Si vous êtes amateur de Musô, ces jeux dans lesquels vous incarnez un surpuissant général envoyant des régiments entiers en enfer d'un seul coup d'épée, réjouissez-vous : la dernière mouture de la saga Dynasty Warriors vient de débarquer chez nous, avec des ambitions revues à la hausse. Est-ce que ce sera suffisant pour vous faire lâcher un billet en ces temps où les hits se bousculent ?
Après 8 épisodes (seulement 7 au Japon, le second ayant été appelé "shin" et non "2"), moult spin-offs et autres versions alpha prime turbo, la série des Dynasty Warriors revient, mais cette fois avec de véritables nouveautés dans sa besace. Eh oui, un peu comme Capcom avec son Monster Hunter World, Omega Force, le studio derrière la saga depuis plus de 20 ans, a décidé de taper du poing (fort) sur la table en revoyant sa copie en profondeur. On abandonne le système de batailles rangées dans des cartes fermées - le même depuis des années - pour transposer les Guerres des Trois Royaumes pour la première fois... en monde ouvert ! Miracle. Mais à l'heure ou des jeux comme Zelda : Breath of the Wild ont vu le jour, cela suffira-t-il à faire passer le jeu dans une autre dimension ?
Aussi beau que Deadly Premonition
Malheureusement, une composante du titre pourrait contrarier d'office cette nouvelle ambition. D'habitude, dans mes papiers, je n'insiste que très peu sur l'aspect technique des jeux, ce dernier n'étant pas le plus important à mes yeux pour pouvoir apprécier et juger un titre à sa juste valeur. Entre les jeux indés qui utilisent le pixel art ou les jeux AA qui s'en sortent très bien sans forcément se montrer aussi beaux qu'Horizon Zero Dawn, les graphismes, même s'ils sont tout juste corrects, ne sont pas un frein au plaisir. Eh bien ici, vous savez quoi, je vais commencer par ça ! Lors de ma preview à la Paris Games Week, j'avais trouvé le jeu vraiment très, très, très moche. Vraiment. Ici, avec la version finale sous les yeux, sachez que si les choses se sont légèrement améliorées, le premier mot qui me vient encore à l'esprit est "dégueulasse".
S'il partait avec de bonnes intentions avec son monde désormais ouvert, le résultat est assez hallucinant : on se croirait presque revenu une génération de consoles en arrière ! Les textures s'affichent en retard, il y a du tearing à gogo (je crois bien que je n'en ai jamais vu autant dans un jeu vidéo), ça scintille un peu partout, les décors au loin disparaissent quand on tourne la caméra en haut d'une tour de guet... En ce moment, je joue au nanardesque Earth Defense Force 2017, et il a le même défaut !
Le bilan est donc vraiment mauvais côté technique, et ce bien qu'il existe un mode permettant de choisir entre une résolution améliorée ou un framerate plus stable... Réservé à l'origine à la PS4 Pro, cette option est aussi disponible sur les premières séries via une mise à jour, mais quel que soi le mode choisi, l'ensemble reste vraiment peu flatteur pour la rétine. Il faudra donc s'accrocher un minimum et faire abstraction des graphismes si l'on veut profiter de ce Dynasty Warriors 9.
Au rayon des réjouissances, on pourra aussi noter la présence des voix japonaises originales, mais aussi deux autres doublages, anglais et chinois. Les textes seront quant à eux traduits en Français. Pour ce qui est des voix dans la langue de Shakespeare, le doublage s'avère plutôt convainquant, mais si les différentes prononciations des acteurs sur les noms propres chinois peuvent se montrer assez cocasses, avec des accents parfois très différents selon le doubleur qui est à l'oeuvre. Et s'il me sera assez difficile de juger de la qualité des doublages chinois, je pourrais au moins vous dire que la synchronisation labiale montre un niveau de qualité proche de celui des graphismes, tandis que la narration cinématique reste assez classique, avec une voix off qui commente les événements du jeu sur une carte, entre chaque chapitre, et des dialogues entre les héros dans l'horrible moteur du jeu pour faire avancer le scénario, le tout sur des musiques classiques pour la série, qui vous feront tantôt voyager en orient, tantôt au beau milieu d'un concert rock.
Une nouvelle dynastie
Pour ce qui est de la jouabilité (action pure et dure en combat), on reste sur quelque chose de très classique : deux boutons d'attaque, carré et triangle, pour des coups faibles ou forts. Quand vous avez rempli la jauge Musô, avec rond, vous avez accès à un coup spécial dévastateur et spécifique au héros que vous aurez choisi. Mais ce n'est pas tout : d'une simple pression sur R1, les quatre boutons de façade donnent accès à de nouvelles attaques dites "attaques gâchettes" (trigger dans le jeu, promis, ça ne vient pas de moi), aux effets variés, avec des coups pouvant étourdir, envoyer au sol ou en l'air. Il sera possible de "comboter" un maximum entre deux de ces coups. Quelques autres petites subtilités comme une garde et un contre qu'il est possible de placer en appuyant sur triangle au bon moment, sont aussi de la partie. Globalement, l'habitué reprendra ses marques immédiatement et la prise en main se montre assez facile pour un débutant, avec des possibilités d'enchaînements assez spectaculaires dès le début du jeu. Un ensemble très classique et plutôt répétitif, mais qui fonctionne toujours dans ce type de jeux. Quelques phases d'infiltration sont de la partie également, mais se montrent assez décevantes (il suffira de s'éloigner de quelques mètres pour faire diminuer un état d'alerte).
Pour avoir de la vraie nouveauté, c'est du côté de la progression qu'il faut regarder. Adieu les tableaux à l'ancienne et bonjour les aventures en monde ouvert avec leur système de quêtes principales et secondaires (certaines étant indispensables à la réalisation de l'objectif prioritaire) qui rendent le tout moins linéaire. Oubliez donc le déroulement habituel des batailles, dans ces niveaux constitués de pièces séparées par de longs couloirs. Désormais, la carte est gigantesque et c'est à un véritable front entre plusieurs camps que vous allez assister, puisque pour remplir une mission, il faudra bien souvent batailler à des emplacements différents et souvent très éloignés. Outre ces nombreux combats, on aura même des châteaux à prendre avec des armes de siège, dont des béliers pour enfoncer les portes ou des tours pour grimper aux remparts. Une fois à l'intérieur des bâtisses fortifiées, on pourra facilement se perdre, même s'il suffira bien souvent de grimper sur les toits pour passer de l'autre côté d'un mur et ouvrir une porte pour que le reste de ses troupes poursuive l'invasion. Même si le déroulement des batailles est souvent un peu gauche, il faut bien avouer que ces phases ne manquent pas d'un certain piment.
Musô ouvert
Mais alors, ce changement de formule est-il convainquant, et suffira-t-il pour faire passer Dynasty Warriors dans une autre dimension ? Oui et non, la faute à plusieurs aspects un peu bancals. Si l'impression de gigantisme est réelle, avec une carte aux proportions démesurées qui vous emmènera même aux pieds d'une partie de la grande muraille de Chine, les environnements sont souvent de vastes plaines uniquement remplis d'arbres entre deux villages ou châteaux. Seuls des changements de paysages, comme la montagne ou la mer, viennent briser une certaine monotonie. On ne peut pas s'empêcher de ressentir une sensation de vide. Les villes sont bien évidemment les endroits les plus vivants, avec leur architecture d'époque. On peut bien évidemment utiliser un système de voyage rapide, mais pas tout le temps. Souvent, il faudra soi-même, à dos de cheval, parcourir les longues distances qui séparent deux étapes d'une mission, et certains trajets durent parfois de longues minutes. Un outil se montrera alors très utile : un pilote automatique pour votre monture ! Et même si ce dernier a tendance à se coincer dans tous les obstacles qui vont croiser son chemin, ce sera bien souvent l'occasion d'aller aux toilettes, de grignoter un peu (mais avec modération) ou encore de prendre des notes dans son petit carnet en vue de l'écriture de son test... Mais en fait, c'est surtout une belle occasion de s'ennuyer !
Pour égayer son exploration lors d'un long trajet, on pourra alors partir à la chasse aux missions secondaires, aux gésiers de ressources et aux tours de guet qui dévoilent la carte façon Assassin. Des composantes RPG sont aussi au programme, avec des armes à améliorer et à sertir de gemmes aux effets variés, un système complet d'alchimie qui vous pousse à ramasser tout ce qui se trouve sur votre chemin, ainsi qu'un gain d'expérience qui vous fait gagner des points de compétence pour améliorer des statistiques au choix (attaque, défense, vitesse, etc.). Chose commune dans les jeux japonais : on va même pouvoir pêcher (ici remonter 6 poissons et 4 bracelets en or à chaque touche), mais aussi chasser, avec un véritable système de récompense à la clef. Pour arriver à faire tout cela, les missions sont bien évidemment beaucoup plus longues que dans les précédents opus. Et s'il faudra plusieurs dizaines d'heures pour voir le bout de la campagne, vous déverrouillerez au fur et à mesure les 90 généraux présents dans le jeu et vous pourrez les incarner dans un chapitre spécial qui vous racontera le point de vue d'un autre héros sur une bataille. De quoi allègrement dépasser une durée de vie "raisonnable". Complétez le tout par une encyclopédie, une galerie de modèle 3D parfaite pour admirer ses trop nombreux costumes DLC, et vous obtenez un jeu vraiment généreux. Mais vous l'avez compris, même si la fièvre du Musô pointe bel et bien le bout de son nez, pour profiter de tout ça, il va falloir faire de nombreuses concessions.