Après Owlboy, Iconoclasts ou encore Hollow Knight, et en attendant Heart Forth, Alicia et surtout Bloodstained : Ritual of the Night, la caste des Metroidvania ouvre ses portes à un autre jeu au développement allongé : Chasm. Le projet de James Petruzzi, démarré avec l'aide de Kickstarter il y a 5 ans, peut-il rêver d'un destin royal ?
Être soldat, cela implique d'avoir l'opportunité de visiter le vaste monde, de régler des problèmes dans des contrées éloignées aux côtés de ses frères d'armes. Lorsque le protagoniste de Chasm s'éveille dans l'avant-poste de l'armée de Guildea, il s'imagine déjà au milieu d'une bataille rangée contre ces gredins du royaume de Delkath, trucidant ses ennemis un par un sans même lâcher une goutte de sueur avant d'aller manger son sandwich. Mais une autre mission attend le novice. Le village de Karthas va mal. Les villageois on un problème venant de leur mine. À lui de mener l'enquête dans les sous-sols dans cette bourgade insignifiante, pour ce qui pourrait n'être qu'un loup égaré, avant de découvrir, en avançant dans ses investigations musclées, qu'une menace bien plus importante pèse sur les lieux.
La beauté intérieure
Metroidvania pur jus, fait d'exploration, d'action, de plate-forme, de leveling et d'assimilation de compétences à des moments précis en vue d'accéder à de nouvelles zone, Chasm a communiqué principalement sur deux éléments : son pixel art authentique et chatoyant, et son aspect procédural. Abordons sans attendre l'aspect visuel, d'autant plus logique que, il est vrai, on peut difficilement ne pas remarquer l'amour du beau pixel qui se ressent dans chacun des sprites et des décors traversés. Le héros comme les personnages rencontrés ou le bestiaire incroyablement bien fourni s'avèrent ravissants, bien détaillés niveau 16bit ++ ; et l'on pourra peut-être simplement regretter que les premiers ennemis ne disposent d'aucune animation d'attaque, faisant office de plots en déplacement... Ou qu'on se retrouve face à des reskins parfois éhontés de créatures de Castlevania : Symphony of the Night (gargouilles, marionnettes, squelettes...), patterns compris - et même un familier épée bien connu. Ce qui nous amène d'ailleurs, au passage, à mentionner des boss fort joliment dessinés, parfois imposants, mais sans surprise (La Mort de SOTN se retrouve copiée jusque dans son plus petit lancer de faux), assez simplistes et totalement oubliables. Dommage, on comptait sur eux pour nous donner d'autres frissons.
Quant aux différents environnements, qui nous baladent de mines sombres jusqu'à une caverne baignant dans la lave en passant par des catacombes, jardins et autre donjon abritant une arène encore une fois assez familière, on pourra là aussi reconnaître, à défaut d'originalité dans les thèmes et de liant, un excellent travail sur les arrière-plans, quelque fois animés avec adresse, et un choix pertinents dans les couleurs et les décorations environnantes. Il y a bien de quoi s'imprégner de chaque ambiance par la vue, ainsi que les , les musiques et les bruitages se révélant malheureusement assez peu entraînants, et aimer user ses souliers dans de nombreux allers-retours...
Rogue douce
Lorsque ses développeurs ont commencé à brandir le terme "procédural", on a imaginé une génération aléatoire des niveaux, à la façon de la plupart des Rogue-like modernes, avec une mort signifiant un retour aux affaires dans des zones réagencées pour une sensation de découverte renouvelée. Sauf qu'en réalité, rien ne change de toute votre partie, à laquelle un code est attribué, un "seed" qui fait que vous aurez droit à une architecture globale différente de celle d'un autre joueur. Mais fixe. L'encadrement reste assez rigoureux. Ce qui est laissé entre les mains des algorithmes, ce sont les couloirs et pièces situées entre des endroits parfaitement définis et immuables dans leur forme. Et qui, de manière générale se reconnaissent à leur caractère assez générique et convenu de couloir ou salle tout en verticalité, ponctué d'une poignée d'ennemis bien espacés et de surfaces étriquées, en mouvement ou friables. Autrement dit, ça fait le job, mais empêche d'avoir des passages qui sortent du lot. Et préfigure d'une replay value en berne si d'aventure vous songez à vous replonger dans le jeu de Bit Kid après l'avoir retourné - ah oui, pardon, les solutions des "puzzles" varient, c'est peu. Alors à moins de vouloir à tout prix jouer la carte du challenge dans le mode qui vous tue définitivement...
Laissez le Chasm agir
Ce qui est sûr, c'est qu'une fois passé la zone de la mine très morne où l'opposition n'a rien de folichon, on accroche assez bien au mix déambulation avec supplément verticalité et rixes parfois tendues. Certes, concernant les combats, on peste que le dash arrière se révèle un peu trop lent à sortir après un coup, très raide selon l'arme employée, contrairement au saut, que l'on peut orienter avec souplesse. Mais la montée en niveau, qui signifie des statistiques à la hausse, ainsi que la libération de villageois qui pourront vous aider à faire évoluer votre armement (qui permet d'empoigner épée, masse, hallebarde, fouet, couteau ou encore gant), vos pièces d'armure, ou encore des magies très castlevaniesques (hache, couteau, eau bénite...) dans l'autre main, via des dépenses ou du crafting de lingots, règlent bien des problèmes. Cela à un rythme appréciable, surtout si l'on profite de son passage au bled pour se prémunir des dangers avec des potions - dont il faudra trouver la recette au préalable - et quelques denrées énergisantes.
On regrette également que la science du placement des téléporteurs et points de sauvegarde n'ait pas touchée les développeurs. Bien que charmant, Chasm fait gonfler sa durée de vie (environ 9h00 en mode Normal pour atteindre 97% de map découverte) par ses corridors piégés un peu trop allongés et ses endroits-clés situés trop souvent à perpète, obligeant à marcher, backtracker, sauvegarder par sécurité, marcher encore... Jusqu'à en préférer éviter toute confrontation. Surtout que, parce que l'outil de marquage sur la carte relève de la blague et qu'on a parfois un mal fou à se remémorer où l'on a aperçu l'objet d'une quête annexe où la jonction qui nécessite notre présence, il n'est pas rare de se retrouver perdu dans la nécessité de tout parcourir de nouveau. Et quand bien même les différents artefacts ou encore la pelle, pas tous accessibles dans le cours de la progression, autorisent petit à petit à dénicher de nouveaux endroits et trésors, on note là aussi un déséquilibre surprenant. Pour ainsi dire, la déception est absolue lorsqu'on réalise, en toute fin de partie, le masque subaquatique enfin récupéré, que les deux seules sections nautiques n'ouvrent pas sur un niveau caché où l'on continuera à nager mais juste sur un minuscule amoncellement d'écrans. Mais peut-être, au-delà de l'imagination ou de l'inventivité, a-t-il manqué des moyens pour mieux calibrer ce Chasm qui reste un hommage plaisant aux ténors du genre, mais certainement pas un nouveau classique.