Soucieux de ne pas rester coincé dans la case des simples hommages à l'un des classiques les plus intemporels de chez Capcom, Battle Princess Madelyn espère se démarquer en proposant un mode Histoire aux antipodes de son aîné, du moins l'espère-t-on. C'est d'ailleurs la promesse sur laquelle avait été lancée la campagne de financement participatif : transformer un genre bien connu en pushant les boundaries, comme pourraient sans doute le formuler nos amis canadiens. Après un nombre de reports en cascade qui a laissé jusqu'au dernier moment plané le doute sur son effective sortie chez nous, voici venue l'heure de vérité pour l'autre Madelyn.

Elle a compris la vilaine frisée ?

Signe du temps qui passe et de l'aboutissement de certaines luttes pour l'émancipation sociale, cet hommage appuyé aux aventures d'Arthur (et dans une moindre mesure de Firebrand, qui nous manque au moins aussi terriblement), Battle Princess Madelyn inverse les codes, et offre comme son nom l'indique le premier rôle à la jeune Madelyn, qui ne parvient pas à trouver le sommeil, la faute, sans doute, à cette fichue tablette qu'elle ne veut pas lâcher. Heureusement, le grand-père débarque à point nommé, et s'empresse de lui raconter une histoire sordide dans laquelle un personnage éponyme voit sa royale famille décimée devant ses yeux. Pire : son fidèle clébard qui laisse parler son instinct protecteur se voit aussi passer de vie à trépas, et là, c'est la goutte de trop. Aux côtés du spectre fantomatique de feu-son toutou, la princesse va enfiler son armure pour venger par l'épée les commanditaires machiavéliques de cette exaction.

Dans les faits, l'aventure prend des airs de jeu d'action en 2D laissant une grande part à l'exploration. Sans le traditionnel découpage en niveaux, il vous revient de trouver votre chemin, caché quelque part au sein de la myriade de conseils glanés en chemin. C'est qu'ils en ont, des doléances ces autochtones ! Sans journal de quête ou menu adéquat, il vous faudra faire preuve d'une rigueur mentale certaine pour vous souvenir à qui appartient ce bijou trouvé dans la vase, et tant pis pour l'efficience. Ah, pareil pour les contrôles hein, il faudra faire au mieux, faute de tutoriel. De toutes façons, vous allez mourir, alors autant expérimenter, non ?

Vous êtes de la famille du pendu ?

Mais qu'importe, l'aventure n'attend à priori que vous, et c'est la rose au glaive que l'on se lance à l'assaut de hordes interrompues de zombis, goules et autres saloperies volantes en tous genres. Si le gameplay reste sacrément efficace malgré sa simplicité empruntée sans ménagement à Super Ghouls'n Ghosts, il est difficile de chanter les mêmes louanges au level design. Largement horizontal, il parvient pourtant à rapidement décourager les aventuriers les plus chevronnés, la faute à de nombreuses incohérences, mais aussi et surtout à une absence totale de clairvoyance qui aurait sans doute amené le pauvre Arthur à manger son célèbre caleçon. Avec un saut au départ très limité, la plupart des plate-formes affichées s'avèrent inatteignables, et lorsqu'elles le sont, ces dernières se trouvent bien souvent hors-champ, donnant lieu à une schizophrénie bien embarrassante.

Sans repère ni véritable indication sur la direction à suivre, le joueur se retrouve donc obligé de tenter, de piffer des sauts improbables en espérant atterrir sur une plate-forme salvatrice que l'on ne pouvait pas deviner. Triste. C'est d'autant plus dommage que le jeu s'en sort à merveille sur le plan graphique, proposant des environnements typés Mega Drive splendides, vastes et brillamment animés, mais par-dessus lesquels on passera bien trop vite, tout occupés à chercher ce foutu chemin qui mènera au prochain boss. Certains niveaux en deviennent carrément frustrants, comme le marais qui vous obligera rapidement à essorer toutes les possibilités avant d'espérer trouver LE chemin qui permet de progresser : un contresens absolu qui peut légitimement rendre fou, comme si Sonic the Hedgehog ne proposait qu'un seul et unique cheminement valable malgré ses nombreux embranchements. Heureusement, les développeurs ont fait preuve d'un peu de mansuétude en proposant une drôle de gestion de la vie, moins punitive qu'à l'accoutumée : Madelyn peut en effet recharger une jauge de respawn en tuant quelques mobs, de quoi éviter un game over trop expéditif, à condition de ne pas avoir peur des aller-retours.

Semi-croustillant

C'est alors la mort dans l'âme et la mâchoire encore serrée que l'on finira bien vite par tirer un trait sur ce mode Histoire et sa galerie de personnages pourtant joliment dessinés, pour vite se rabattre sur ce bon vieux mode Arcade, fonction d'un stretch goal ô combien salutaire. Et là, le miracle semble soudainement se produire : Madelyn se retrouve une fois de plus à pleurer la mort de son fidèle compagnon canin, mais envoie valser tout le superflu. Le rétrogaming reprend alors ses droits, découpe l'action en bon vieux stages des familles, mais en resserrant considérablement son level design. Le résultat ? Un jeu bien plus pêchu, efficace, lisible, qui nous fait prendre conscience que tous les mariages se sont pas des plus heureux. Issue de l'arcade, la formule de Ghouls'n Ghosts se suffit finalement à elle-même, et n'avait donc pas besoin d'être passée à une quelconque moulinette. En tous cas pas celle-ci, c'est une certitude.

Du coup, nous nous retrouvons face à un jeu bicéphale dont la substantifique moelle réside finalement dans son mode de jeu au départ optionnel, mais qui le sauve au final de la punition que l'on réserve aux copies hors-sujet. C'est d'autant plus dommage qu'avec un tel habillage, l'aventure ne nous pousse jamais à ,nous accrocher, car casser du zombi au sein de ces superbes environnements s'annonçait être un périple des plus attrayants. Mais malgré son splendide hommage visuel et auditif, Battle Princess Madelyn ne s'adressera finalement qu'aux mordus de la formule rendue célèbre par le développeur d'Osaka dès 1985, désireux de se frotter à un nouveau challenge moins retors, mais aux sensations intactes.