On dit que c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures recettes. Alors en prenant cette formule à la lettre, CyberConnect 2, fort de son expérience passée et réussie avec la licence Naruto, avait de sacrés arguments pour s’appuyer sur son savoir-faire maison au moment de s’attaquer à l’un des manga/anime du moment, Demon Slayer, et de lui donner une exposition vidéoludique. De sacrés arguments, sur le papier oui. Dans les faits ? Beaucoup moins. Explications.
Pour ceux qui ne connaîtraient absolument rien de Demon Slayer, un petit rappel s’impose. Ce manga est devenu un véritable phénomène de société au Japon, où son dernier film, le Train de l’Infini, sorti en octobre 2020 (là-bas), a littéralement battu tous les records, devenant le premier film au box-office japonais, devant celui qui faisait office d’indéboulonnable, le Voyage de Chihiro. Il a même dépassé l’attendu Mortal Kombat au moment de sa sortie aux Etats-Unis et a eu droit à sa razzia de fans en France, lors de son arrivée en salles en mai dernier.
Derrière ce film, se cache un phénomène mondial mais aussi un anime (sans blague) désormais disponible sur Netflix et Amazon Prime Video et aussi un manga (je te jure) à succès, qui est aujourd’hui considéré comme le concurrent/successeur de One Piece.
Demon Slayer The Hikonami Chronicles nous narre les aventures de Tanjiro, un jeune vendeur de charbon, qui voit sa famille littéralement décimée par un démon. Sa soeur, seule survivante du massacre avec lui, se voit transformée en démon féroce à son tour. Tanjiro décide donc de venger les siens et s’embarque dans le métier dangereux de pourfendeur de démons, afin également de rendre à sa soeur son apparence d’origine.
Episme, charisme, êtes-vous là ?
Ce speech, c’est ce que va donc tenter de développer Demon Slayer : The Hikonami Chronicles, à travers un mode Histoire réparti en huit chapitres et qui se base sur le postulat suivant : on se déplace dans un univers faussement ouvert, avec des chemins balisés et quelques items à ramasser, on a des dialogues avec des PNJ qui déclenchent parfois des cinématiques et on a droit à des combats sur la route, avant de se coltiner le boss ou les boss du chapitre. Avec, parfois, des mini-jeux en cours de route. Dit comme cela, ça ne fait pas vraiment rêver. Peut-être parce que l’ensemble est répétitif à souhait et manque cruellement d’inventivité (malgré les mini-jeux, trop mal répartis et peu nombreux). Peut-être aussi parce que l’ensemble manque de vie.
Reprenons que dans Demon Slayer : The Hikonami Chronicles, Tanjiro va apprendre puis parfaire son métier à travers des rencontres plus ou moins importantes. Dans l’anime et comme souvent dans ce type de shônen, on ressent facilement le charisme des personnages et le côté épique de leur quête. Là, ces deux notions semblent avoir été un peu oubliés. La faute à une technique datée, qui a pour conséquence de nous offrir des dialogues figées, avec une interaction zéro entre les personnages (ou presque) et de nuire donc fortement à la mise en scène. La faute à un système de déplacement (ah, le Naruto run), déjà vu et revu et qui parvient à faire moins bien que dans le passé, avec un environnement vide, très vide, autour de soi, nous donnant des déplacements pas toujours rapides (car imposés par le script) dans des lieux sans vie. Argh.
Un character-design respecté à la lettre
Lors de sa présentation à l’E3, Demon Slayer avait déjà interpellé pour cette raison, en nous montrant des zones fermées assez désertiques (dojo, maison) et aucun lieu en extérieur, laissant craindre que ces derniers aient l’air faussement ouverts. C’est le cas. Cela aurait pu passer si les interactions avaient été mieux pensées. On pense notamment aux sauts sur les murs, que le héros ne peut faire qu’à certains endroits (pourquoi ?). On déplore que le traversement des murs, permis grâce à un démon ou les courses sur les toits des maisons, avec la caméra qui change pour s’adapter, ne soient que trop épisodiques dans l’aventure.
Et pourtant, on ne peut pas taper éternellement sur les doigts de CyberConnect 2, tant les travaux ont été colossaux en matière de modélisation et de fidélité à l’anime. Une fois encore, le studio a su faire parler sa classe pour redonner vie dans un jeu vidéo à des personnages hauts en couleurs. On retrouve leur esprit, leurs caractéristiques et dans de rares occasions, leur charisme. Mention spéciale d’ailleurs à la présence des voix originales japonaises et anglaises, histoire de faciliter une certaine immersion avec les chasseurs de démons présents dans ce mode Histoire.
On retrouve toute la clique autour de Tanjiro : Zenitsu et sa peur bleue des araignées, qui se retrouve donc à avancer lentement quand on le dirige. Inosuke qui file à la vitesse du vent. Nezuko, vive et puissante… Les piliers et leur classe folle, ainsi que les démons...ils sont tous là. Et si leur puissance varie, ce n’est pas vraiment le cas de leurs combos de coups. Mais on y revient dans quelques secondes, juste le temps de préciser que seul Zenitsu bénéficie d’un pan de gameplay personnalisé, aussi sympathique au début… que pénible sur la durée.
Des combats pour tous oui mais...
Les combos donc. L’occasion d’évoquer le système de combats, qui reprend les grandes lignes de l’anime, avec de la technique de sabre, des supers techniques et des super attaques. Si tout y est, avec les esquives et la garde of course, si chacun des personnages dispose de coups spéciaux à eux, leur enchainement de combos en revanche est le même et leur façon de combattre aussi.
Certes, certains d’entre eux enverront valdinguer leurs ennemis dans les airs mais cela est rare, trop rare pour constituer une véritable variété dans le roster de combattants que The Hikonami Chronicles nous propose. Bref, on tape et retape, avec le bon vieux martèlement de la touche carré, on charge sa barre de spéciale pour déclencher son Eveil (augmentation drastique de nos coups) ou une super attaque et entre deux combos, on n’hésite pas à faire appel en assistance à un copain, soit pour se défendre, soit pour attaquer de nouveau.
Du classique, qui a le mérite d’être hyper simple à prendre en main mais qui ne devrait pas combler les puristes du genre, beaucoup plus férus de techniques. Et de rosters bien fournis, ce qui n’est ici pas vraiment le cas : s’il y a bien 18 personnages en tout (en comptant ceux à débloquer), six d’entre eux sont des versions alternatives d’eux-mêmes, ce qui ramène la liste à… 12 combattants. Heureusement, la perspective de prendre en main l’un des fameux Piliers a son charme et la jouabilité des Démons offre un peu de diversité, puisqu’ils n’ont aucun soutien avec eux.
Seul c'est bien...
D’ailleurs, et dans le cas où on joue avec un personnage de soutien, on peut switcher avec ce dernier en cours de combat. La feature, hormis la joie de jouer un personnage que l’on apprécie, n’a que peu d’intérêt puisque les deux persos partagent… la même barre de vie et de pouvoir. On ne pourrait clore cette partie et bientôt ce test sans évoquer les combats de boss, censés être le nerf de la guerre du jeu. Pas forcément toujours bien agencés - la faute à des temps de chargement récurrents, vite expédiés sur next-gen fort heureusement et à une narration épisodique - ils bénéficient bien évidemment de leurs phases de QTE, CyberConnect 2 oblige, sans que cela ne constitue un challenge en soi, ce qui est, là aussi, assez dommage.
En définitive, Demon Slayer : The Hikonami Chronicles est avant tout un jeu réservé aux fans. D’abord parce qu’il est pris entre deux feux : assurer la promotion de l’arrivée prochaine de la saison 2 de l’anime et “vendre” les bienfaits de la saison 1, ce qui n’est pas vraiment le cas, puisque celle-ci et notamment l’arc du Train, se retrouve assez aisément compactée. Rien d’étonnant d’ailleurs puisque l’Histoire s’achève en moins de 7 heures. Ensuite parce qu’il fait le service minimum en tout : gameplay du mode Histoire, gameplay du mode Versus, jouable en ligne ou en local, présence d’un mode entraînement et d’un didacticiel et voilà. On a déjà connu mieux pour faire la promotion d’une licence manga.