Parmi les nombreux vaporwares que compte dans son histoire le jeu vidéo, il en est un qui se démarque des autres : Disaster Report 4 : Summer Memories. Censé débouler initialement sur PS3, le jeu du studio Granzella a finalement vu sa date de sortie être repoussée en raison du séisme survenu en 2011 au large de l'archipel nippon et dont les séquelles ont coûté la vie à de nombreux Japonais. Traitant d'un sujet fortement similaire, il aura fallu attendre plus de sept ans après la catastrophe pour que le jeu paraisse sur les PS4 japonaises. Alors forcément, on se doute bien qu'à l'approche de sa sortie occidentale, le titre accuse d'un sérieux retard technique. Mais qu'en est-il de l'expérience au global ?
Alors que Masato Takeda se rend à Hisui City pour une raison particulière (ou pas), la métropole est touchée de plein fouet par un séisme de magnitude 7, ce qui provoque le renversement de son bus. Quand il parvient à s'extirper du véhicule, Masato découvre une ville en proie au chaos.
Questions de morale
Contrairement à l'épisode précédent de la série Zettai Zetsumei Toshi (nom original de la série), il ne nous est pas uniquement demandé de choisir le sexe du personnage au début du jeu mais également sa forme de visage, sa coupe de cheveux et son nom - Masato Takeda étant le nom donné par défaut pour les garçons. D'emblée, le jeu nous interroge, de manière directe, sur la façon dont on se comporterait en cas de catastrophe naturelle, si on irait vers les autres pour les aider ou si on la jouerait perso, si on céderait à la panique ou au contraire si on garderait notre sang-froid... Et c'est là toute l'essence du titre : nous serons amenés à interagir avec un grand nombre de PNJ, chacun ayant leur propre background, et en fonction de la façon dont nous déciderons d'agir avec eux, cela nous donnera une indication sur notre curseur moral en cas de crise.
Concrètement, ces interactions s'effectuent sous forme de dialogues avec choix multiples. Hélas, la très grande majorité d'entre eux ne débouchent pas sur des variations scénaristiques puisqu'il suffit souvent de s'adresser de nouveau à eux pour choisir une autre option. Dans de rares cas en revanche, selon l'intérêt que le joueur aura porté aux demandes des PNJ, à savoir grosso modo retrouver tel objet ou se rendre à tel lieu, certaines scènes pourront se dérouler autrement. Par ailleurs, des points de moralité ou d'immoralité nous sont attribués en fonction des choix opérés ; mais comme nous le verrons par la suite concernant d'autres éléments, cela n'affecte en aucun cas l'expérience, en octroyant un bonus ou un malus au joueur par exemple. On gagne des points, c'est tout, et on fait les comptes à la fin.
La catastrophe au naturel
Globalement, contrairement à ce que le synopsis pourrait laisser croire, le rythme de l'aventure se veut posé et le jeu invite étonnamment à la contemplation, voire à l'introspection avec les nombreux monologues intérieurs du protagoniste. Le sous-titre était un indice (Summer Memories), Disaster Report 4 se rapproche bien plus dans l'ambiance d'un Shenmue que d'un survival, avec ses longs et fréquents dialogues échangés dans la langue de Mishima - et dans celle de Shakespeare uniquement, pour les sous-titres. Au fil des rencontres et des opportunités, le joueur se balade, flâne presque dans les différentes portions de la ville sinistrée. Celles-ci sont par contre assez restreintes puisque délimitées par des véhicules renversés ou des glissements de terrain.
S'agissant de terrain accidenté d'ailleurs, il faut savoir dans quoi on s'embarque avec Disaster Report 4. Même avec une sortie en 2011, le titre de Granzella tel qu'il nous est proposé sur Switch (la version testée ici) aurait fait figure d'incident technique : textures avec quinze ans d'âge (sauf pour les visages, plutôt corrects), retard d'affichage considérable de ces textures, animations très rigides, chargements fréquents et avant CHAQUE cutscene... mais surtout, et c'est ce qui est le plus rédhibitoire selon moi, un framerate calamiteux au point d'en être parfois injouable. Cela se ressent surtout lorsque les immeubles de la ville s'effondrent et il faut parfois une bonne minute pour que notre personnage puisse de nouveau se déplacer avec une fluidité relativement constante (autour des 15-20 FPS). Ajoutez à cela des bruitages grossiers (non mais ces bruits de pas...) et l'impossibilité d'interagir avec le décor, et on se retrouve avec un jeu qui, du strict point de vue technique, aurait très bien pu avoir sa place sur la sixième génération de console (PS2/Gamecube/Xbox), mais sans doute pas sur la suivante et encore moins sur l'actuelle.
No stress
En fermant les yeux sur l'aspect technique, et passées les premières heures de jeu, on se rend compte que sur le plan ludique, le titre ne suscite que peu d'intérêt. Un certain nombre d'idée de gameplay ne semblent pas ou peu exploitées. Au fil de ses escapades, notre rescapé peut être sujet à la faim, à la soif et aux envies pressantes mais bien qu'il soit possible d'assouvir ces envies, on n'en voit pas la conséquence. Concrètement, on peut laisser notre personnage mourir de faim sans que cela n'ait d'impact évident sur l'expérience. Idem pour la barre de stress, qui augmente à chaque secousse (réduisant la barre de vie maximum) mais qui peut se régénérer par un simple repos aux très nombreux points de sauvegarde du jeu. Le personnage peut également crier ou hurler à l'aide, mais j'en cherche encore l'utilité. Ajoutés aux points de moralité évoqués plus haut, cela donne l'impression que tous ces éléments ne servent qu'à la dimension RP du jeu, sans que l'expérience ne s'en trouve réellement impactée.
On pourrait malgré tout souligner l'effort des développeurs de vouloir intégrer d'autres phases de gameplay : phases en moto (très court), en canot de sauvetage, séquence "d'infiltration" (avec de gros guillemets, vu que l'IA ne nous repère jamais)... Mais de façon générale, le joueur est toujours amené à faire la même chose : parler à tout le monde jusqu'à pouvoir accéder à la prochaine zone. Cela concorde avec l'atmosphère paradoxalement posée du jeu, qui invite le joueur, non seulement à secourir des personnes ensevelies dans les décombres, mais également à résoudre une affaire d'incendie criminel, à régler des querelles de lycéennes ou à se mettre à dos toute une secte après en être devenu le leader, le tout en quelques jours d'errance dans la ville sinistrée.
Juste un peu secoués
Seul moment un peu stimulant du jeu : les phases de secousse, où tout un pan d'immeuble peut s'écrouler en un instant, laisser uniquement le choix à notre personnage de courir dans la direction opposée ou de se recroqueviller pour ne pas chuter. La fonctionnalité HD Rumble est pour le coup très bien mise à contribution, avec des Joy-Con qui n'ont jamais paru vibrer autant entre mes mains, mimant l'intensité des secousses et leur répercussion.
Au cours de ses vagabondages, le personnage peut récolter plusieurs objets que le joueur pourra s'amuser à collectionner : des boussoles (représentées en bas en droite de l'écran), des sacs pouvant contenir plus ou moins d'items, des costumes ou encore des couvre-chefs qu'il pourra exhiber. En incluant l'épilogue, le titre pourra vous prendre douze à quinze heures de votre temps, selon votre propension à flâner. Car il s'agit bien là du coeur de l'expérience : errer, aller au devant des rencontres - chacune d'entre elles étant récapitulée par des fiches PNJ dans le menu -, et s'adonner à l'introspection.