité, Full Ace a des abords austères. Si le rendu des courts se montre correct (mention spéciale à celui d'entraînement en quick, une surface quasiment jamais usitée sur les tournois professionnels mais bien connue de ceux qui pratiquent le tennis sous nos contrées), l'aspect du public et des joueurs reste plutôt rudimentaire. Faute de motion capture, les animations ont été entièrement travaillées à la main, pour un résultat honorable certes, mais encore trop étriqué pour convaincre. Or voilà qui résume toute la croisade entreprise par la Galactic Gaming Guild : Prouver qu'il est encore possible aujourd'hui, du moins sur PC, de s'engager sur le créneau de la simulation sans concession.
Une mission périlleuse et de longue haleine, étant donné que l'équipe prévoit d'effectuer régulièrement des mises à jour, gratuites en prime. Et pas des moindres, l'une des dernières en date comprenant le jeu en ligne, fonctionnel et sans fioriture soit dit en passant. Après il ne tient qu'à la communauté d'organiser ses propres compétitions, comme ce fut le cas pour d'autres jeux de tennis très pointus tels que Dream Match Tennis, Full Ace se voulant ouvert en tout point. En témoigne l'éditeur de joueurs, qui autorise à modifier la totalité de la liste et à en créer autant qu'on le souhaite (le tout partageable of course). Décidément, Full Ace a beau être rugueux aux entournures, les puristes du genre sauront apprécier ce talent fort prometteur. On espère juste qu'il pourra pleinement s'exprimer...
Mise à jour 2018
Comme promis, la Galactic Gaming Guild n'a pas cessé de publier des mises à jour ces huit dernières années. Au niveau contenu d'abord avec le mode Challenge, qui invite à réécrire "l'Histoire" tennistique en s'inspirant de matchs d'anthologie, dans lesquels on se retrouve propulsé à un moment crucial. Pression extrême et émotion(s) au programme... Le mode Carrière a lui été notoirement étoffé via l'intégration des tournois challengers et futures, accompagnés d'un gros renfort de joueurs pour batailler sur ce circuit professionnel depuis les profondeurs du classement. L'éditeur de personnages est aussi plus développé, puisqu'au delà d'une physionomie moins basique (et plus musculeuse), leur style de jeu peut être défini de manière plus détaillée grâce au choix des gestes et surtout des attributs de l'IA, de sorte que l'adversaire soit plus ou moins attiré par le filet ou enclin à se décaler en coup droit. La diversité des matchs y gagne beaucoup, Full Ace privilégiant inexorablement le fond plutôt que la forme.
Idem pour l'aspect visuel, l'élément le plus spectaculaire se situant dans l'introduction du "Hawk Eye" pour contester les annonces des juges de ligne. Cette séquence se montre non seulement bien réalisée (avec une trace de balle conforme, autrement dit déformée par sa vitesse), mais par dessus tout pertinente, car elle permet effectivement de corriger des erreurs d'arbitrage, très légèrement aléatoires. Il suffit d'avoir l'oeil ! Enfin, si les mouvements des protagonistes manquent terriblement de naturel lors de leur entrée sur le court, et quelque peu de fluidité durant les échanges, leur gestuelle totalement refondue se révèle nettement plus réaliste.
L'art de jouer juste
Cela n'a pas qu'une incidence esthétique, tant les sensations s'avèrent ainsi profondément améliorées, bruitages plus percutants à l'appui, tout spécialement pour les amateurs avertis. En effet, malgré l'ajout de balles plus tolérantes en option et d'indications visuelles afin de rendre les mécaniques du gameplay plus transparentes, Full Ace s'adresse toujours aux puristes, comme l'illustrent les volées presque trop ardues. Une vocation fatalement complexe, puisque le tennis est fondamentalement une discipline exigeante, avec une gestion très subtile du timing, des déplacements, et de nombreuses fautes potentielles eu égard à la notion constante de prise de risques, composante primordiale de son intérêt. Restituer fidèlement la richesse de l'expérience est d'autant plus délicat que le regard sur les simulations tennistiques reste formaté par des références plus ou moins justifiées, telles que Top Spin ou Virtua Tennis respectivement.
Pas question ici de ramener toutes les balles, il faut accepter de se prendre des aces ou des attaques à mi-court quasi intouchables. Toutefois en contrepartie, on sait - voire on sent - pourquoi un coup est réussi (ou pas), tandis que le déroulement des parties reproduit celui des vrais matchs, avec une réelle difficulté pour breaker. En somme il ne s'agit pas d'adopter une démarche fantaisiste (fût-elle amusante) pour remporter la victoire, mais simplement de parvenir à jouer juste en appliquant les véritables tactiques de ce sport, une cohérence à la fois ludique et tennistique. Résultat, une immense marge de progression, extrêmement gratifiante par conséquent, et de sérieuses prétentions en ligne. Full Ace mérite donc le titre de simulation, des qualités qu'il est finalement en mesure d'étaler grâce aux efforts de ses développeurs, sans oublier le support de la communauté qui comble les évidentes lacunes de licence, en attendant la poursuite de son évolution.