Media Molecule y songeait depuis longtemps, dans l'absolu dès les premiers pas de Mr Yellowhead (l'ancêtre de Sackboy), et il aura fallu - officiellement - sept années de gestation pour que Dreams devienne une réalité, après un accès anticipé pour le moins encourageant. Entre temps, cette production d'une rare audace créative est parvenue à dissiper les doutes, grâce aux oeuvres aussi nombreuses qu'impressionnantes de la communauté. Cependant le mystère planait encore sur son mode Histoire, principal ajout de cette version complète, et surtout sur l'avenir potentiel d'une telle fabrique à rêves...
Il arrive parfois que certaines oeuvres s'éloignent des sentiers battus, mais à l'instar du fantasme de plasticien Tearaway, et plus encore de la série LittleBigPlanet, Dreams semble s'aventurer littéralement dans un tout autre univers, basé sur les trois dimensions fondamentales de Media Molecule : Jouer, créer et partager. De fait, cette production ne saurait être considérée comme un jeu vidéo, puisqu'elle s'apparente davantage à un studio de développement, avec un véritable petit monde communautaire rassemblé tout autour, en somme un "réseau social de créativité" dixit ses géniteurs. Et l'imagination en constitue la valeur, dans tous les sens du terme. Le mode histoire illustre ainsi cette démarche résolument tournée vers l'expression, en toute liberté ou presque. Quelques bribes en avaient été aperçues au gré des présentations, toutefois difficile de s'attendre à ce que Media Molecule raconte une telle épopée, a fortiori de cette manière. Le bien nommé "Rêve d'Art" se résume à une sorte d'assemblage d'action, de plateforme et de point & click, qui n'aurait en soi rien de renversant s'il n'était pas mu par un élan si affirmé doublé du cachet Mm.
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Entre son ton décalé tantôt jazzy, tantôt gentillet ou sombre, sa maniabilité quelquefois un tantinet hasardeuse - une tradition en matière de moteur physique maison - et son manque global de cohérence au demeurant assumé, ce voyage introspectif d'un contrebassiste en mal de confiance ne donne guère de raison d'y revenir une fois achevé, hormis pour en grappiller des éléments à collectionner sous forme de bulles (encore une habitude) qui serviront ensuite dans le mode "Créer". Certains y verront la traduction d'un manque de temps, voire d'inventivité de la part du studio britannique, quasiment un comble dans les deux cas. Pourtant il remplit sa mission : inspirer les uns en livrant un rapide tour d'horizon des possibilités de Dreams, quitte à passer d'emblée pour un cauchemar aux yeux des autres. Le florilège de rêves en partie inédits signés Mm, qu'il s'agisse de mini-jeux, de courts-métrages, ou de vitrines, permettent également de se faire une idée de l'envergure de cet atelier heuristique. Ainsi les nouvelles quêtes de follets destinées à explorer ses fonctionnalités via des petits objectifs ne s'avèrent aucunement superflues, en plus de se montrer ludiques.
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Impossible d'évoquer la pléthore des composantes de Dreams sans s'astreindre à une énumération fastidieuse, un peu comme la description d'une boîte à outils, et forcément incomplète de surcroît, car son contenu reste amené à évoluer. D'ailleurs a priori, Dreams n'a guère changé depuis l'accès anticipé (voir nos impressions), alors qu'en réalité, il comporte d'innombrables modifications et suppléments. Citons l'animation procédurale des pantins d'une incroyable sophistication, si bien que chaque facette du menu a décidément des allures de logiciel à part entière. Naturellement, l'apprentissage de ces applications requiert de la pratique, que l'on choisisse le contrôle à la manette ou au PS Move, chacun dotés de leurs petites particularités (pivoter via le pavé tactile ou sélectionner en profondeur respectivement). Et si les soucis de caméra subsistent, l'ensemble des réglages rend l'expérience aussi ergonomique que possible. Enfin, la cohorte encore étoffée de didacticiels aide à comprendre lentement mais sûrement les principes et mécaniques, brillamment implémentés, tandis que la montée en niveau élargit progressivement l'étendue des perspectives, valorisées en ligne.
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Des jeux d'arcade aux bandes dessinées interactives en passant par de simples oeuvres graphiques contemplatives ou des compositions musicales, Dreams permet vraiment de suivre ses aspirations, quel que soit le genre envisagé. Ce travail conserve cependant un côté exigeant, car s'il est relativement aisé de bricoler quelque chose, parvenir à réaliser précisément ce que l'on souhaite suppose un tout autre degré d'engagement, pour ne pas dire du talent. Au delà de nettes améliorations dans la recherche et la mise en avant des rêves au sein de l'interface du Dreamiverse, la multitude d'objets et de kits thématiques partagés au sein de la communauté contribuent néanmoins à renforcer l'aspect collaboratif, facilitant d'autant la tâche, remixage à l'appui pour ceux qui acceptent (ou apprécient) que d'autres rêveurs retouchent leur ouvrage.
Si les questions de propriété intellectuelle appartiennent désormais théoriquement au passé, l'univers de Dreams se restreint toujours à celui relativement fermé de la PS4, faute d'option d'import direct de contenu vidéo ou audio. Cela n'entame visiblement pas la verve des créateurs, une balade onirique guidée par les algorithmes façonneurs de playlists en témoigne. Pourvu que ça dure, "game jaMms" régulières en renfort, car devant ce rêve pour développeurs plus ou moins avertis sur console de salon, on souhaite ne jamais se réveiller aux dures réalités.