De l'eau a coulé sous les ponts pour Days Gone depuis sa première présentation, un beau jour d'E3 2016. Le titre signé Bend Studio avait fait sensation en dévoilant une "troupe" impressionnante de zombies aux trousses de son héros biker, Deacon St. John. Qu'en est-il maintenant que le projet est terminé ? Le jeu tient-il (toujours) toutes ses promesses ou faut-il passer son tour ? La réponse dans ce test zombiesque.
Dès le départ Days Gone annonce la couleur. Nous assistons à la fin du monde tel que nous le connaissons pour sombrer dans une pandémie incontrôlable. Notre protagoniste va devoir confier sa femme blessée aux hommes du NERO (Organisation nationale d'intervention d'urgence) pour rester et assister Boozer, son frère d'armes. Nous nous retrouvons ensuite plus de 700 jours après la catastrophe. Un monde post-endémique nous est alors dépeint. Un monde où la nature a repris ses droits. Un monde où le danger, tapi dans l'ombre peut surgir à tout moment. Les freakers (ou grouilleurs) comme les humains, n'attendent qu'un moment d'égarement pour nous frapper.
The end is near...
Mais attardons-nous d'abord sur la narration. Days Gone étant un jeu entièrement solo, une attention particulière a été portée sur cet aspect du jeu. Est-il bon ? Oui, mais... Le scénario aborde plusieurs problématiques parmi lesquelles le deuil, l'amitié et la loyauté, l'homosexualité et enfin l'espoir. Autant de thèmes "matures" que l'on retrouve dans peu de productions. Celle de Bend Studio va loin, jusqu'à montrer au joueur des scènes plutôt intenses à regarder et à "vivre". Cependant, même si la trame principale se révèle captivante, elle prend énormément de temps à démarrer et à montrer tout son potentiel. Le début est ainsi trop poussif, et ce n'est qu'un peu plus tard qu'on se dit que l'histoire va réellement démarrer et qu'il vaudra alors le coup de s'investir. Les personnages bénéficient d'une bonne écriture, quand bien même on reconnaîtra avoir du mal à s'identifier à Deacon au début. On finit par comprendre ses motivations au fur et à mesure de l'aventure, notamment par le biais de flashbacks, apportant plus de profondeur au background de chacun des personnages croisés. Et, il faut bien l'avouer, le moteur du jeu fait des merveilles avec le rendu des visages et des expressions faciales de premier choix.
Le problème, c'est que le scénario s'étire trop en longueur. Il faudra effectuer plusieurs missions pour qu'une parcelle plaisante du scénario se dévoile enfin. Ce qui devient vite très frustrant. Pour la faire court : l'histoire de Days Gone n'est pas mauvaise en soi, bien au contraire. Le ton employé et la manière dont sont traités de vrais sujets de société actuels en font quelque chose de très intéressant. Mais l'ensemble demeure malheureusement beaucoup trop dilué dans un flot de quêtes parfois insipides. Un scénario digne d'une bonne série B, qui se laisse vivre donc, mais qui ne marquera malheureusement pas l'Histoire du jeu vidéo. Il y a tout de même un hic. Et il est de taille. Chaque cinématique débute et se termine par un fondu en noir et un chargement. Une hérésie à une époque où les transitions sont devenues "naturelles", ne serait-ce que dans les dernières productions Sony en date comme God of War ou encore Spider-Man. Le jeu comportant énormément de cinématiques, il faudra s'armer de patience. Un gros patch Day one doit arriver, et il réglera peut-être ce problème (ou pas), mais en attendant, nous avons fait "sans".
Mad Max sans le Fury Road
Après le scénario, attardons-nous sur le gameplay. Tout d'abord, Days Gone est comme vous le savez un jeu d'action en monde ouvert. Le maître-mot étant la survie, il faudra faire attention à l'environnement mais aussi à votre équipement. Le butin et l'artisanat sont deux éléments essentiels pour s'en sortir dans cet univers hostile. Qu'on se le dise, vous ramasserez relativement toujours la même chose : bandages, chiffons, bouteilles, bois (pour faire des soins, coktail Molotov, bombes, flèches). Le crafting se montre sommaire mais rudement efficace dans le sens où tout se fait très rapidement depuis l'inventaire. Vous sélectionnez l'icône de l'objet désiré et celui-ci est créé en quelques secondes sans passer par un menu le jeu en pause. Du moment que vous avez les ressources en réserve, bien entendu.
La fabrication ne se limite pas qu'à la création de soins ou d'armes de jet, vous pouvez également customiser vos armes de mêlée pour ajouter des clous ou des lames de scie circulaire. Mais clairement, n'espérez pas de l'originalité à la Dead Rising. Ici, on baigne dans le sérieux et le "terre à terre". C'est du système D et de la débrouille, mais cela n'aurait pas dû empêcher les développeurs d'agrémenter le craft d'un peu de folie. C'est du coup convenu et plutôt banal. Et c'est surtout l'inventaire pratique et ingénieux qui fait davantage le travail. Pour en finir avec les armes de mêlée, sachez qu'elles se détériorent et finissent par se briser quand le pourcentage d'usure tombe à 0%. Faites donc bien attention, car une fois l'arme cassée, vous basculerez sur votre couteau, qui lui est incassable mais fait peu de dégâts. Vous en trouverez un peu partout : bout de bois, batte de Baseball, pioche... et ma préférée : la hache de pompier, assez dévastatrice. Du conventionnel, donc, mais en adéquation avec ce monde en ruines voulu réaliste.
Armes de guerre
Passons aux armes à feu, qui ont le mérite de la variété. Au début de l'aventure vous débutez avec un petit calibre. Mais plus vous avancerez et plus l'arsenal s'étoffera. On pourra ainsi empoigner aussi bien un Desert Eagle qu'une PPSH ou encore des fusils de sniper 50 DMG. Un bien bel arsenal. Et aucune usure dont il faudrait se préoccuper. Côté ressenti, disons qu'il est loin de l'excellence. On a certes du recul, mais on n'a pas vraiment la sensation d'avoir quelque chose de lourd en mains. Il en va de même avec les armes de mêlée au corps-à-corps. Pas de grand ressenti et pas de grand "choc" durant les coups portés. Il faut ajouter qu'il n'y a aucune localisation des dégâts. Un tir dans la tête ou dans la jambe aura exactement le même effet. Dommage. Il n'est pas non plus possible de démembrer les mutants. Un peu dur, notamment lorsque l'on ressort d'un Resident Evil 2 plutôt exemplaire sur ce point.
Pour résumer, durant ma partie (en mode Normal, sachant qu'il est possible de jouer en Facile ou Difficile et de basculer de l'un à l'autre dans les options), je n'ai jamais vraiment été à court de munitions ni même de vivres. Si vous êtes un tant soit peu curieux, vous dénicherez très facilement de l'équipement durant vos pérégrinations. Les munitions sont toutefois une denrée rare, mais vous pouvez ramasser des armes au sol, notamment sur les cadavres encore fumants de certains ennemis. De mon côté, je n'ai pas ressenti le besoin de le faire, sachant que je faisais le plein dans les camps avant chaque sortie.
Trop de missions...
Comme dit plus haut, le scénario est fractionné en de très nombreuses missions. Ces missions principales sont pour la plupart assez rébarbatives. Du genre : aller tuer des Rippers (noms donnés aux membres d'un culte adorateur des freakers), récupérer du matériel, tuer des drifters ou du "mutant"... Voilà en résumé tout ce qui nous concerne. Ne vous attendez donc pas à des tâches super mouvementées et hollywoodiennes. La plupart du temps, on a surtout affaire à du gunfight ou de la furtivité. L'infiltration est d'ailleurs totalement ratée, la faute à une intelligence artificielle "humaine" complètement à la ramasse. Celle des mutants l'est tout autant, mais pour les humains c'est forcément plus flagrant. Le cône de vision ennemi est des plus restreints et cela même en mode de difficulté Normal.
Les missions nécessitant de la discrétion se feront normalement sur celles impliquant d'espionner des chercheurs du NERO. Durant la première moitié du jeu, ce sont toujours les mêmes actions à répéter sur plus d'une dizaine de missions, les mêmes choses à faire : poser une balise sur un hélicoptère et suivre un scientifique, en se cachant dans les buissons et en jetant des cailloux pour faire diversion. Cette redondance entraîne une grande frustration, accrue parfois par la présence de militaires du NERO, impossibles à tuer à cause de leur super combinaison.
...On tourne en rond ?
L'histoire vous fait voyager de camp en camp où vous aidez les chefs via différentes activités. Et comme prévu, cela se résout surtout à coup de gunfights. Mais vos péripéties vous permettent d'en apprendre plus sur ce monde et ce qu'il était autrefois, mais aussi de creuser un peu les différents persos. En réalité, ce qui est particulièrement rageant reste dans le fait d'entrer dans une zone de mission et ne pas pouvoir en sortir, ni l'appréhender comme on le souhaite. Si vous vous éloignez trop de votre objectif, vous êtes considéré comme étant "hors zone" et vous devez reprendre depuis le début. Difficile de laisser une place au gameplay émergent, à la créativité, le tout faisant assez "couloir" dans le déroulement desdites missions. Vous suivez un chemin, voire un peu plus quand c'est permis, mais le tout demeure généralement très scripté. Il y a également des points d'intérêts symbolisés par des "?" qui vous mènent soit à faire de la traque, soit à sauver un humain des griffes de mutants ou de Drifters ou bien des scènes assez sympathiques (comme assister à un petit concert musical). Elles sont optionnelles et viennent gonfler une durée de vie déjà très conséquente.
No Man's Land
Le No Man's Land, c'est la vie en dehors des camps. Un monde où il ne fait pas bon traîner. Peuplé de mutants, d'humains peu recommandables et surtout d'animaux tantôt inoffensifs comme des biches et tantôt agressifs comme des jaguars, des ours, des corbeaux ou des loups. D'ailleurs les trois derniers de la liste ont une variante infectée et la tâche devient plus ardue pour s'en défaire. Le bestiaire aurait d'ailleurs mérité davantage d'attention de la part des développeurs. Ça ne grouille pas de vie dans le No Man's Land et quelque part c'est normal, mais un peu plus de diversité aurait été des plus appréciable.
Au début de l'aventure, on fait face à des grouilleurs de bas niveau (que ce soit des mutants adultes... ou encore enfants) pour ensuite se retrouver face à des créatures plus féroces comme des beuglardes ou des brutes. Le design général n'est pas extraordinaire et les brutes ressemblent davantage à des Hulk du pauvre qu'à de vrais mutants impressionnants. Là encore, le bestiaire manque de diversité et on se retrouve à affronter très souvent les mêmes types d'infectés, ce qui est plutôt dommage. Et en réalité, ce sont surtout les brutes qui posent problème. À partir de deux, la tâche devient très compliquée en frontal. Mais mention spéciale tout de même aux corbeaux infectés qui sont de véritables plaies. Réellement. Il faut brûler les nids un à un pour ne pas finir comme dans le film de Hitchcock. Autre difficulté, les snipers qui vous feront systématiquement chuter de votre moto. Il est possible d'en éviter, mais la plupart du temps c'est assez difficile et il faudra en plus combattre d'autres ennemis au sol. En bref, l'adversité n'impressionne pas et aurait mérité plus de variété. On tourne assez vite en rond, même si les freakers en dévoilent plus sur eux et leur mutation plus loin dans l'aventure.
La voie du NERO
Bien entendu, même si le monde est farouche, il nous laisse des clés pour y évoluer de façon plus confortable. Dans ces terres désolées, vous survivrez grâce à vos compétences, que vous pouvez améliorer au fur et à mesure des missions que vous achèverez, via des points à distribuer suivant trois axes : armes de mêlées, armes à projectiles et la survie. Deacon est pourvu d'un sens du pistage qui lui permettra de voir des événements passés et mettre en exergue des traces de pas à suivre. Les phases de pistage ne sont pas très palpitantes pour la plupart.
Il y a également des camps du NERO qui vous permettront de vous injecter un sérum offrant la possibilité d'augmenter Santé, Endurance et Concentration. Pour ce dernier, il s'agit d'une compétence qui vous permet de ralentir le temps et ainsi avoir une visée plus précise pour enchaîner les tirs à la tête. Une capacité très précieuse qu'il ne faut pas négliger. Autre point, ces installations vous demanderont pour la plupart de trouver un bidon d'essence et de la ferraille pour alimenter un générateur. Il faut cependant faire attention, car ces bases disposent de hauts-parleurs à mettre hors d'état de diffuser, afin de ne pas attirer les créatures. On finit par s'habituer au No Man's Land et son hostilité, sachant que vous pouvez aussi brûler des nids de mutant afin de sécuriser une portion de route. Certains axes mènent à des camps, et si vous n'éradiquez pas ces habitations, alors il vous est impossible de faire des voyages rapides jusqu'à un campement. Pour en venir à bout, il vous faudra soit lancer un cocktail Molotov soit placer un bidon d'essence ou encore avoir des carreaux d'arbalètes explosives. Il faut brûler la cachette pour faire sortir les zombies. Puis...Couic !
C'est la carte, c'est la carte !
Pour trouver ces recoins il faut passer par la carte. Pour activer le menu, rien de plus simple, tout passe par le pavé tactile de la DualShock 4. Une très bonne idée, pratique grâce à une navigation très simple dans les menus. La map se révèle vaste et se laisse découvrir peu à peu, au fil de l'aventure. D'ailleurs, pour revenir aux nids... certains vous feront provoquer des hordes. Parlons d'elles justement, puisqu'elles sont l'attrait principal de Days Gone : le fait est qu'on peut affronter des centaines voire des milliers de "zombies". Le jeu fera monter la hype petit à petit jusqu'à en défier. Avouons-le : c'est impressionnant. Voir des mutants se mouvoir tel un seul homme pour nous poursuivre et nous coller des mandales par centaines est une expérience excitante. Il faut vous accrocher pour vous en débarrasser. La clé du succès repose sur un bon équipement. Cependant, on n'en croise pas si souvent, fort heureusement. Mais du coup, on peut en ressortir un peu déçu, sachant que c'est la "fonctionnalité" phare du titre.
A défaut d'avoir des hordes à tous les coins de rue, on aura des combats de boss qui viendront ponctuer l'aventure. Sur ce coup, l'expérience est assez inégale. Certaines échauffourées peuvent être sympathiques quand d'autres (dont la première brute) peuvent s'avérer très complexes à gérer. Mais rien de mémorable. Pour finir, le cycle jour/nuit est assez intéressant. Vous trouverez moins de mutants le jour, car ils en profitent pour se reposer, avant de sortir à la nuit tombée. Sachez aussi que dès lors qu'il pleut ou qu'il neige, les conditions deviennent favorables aux grouilleurs. Il faut donc faire preuve de stratégie avant de vous aventurer hors d'une zone habitée.
Je veux tes vêtements, tes bottes... et ta moto
La moto est votre meilleure amie. C'est avec elle que l'on peut se mouvoir dans les différentes contrées plutôt variées allant de la forêt aux marécages en passant par des zones enneigées et des villes de campagne. Et oui, votre bécane aura besoin d'être bichonnée. La customisation doit même occuper votre esprit. Il faut acheter des moteurs plus puissants pour, logiquement, aller plus vite, de la nitro ou encore des sacoches pour stocker des munitions ou bien des pneumatiques permettant de mieux adhérer sur les routes.
Il faudra en prendre soin en l'alimentant en carburant très souvent et en la réparant avec des pièces de ferraille que vous trouverez dans le No Man's Land. Il est possible d'effectuer ces tâches dans les camps plus facilement, via les mécaniciens, moyennant un peu de monnaie, bien entendu. Par contre, ne vous attendez pas à être grisé par les sensations de vitesse. La moto donne plutôt l'impression de se traîner. Une vraie déception que ce sentiment de "piloter" un tracteur au lieu d'une bécane badass. Notons aussi que j'ai pu être confronté à de nombreuses reprises au même bug : une fois la moto encastrée dans une voiture, un mur ou un portail, il m'était presque impossible de m'en extraire. Très fâcheux. Finissons ce point avec une note positive : il est possible de faire une sauvegarde rapide depuis la bécane, ce qui est très pratique.
On n'attend pas Patrick ?!?
Outre la moto, l'autre point essentiel est la vie au camp. Chacun d'eux est géré par un ou une chef(ffe) avec sa propre personnalité. Dans tous les camps vous retrouverez un mécanicien pour customiser votre moto (esthétique ou technique) et un boucher pour déposer de la viande ou des plantes. Vous pouvez aussi déposer des oreilles de mutants chez le gestionnaires de prime pour gagner des crédits. Crédits que vous allez acquérir au fil des missions. Vous irez ensuite dépenser vos deniers chez le mécanicien ou le marchand pour acheter de nouvelles armes ou juste recharger vos munitions ou soins. Toutefois, vous ne pourrez pas tout acheter d'un seul coup. Tous les lieux de vie vous demandent un indice de confiance. Trois niveaux au total. Au niveau 1 vous aurez une arme, au niveau 2 un peu plus et au niveau 3 vous aurez accès à tout, de même chez le mécanicien. Une bonne idée en soi pour ne pas déséquilibrer le jeu, mais il faut le refaire à chaque camp que l'on croise. Ce qui devient vite rédhibitoire...