Activision a fait le pari de revenir à la Seconde Guerre Mondiale sans encombre après de très (trop?) longues années à parcourir un contexte moderne ou futuriste. Et qui de mieux que le studio Sledgehammer pour réussir ce retour, avec à sa tête des personnalités émérites comme Glen Schofield et Michael Condrey ? Reste à voir si le résultat final est à la hauteur de nos espérances, ce que nous allons vérifier ensemble dès maintenant.
Cela fait 9 ans maintenant que la série Call of Duty n'avait plus fait dans la Seconde Guerre Mondiale. Une longue pause et un détachement de ce contexte historique qui a peut-être permis de faire fleurir les idées et de faire mûrir les propositions de gameplay. Quoi qu'il en soit, c'est avec grand plaisir que nous faisons ce bond dans le passé pour abandonner le superflu et revenir à l'essentiel. On peut presque palper, à de nombreuses reprises dans la campagne solo, les références à des oeuvres magistrales du domaine, comme l'indétrônable série Band of Brothers ou le culte long métrage Il faut Sauver le Soldat Ryan. Mais inutile de retenir le suspens plus longtemps : pour faire court, la campagne solo est une vraie réussite !
Une épopée humaine
La Seconde Guerre Mondiale. Il s'agit sûrement de l'une des périodes les plus terribles et les plus sombres de l'histoire de l'humanité, mais c'est aussi - et c'est paradoxal - une véritable épopée humaine où l'honneur, la bravoure et l'amour fraternel faisaient face à l'horreur et à la barbarie. Une période où bien des braves de toutes les nations sont morts pour répondre à la folie de leurs ennemis. Un temps terrible où se cache d'incroyables histoires individuelles et collectives, qui ont potentiellement leur place dans l'Art... et dans le jeu vidéo.
C'est ainsi que, dans la campagne solo, nous suivons majoritairement l'histoire personnelle du soldat Ronald "Red" Daniels et de son coéquipier et ami, le Première Classe Robert Zussman, juif américain, ce qui a son importance dans l'histoire. Tous deux font partie du 16ème régiment de la Première Division d'infanterie des Etats-Unis. Une bonne occasion pour le studio Sledgehammer de nous faire parcourir la France du Débarquement, de Normandie jusqu'à la Bataille des Ardennes, en passant par la Libération de Paris. Évidemment le jeu a choisi pour séquence d'ouverture le terrible jour du D-Day, sur les plages d'Omaha, théâtre d'une bataille qui, rappelons-le, fit 1000 morts coté américain et 200 coté allemand.
Immersion totale et émotions garanties
Casque audio sur la tête et yeux rivés sur l'écran, nous avons pu découvrir un moment très fort du jeu vidéo. Il s'agit sûrement de la représentation du Débarquement la plus intense et la plus puissante jamais proposée dans un jeu vidéo à ce jour. Il faut dire que cela faisait longtemps que le notre média ne s'y était pas essayé. En quelques minutes, l'enfer se déchaîne. Les barges de débarquement (les fameux landing crafts) accostent sur la plage et les balles commencent à siffler. Le sang coule, les membres se déchirent, les obus pleuvent. Une définition de l'horreur humaine, celle qui brisa le moral et la santé mentale de milliers d'hommes en quelques heures. Très honnêtement, c'est presque un sans faute coté atmosphère. Nos oreilles s'en souviennent encore. Seul petit reproche : une traversée de la plage peut-être un peu trop rapide... Que voulez-vous, le joueur moderne est exigeant et ne prend plus le temps.
Après avoir réussi à traverser la plage sans trop d'encombres, on est très vite amené à faire sauter les dunes de sable avec une torpille bangalore, un long tube télescopique chargé d'explosifs. Une belle mise en scène faisant référence évidemment à une vérité historique, mais aussi au film Il faut Sauver le Soldat Ryan de Steven Spielberg. Plus tard dans les dialogues, on retrouve aussi une référence concrète (une phrase mot pour mot) à un passage de la formidable série Band of Brothers. La campagne solo est chargée d'émotions fortes et saura vous faire vibrer jusqu'à dans vos entrailles, d'autant que le sound design est tout bonnement somptueux et accompagnera toute votre aventure sans aucun faux pas.
Un quasi sans-faute pour la campagne solo
Notons d'ailleurs que les cinématiques sont très réussies et que, techniquement, Call of Duty WWII n'a pas à rougir de la concurrence. En revanche, et c'est toujours plus où moins le cas avec les jeux de la série, on note quelques faiblesses techniques tout au long du jeu. Quelques textures qui bavent un peu, quelques ombres qui ont tendance à pixeliser... Rien de bien méchant, d'autant plus que certains effets volumétriques comme les effets de fumée sont bluffants, et il ne s'agissait "que" d'une version PS4 Pro. On regrette d'ailleurs fortement de ne pas avoir pu voir tâter la version PC pour ce test, et l'on espère qu'elle corrigera ces défauts. Bref, malgré les quelques petits soucis d'ordre visuel, rassurez-vous : ça reste très honnête dans l'ensemble et l'immersion ne s'en trouve jamais affectée.
Le coté immersif/historique est d'ailleurs présent d'un bout à l'autre de l'aventure. Seul regret à ce sujet : la surenchère de certaines scènes typiquement Call of Duty. Un soldat seul qui prend une batterie anti-aérienne allemande Flak 36 pour abattre 10 avions, c'est non ! Il est toutefois difficile de faire la fine bouche avec campagne solo, qui réserve surtout de grands moments. Mention spéciale au fameux chapitre où l'on incarne une résistante française sous couverture dans le 5ème arrondissement de Paris : une réussite à tous les niveaux, qui vient clairement mettre une grosse claque à ceux qui ne jurent que par l'action, l'action et encore l'action.
Au total, la campagne solo propose 11 chapitres (+ 1 épilogue bonus) et on est happé par l'ambiance et les mécaniques de jeu à chaque instant, du début à la fin. On a presque du mal à resister à la tentation de vous spoiler deux scènes spécifiques du jeu, absolument géniales, mais on préfère évidemment vous laisser une surprise totale et ne rien gâcher de votre plaisir. Bref, le solo de Cod WWII est un grand cru et mérite à lui seul de s'attarder sur ce nouvel épisode.
Un multijoueur classique mais avec de bonnes idées
Coté multijoueur, ça reste très traditionnel, mais heureusement quelques nouveautés de très bonne facture viennent apporter un coup de boost intéressant. Comme ce fameux "Headquarter", qui était très flou avant qu'on ne puisse jouer au jeu. Pourtant c'est très simple et on se demande même pourquoi certains studios n'y ont pas pensé plus tôt. Au lieu de passer par un menu matchmaking sans aucun charme, on passe en effet par le fameux Headquarter, un hub communautaire géant sous forme de base militaire dans lequel on peut interagir avec le reste des joueurs pendant un matchmaking, ou tout simplement jeter un coup d'oeil au mode prestige de son personnage. Les amateurs d'e-popularité pourront en effet monter en grade jusqu'à devenir prestige 1, puis 2, puis 3, avec à chaque fois un reset global de tout ce qu'on a pu débloquer.
Il est même possible de s'entraîner via un mode "Duel", dans lequel on affronte un joueur s'étant préalablement inscrit sur une liste. Évidemment, c'est aussi là que l'on ouvre ses "loot box", ces fameuses récompenses que l'on peut récupérer au cours de nos parties en mode solo et multi. Une boîte peut inclure un skin, une arme, un boost XP pendant x temps. Du grand classique comme on peut aussi en trouver sur Star Wars Battlefront II et Battlefield 1. Bref, ce Headquarter est une vraie bonne idée et s'inspire très largement de ce qui se fait sur Destiny et Destiny 2.
Sinon, on retrouve dans la liste des modes multijoueurs, 9 propositions :
- Mode Guerre
- Foot Américain (Gridiron)
- Point Stratégique
- Capture de drapeau
- Match à mort par équipe
- Mêlée Générale
- Domination
- Recherche et Destruction
- Elimination Confirmée
Clairement, les plus intéressants sont les modes Guerre (War mode), Gridiron et Team Deathmatch. Ce sont d'ailleurs sur ceux-là que la majorité des journalistes présents pour ce test ont passé le plus clair de leur temps. Le mode War est la grosse nouveauté de Call of Duty WWII et elle va piocher dans ce qui se fait chez la concurrence (Battlefield). En gros il s'agit d'un mode de jeu avec objectifs, ce qui permet d'éviter les petites actions égoïstes, qui est jouissif du début à la fin, du fait de sa haute valeur coopérative. Mention spéciale à la map "Sword", qui est la plus réussie d'entre toutes (D-Day oblige). Pour agrémenter tout cela, on retrouve les fameux killstreaks, allant du tir de barrage aux largages de parachutistes sur le champ de bataille. De très bonnes idées.
Plus axé sur le fun, Gridiron est en fait un mode de football américain dans lequel on doit marquer avec une balle dans le camp adverse. Il s'agit simplement d'un mode capture de drapeau, mais avec une balle à la place du drapeau. Adrénaline garantie, surtout quand on est à deux doigts du touch down et qu'on sait que toute l'équipe adverse est sur nos talons.
On ne vous fait pas l'offence de vous présenter le mode Team Deathmatch, qui fonctionne toujours aussi bien. Le reste du multijoueur n'est pas inintéressant, loin de là, mais disons que ça reste peut-être un poil trop classique. De manière générale, on aurait aimé une plus grande prise de risque et surtout plus d'envergure dans les combats. Car le classique 6 vs 6 n'est clairement pas digne d'un affrontement de la Seconde Guerre Mondiale. Le mode War aurait par exemple pu faire l'effort de monter à 10 vs 10, voir - soyons fous - 20 vs 20, histoire d'augmenter le coté épique du conflit.
Du "politiquement correct" de haut niveau
Il y a quand même quelque chose d'assez incompréhensible dans ce Call of Duty WWII. D'un coté le désir de rendre hommage aux victimes de ce conflit, de montrer son extrême violence de façon réaliste (la campagne solo), et de l'autre un puritanisme presque obsessionnel du coté multijoueur. On arrive à un stade de politiquement correct absolu, au détriment de la fidélité historique. Pour expliquer les choses simplement : proposer par exemple d'incarner une femme noire du coté de la Wermarth relève du ridicule. Quant à l'absence de croix gammée, l'argument du studio la justifiant paraît totalement caduque : il n'y aucune raison que la présence d'une croix gammée puisse choquer en multijoueur alors qu'elle est librement représentée dans le mode solo. Les deux modes de jeu ne sont pas vendus séparément mais font bien partie d'une même oeuvre vidéo-ludique. Des décisions qui n'ont rien de bien grave, mais qui pour des raisons difficilement compréhensibles semble vouloir "dissimuler" l'Histoire telle qu'elle fut. D'ailleurs on ne comprend pas bien non plus le système de personnalisation des casques : voir des soldats allemands avec des casques américains ou vice versa est assez incompréhensible. C'est laid, ça n'a aucun intérêt et c'est en quelque sorte une "insulte" à l'Histoire.
Un mode zombie au top
Passons enfin au mode Zombie, qui fait son grand retour en revenant aux sources, avec des zombies nazis (évidemment). Qu'en dire d'autre que c'est fun, fun et encore fun ! En coopération avec quelques amis, c'est un régal. Devoir gérer les vagues de morts-vivants de plus en plus puissantes, voir son adrénaline grimper quand on arrive au bout de son dernier chargeur, devoir gérer les énigmes (complexes) dans l'environnement... Un plaisir de tout les instants qui charmera aussi bien les néophytes que les vieux loups de mer. Sûrement l'une des plus grandes réussites de la partie multijoueur. L'oppression grandissante quand on se retrouve tout seul, loin de nos 3 coéquipiers, devrait a elle seule inspirer et donner des idées aux grands pontes de l'horreur qui n'arrivent parfois pas à nous faire atteindre un tel niveau de stress. J'étais vraiment étonné de constater qu'un jeu typé FPS traditionnel comme Call of Duty puisse mieux fonctionner à ce niveau que certains survival horror.